Cette semaine, même si elle fut très chargée, ne m’a pas empêché d’avoir de nombreuses pensées émues en me souvenant de ce 22 novembre 2012, jour de la Sainte-Cécile, où mon papa nous quittait après une « longue, très longue maladie« . Parlant de J.S. Bach à Gand ce mercredi, je n’ai pas pu m’empêcher de lui dédier cette conférence si bouleversante humainement. Je me souviens toujours avec beaucoup d’émotion de notre dernière conversation en tête à tête, de ses peurs et de ses angoisses, de la remise en question de ses croyances les plus fondamentales, de sa foi mise à mal par l’épreuve… finalement rien d’autre qu’une attitude humaine naturelle et normale. Au moment de franchir le seuil, que de questions…, que de solitude, malgré le fait que nous l’entourions de notre mieux. Que de patience et de douleurs pour ma maman qui, chaque année, vit ces jours-ci avec le souvenir et la tristesse.
Dessin au crayon de l’église de Hollogne réalisé par ma maman, Jacqueline Razier.
Et puis, ces nouvelles en provenance de Hollogne-aux-Pierres où la démolition, appelée pudiquement déconstruction par la bourgmestre, de l’église paroissiale Saint-Pierre a commencé! Un souvenir profondément ancré dans notre histoire familiale. Et même si aujourd’hui, je ne fréquente plus les églises, si ma foi s’est éteinte au profit d’autres enjeux philosophiques, je suis bien conscient qu’avec cette disparition, c’est un peu de notre passé qui disparaît, même s’il persiste dans la mémoire et les souvenirs. Avant le départ de mon père, j’avais déjà marqué ma tristesse de voir cet édifice et la Place de l’Église perdre toute la vitalité d’autrefois.
Photographie personnelle 26/11/2017
Elles sont loin, les joies des fêtes, des foires foraines, des cirques et des jeux d’enfants au pied de l’édifice religieux. Loin aussi les messes de minuit, les chants, les moments d’allégresse… et de tristesse, les premières amours et les douleurs de cœur! Et m’envahit un peu de cette Sehnsucht (nostalgie) que j’évoque si souvent à propos de la musique romantique allemande. Je réaménage donc ce texte de 2012… en poursuivant l’histoire… pas encore achevée puisque l’édifice n’est pas encore complètement déconstruit!
Photographie personnelle 26/11/2017
On a tous dans la tête les images de notre enfance. La mienne, elle s’est déroulée à Hollogne-aux-Pierres, une petite commune devenue Grâce-Hollogne avec la fusion des communes belges en 1970 et tristement célèbre depuis la mort tragique de deux de ses enfants… Julie et Mélissa. La population de cette grande commune de l’agglomération liégeoise est désormais d’à peu près 22 000 habitants. Nous sommes donc des Gracieux-Hollognois, …si, si! C’est ainsi qu’on nous nomme même si la grâce n’est pas à appliquer à tous… d’ailleurs moi, je ne revendique que le nom de Hollognois! … une histoire de vieilles rivalités… Je crois me souvenir que lorsque j’étais à l’école primaire, juste après la dite fusion des communes, nous avions appris que Grâce-Hollogne comptait 10 000 habitants… Cela a bien changé… Je ne crois pas si bien dire… !
Avis de classement de la tour et de déclassement du reste de l’édifice au Moniteur
J’ai quitté cette localité lorsque je me suis installé à Liège et mes parents y ont encore habité plusieurs années avant de quitter une trop grande maison et de s’installer ailleurs. C’est dire que depuis plus de dix ans, je ne retournais presque plus jamais à Hollogne. Mais voilà que suite au décès de mon dernier oncle hollognois, j’y étais revenu, puis ce fut le décès de mon père qui m’y ramena ainsi que les rares visites ultérieures au cimetière avec ma maman. Exactement dans mon quartier, à deux pas de notre maison familiale, sur la Place de l’Église.
Si, de prime abord rien ne semblait avoir vraiment changé, les maisons, l’arbre au milieu de la place semblaient figés dans le temps, il avait suffit de tourner les yeux vers l’église Saint-Pierre, celle que nous avions fréquenté et qui faisait partie de notre paysage quotidien pour mesurer la catastrophique détérioration du bâtiment… désormais vraiment délabré… et d’ailleurs interdit depuis des années aux fidèles et aux visiteurs. Mes parents m’en avaient parlé et les nouvelles étaient alarmantes. L’administration communale préférait abattre le monument que de le restaurer. Seule la tour du 13ème siècle, un beffroi unique en Wallonie serait sauvée.
