J’ai toujours été fasciné par les utopies et le genre littéraire qui s’y rapporte. Je me rappelle avec plaisir le cours de littérature comparée à l’université qui, il y a bien longtemps déjà, proposait une étude des utopies littéraires à travers les âges.
J’ai découvert il y a peu, une nouvelle de Samuel Beckett qui représente une société enfermée dans un tonneau complétement vide et gigantesque bien que très petit au regard des deux cents être humains qui l’habitent. Le dépeupleur, c’est lle titre de cet ouvrage, est la description d’un microcosme à la fois horrible et familier.
Outre le style particulier de Beckett (certains seront désarmés par un langage fait de phrases courtes et imagées et à la grammaire étrange), ce récit met en oeuvre dans un minimalisme efficace, toutes les particularités de ces êtres qui vivent immobiles et prisonniers du dit tonneau. Très vite on remarque que leurs infimes actions ont un but: échapper à leur misère l’espace d’un court moment en grimpant par quelques échelles disposées ça et là sur les parois de leur prison. Ils pourront ainsi atteindre les niches qui leur donneront un peu de repos. Pour cela, ils attendent des jours, parfois des semaines.
Les conditions de vie sont très dures. Ils sont nus, il n’y a pas de lumière, la température du cylindre oscille toutes les cinq secondes. Un corps par mètre carré…Dans ce monde qui nous emble être un enfer, des hiérarchies se sont formées et l’inégalité la plus primaire règne en maître.
Il est clair que la vision pessimiste du monde de S. Beckett a frappé un grand coup car dans ce tonneau infernal, nous reconnaissons la métaphore de notre monde et du comportement humain. Ce n’est pas mon rôle de tout dévoiler ici, mais ceux qui ne sont pas indifférents à la condition humaine auront vite fait de tracer les parallèles nécessaires.
La nature profonde de l’être humain est-elle réellement aussi vide de sens? Et qu’y a-t-il au delà du tonneau? Qui a fabriqué le cylindre et qui décide de ceux qui meurent et des nouveaux arrivés? On pourrait encore poser beaucoup d’autres questions existentielles. La vision quasi nihiliste de Beckett a le mérite de proposer une réflexion sur notre tonneau qu’est la planète terre et ses habitants. Il traite son texte avec une rigueur inéluctable l’image de notre temps mortifère. Il décrit scientifiquement, sans passion et sans sentiment la condition qu’il estime sans doute être la sienne.
A lire lors d’un dimanche pluvieux…si vous nêtes pas trop déprimés!