Chronique de l’archéologie wallonne 2013 à propos de la tour.
Les offices religieux se déroulent depuis bien longtemps dans une petite chapelle à proximité, mais personne n’entre plus dans l’église… à l’exception de pilleurs qui, dit-on, ont emporté le maigre butin artistique qui s’y trouvait (en fort mauvais état, d’ailleurs).
Photographie Carine Chapelle 20/11/2017
Honnêtement, cela m’a fait mal de voir cet édifice laissé à l’abandon. Je me souviens de nombreux moments passés aux alentours et dans l’église… la foire foraine qui s’installait tous les mois de mai, pour une semaine de fête et d’amusements divers, les premières histoires d’amour, un souterrain interdit où nous allions quand même jouer, l’orgue de l’église que j’allais « faire sonner » (n’étant pas du tout organiste) clandestinement quand l’église restait ouverte, les farces que nous faisions pendant l’office, les messes de minuit à Noël et les offices divers pendant l’année et, peut-être plus amusant pour ceux qui me connaissent bien, mes expériences d’enfant de chœur… !
Photographie personnelle 26/11/2017
Alors voir cette église transpercée de véritables arbres qui ont poussé dans ses murs, la saleté de la façade, de ses abords… et même la tour du XIIIème siècle témoignant d’un passé roman, pourtant classée… quelle tristesse ! Oh, l’édifice n’a guère de valeur artistique. Elle est une grande église témoignant de l’essor de la commune à la fin du XIXème siècle, au moment où toute la région prospérait grâce à l’industrialisation et au charbon, mais quand même. Les autorités auraient dû assurer un minimum de conservation.
Photographie personnelle 26/11/2017
La place en question fut le lieu d’un cimetière mérovingien comme on en a retrouvé énormément dans la région. Et d’après les sources archéologiques, la tour romane représente les derniers vestiges de la première église. On sait que plus tard une construction gothique a dû exister. On en a retrouvé quelques traces lors de la dernière restauration. Ils avaient été conservés au presbytère… j’ignore ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Aucune iconographie ne nous est parvenue sur cette église gothique.
Photographie personnelle 26/11/2017
Par contre, l’édifice du XIXème siècle était très étrange. Un édifice en briques accolé à la vieille tour en pierres, un plan en croix latine mal équilibré… une curiosité et une image rare. Le petit édifice, disparu aujourd’hui, surmonté d’une croix situé à l’avant était le mausolée du château.
L’église avant 1895.
L’église définitive, comme je l’ai connue
Photographie personnelle 26/11/2017
Le développement de la population à la période industrielle a décidé les autorités à doubler sa capacité. On peut facilement comprendre l’ampleur des travaux. La girouette du clocheton à bulbe au-dessus de la croisée des nefs porte l’année de l’inauguration des cette restauration : 1895.
Comme dans de nombreuses communes wallonnes, les Allemands s’emparèrent des cloches, c’était le 22 juin 1943. Il fallut attendre jusqu’en 1967 pour que les nouvelles soient bénies.
Photographie personnelle 29/10/2017
Sur la place, un tilleul nommé « Tilleul de la liberté » est comme une sentinelle qui veille sur la liberté des Hollognois. Le cimetière, qui occupait jadis une partie de la place a été déménagé. La place est divisée en deux parties séparées par une voie carrossable.
Photographie personnelle 26/11/2017
Photographie personnelle 29/10/2017
Photographie personnelle 26/11/2017
La partie située du côté de l’église a été le lieu de nombreux jeux des enfants du quartier. La partie située de l’autre côté comporte un parterre qui est, lui aussi, laissé à l’abandon ou très peu entretenu. De belles maisons, très anciennes, constituaient la Justice de Paix (au milieu) et la Poste (à droite) au XIXème siècle. Mon oncle et ma marraine ont habité cette dernière pendant quelques années.
Il est fort probable que je ne retournerai plus très souvent à Hollogne-aux-Pierres… mais la triste image de cette église en déconstruction, une part importante de ma vie, me laisse un goût amer. Je retournerai bientôt pour voir la suite de la démolition et envisager l’étrange nouvel espace que la disparition de l’édifice va créer. L’administration communale ne sait pas ce qu’elle fera de l’endroit… gageons qu’il restera ainsi de nombreuses années! Je fixerai dans ma mémoire ces images car, quelles que soient nos convictions spirituelles, une église et ses abords sont là pour vivre, pour accueillir, pour être un refuge… et ses cloches doivent sonner les événements de la vie… !
Le quartier de l’église de Hollogne-aux-Pierres, vue aérienne.
C’est autour des églises que se groupaient les maisons autrefois. Elles en étaient le cœur, quelle que soient les convictions des habitants. Et priver un être de son cœur, c’est le faire mourir à coup sûr! C’est bien l’impression sinistre que l’on ressent lorsqu’on se présente aujourd’hui sur la Place de l’Église: Plus rien ne vit ! Une église avec une porte définitivement close, c’est tout un quartier qui est mort ou en sursis… et c’est l’échec d’une gouvernance qui s’affirme… Comment peut-on avoir négligé depuis plus de trente ans le patrimoine de la commune ? Et dans un ultime défi, sur l’un des murs encore en sursis pour quelques jours, un grand panneau, placé là il y a bien longtemps, cite le prophète Isaïe…! Un quartier entier dénaturé, triste désormais, voilà l’image qu’il me reste de ce qui, jadis, était si vivant et m’était si cher… dommage !
Merci pour cette magnifique évocation arttistique et humaine… comme toujours.
Merci pour cette magnifique évocation artistique et humaine… comme toujours.
Je vous comprends aussi mais sur un autre plan… et au sujet d’un autre édifice qui est étrangement lié par un fait divers tragique… Il s’agit du monastère des Clarisses à Malonne qui a été démoli aussi.
Certains disent peut-être que c’est une heureuse chose…
Moi pour des raisons très confidentielles , je trouve cela très triste… Garder l’église au milieu du village est chose devenue très complexe dans l’ici et maintenant!
MBl
En parcourant tes commentaires je te rejoins dans ce déferlement d’émotion qui m ‘envahit. Notre enfance insouciante est loin très loin…Que de cris et de joie partagés sur cette place et dans cette église, notre église que de souvenirs, je me souviens de la procession et de cette fierté quand toute endimanchée dans ma jolie robe blanche, je parsemais les rues de pétales de fleurs…Quel heureux évènement tant attendu… Je me souviens de mes communions très solennelles… Je me souviens de mon mariage… Je me souviens du baptême de Julie… Et je me souviens surtout d’un des pires fous rire de ma vie lors de Ton Mariage….Je ne vais pas révéler ce moment unique qui à fait que….Je respècte trop Monsieur le curé, l »Abbé Smet à l’époque si empreint de gentillesse.Je pourrais encore parler de nombreux souvenirs moins joyeux aussi, mais je ne garderai que les meilleurs. Alors cher cousin,merci à toi de m’avoir permis de me replonger dans cette période de ma vie que je garde là à tout jamais dans le fond de mon coeur. Au moins cela rien ni personne ne pourra jamais les détruire! Ta cousine Marianne
Commentaire magnifique et cette nostalgie est vraiment palpable.
J’ai vécu la même jeunesse que vous mais à Aubel et je serais vraiment meurtri comme vous si cette églises était démolie par faute d’entretien.
C’est tout un pan de votre vie qui disparaît et je vous comprends tellement bien.
Elle a bien changé depuis le dessin fait par ta maman Jean-Marc. La flèche est tombée d’un coup, tel le mât d’un navire au moment où Il s’abîme dans les flots qui l’engloutissent quand la machoire de la grande grue a mordu le centre de la nef. Maintenant, de chez ma maman, je peux voir la maison de Marianne. Petites on rêvait de pouvoir se voir en se parlant avec nos talkies-walkies …mais on était gosses. Aujourdhui c’est un mélange de dégoût des autorités et du clergé de n’avoir pas été capables de garder ce bel édifice, de tristesse et de soulagement, pour ma maman surtout, de ne plus vivre face à cette lente agonie (d’autant que sa rue est fermée à la circulation depuis avril 2014 à cause du danger d’effondrement et de chute de toutes sortes). Oui Jean-Marc, il est loin le temps de notre enfance, c’est la vie !