Résolutions… ou pas!

Rien de plus commun ni de plus éphémère que les bonnes résolutions prises en début d’année… Je n’en prendrai donc aucune, … officiellement du moins ! Car intérieurement, c’est une autre histoire. L’homme qui n’a pas de projet, qui n’a plus d’espoir ou qui considère qu’il ne peut plus progresser est perdu d’avance. Je suis un optimiste de nature ! Alors, vous l’imaginez bien, j’ai de très nombreux projets et compte bien, durant ces prochains mois, … avancer ! Mais je ne peux m’empêcher, au risque de sembler un tantinet trouble-fête (si vous me faites l’honneur de me lire jusqu’au bout vous découvrirez la plus belle récompense), de me poser, comme bon nombre d’entre-vous, des questions sur la réalité et surtout la qualité de notre monde. 

 

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N’y voyez aucune prise de position partisane, j’espère me placer, dans ma vie, au-dessus des querelles qu’on qualifie de politiques alors qu’elles ne sont trop souvent que particratiques. On discute la moindre chose et, finalement, on ne décide rien. Je suis loin d’être le seul à constater que notre pays est paralysé sur pratiquement tous les sujets importants. Mais là n’est pas mon propos ! Je voulais seulement ici m’interroger, moi, citoyen européen, belge et wallon… sur ce qui engendre, en Occident, un monde aussi inégalitaire. On pourra me rétorquer qu’il en a toujours été ainsi, que le modèle féodal, les royautés de droit divin, les dictatures et autres régimes qui ont fait notre histoire ont toujours été foncièrement inégaux, tant d’un point de vue financier que culturel. Je mesure d’autant plus la chance que j’ai, d’être issu d’un milieu d’origine modeste et d’avoir pu, grâce à la détermination de mes « ancêtres », profiter d’un environnement propice à me donner l’opportunité de faire des études de mon choix et à me consacrer à la musique et à l’art… ! Je dois cette immense chance, et je la mesure chaque jour, à ceux qui m’ont précédé et qui se sont parfois sacrifiés pour moi, à mon caractère combatif et déterminé, certes, mais sans doute aussi à l’émergence de cette fameuse classe moyenne qui semble vaciller sur ses bases aujourd’hui. 

Oui, le monde moderne a beaucoup fait évoluer la société. L’esprit des Lumières a fini par convaincre qu’il fallait éduquer le plus largement possible la population, les démocraties occidentales ont permis l’émergence de nouveaux hommes politiques au vrai sens du terme, ceux qui s’occupent de la Polis, la Cité, donc de la société. Les luttes sociales ont permis l’avancée des droits pour les classes les plus faibles. La prospérité a augmenté considérablement, trop peut-être, pour transformer ce monde en marche vers la démocratie en un vaste marché où plus rien ne compte que l’économie des états, la consommation aveugle des hommes et les colossales fortunes éludant l’impôt. Chemin faisant, l’homme ordinaire, pris de vertige, sans repère existentiel, semble ne pas voir le terrible naufrage qui l’attend. La nausée qui peut nous envahir dans l’hyperconsommation, et pas seulement au moment des fêtes de fin d’année, n’a d’égale que l’intolérable et flagrante injustice qui concerne les laissés pour compte, ceux qui n’ont pas eu la chance, MA chance, de vivre et de grandir dans de bonnes conditions. 

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Mais ce qui est le plus interpellant, chez nous, nous qui figurons parmi les 25 pays les plus riches du globe, c’est qu’il y ait un enfant sur quatre qui vit dans la pauvreté. Plus qu’interpellant, c’est inadmissible que notre modèle social ne soit pas en mesure d’éviter la pauvreté et l’inégalité entre les enfants. Ceux qui figurent parmi les défavorisés n’ont absolument pas les mêmes chances d’apprendre ne fut-ce que les savoirs de base. Ils sont dans l’incapacité de prendre leur destin en main. S’ils n’ont rien ou si peu dans leur boite à tartines, comment peuvent-ils s’intéresser aux apprentissages et aux matières scolaires ? Pire, ils développent une culpabilité et une fragilité qui les mettent clairement en porte-à-faux par rapport aux autres… avec des conséquences parfois très lourdes pour l’avenir. Comment se fait-il que pour compenser des manquements aussi terribles, des organismes privés doivent récolter des fonds pour compenser, d’une goutte d’eau, la démission des pouvoirs publics… qui à leur tour, viennent déposer un chèque bien dérisoire, gage de leur bonne conscience en la matière ! Des enfants tristes… pourquoi ? 

Mais de l’autre côté de l’échelle démographique, on retrouve le même problème ! Vingt-cinq pourcents des personnes âgées ont des revenus qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Et pourtant, ce ne sont pas toujours des gens qui ont été défavorisés au départ. Ce sont des hommes et surtout des femmes qui ont travaillé toute leur vie et dont les pensions sont tellement minimes qu’elles ne permettent pas une existence décente. Comment est-ce possible ? Notre voisin est peut-être dans le cas… car on ne le montre pas, on en a même bien souvent honte… c’est un comble ! Cette pauvreté est partout. Dans mon métier, pourtant privilégié, je la rencontre tous les jours.  Le pire est l’isolement, la culpabilité et même la honte. Honte d’être pauvre ! Incompréhension quand on a œuvré toute sa vie et qu’on se retrouve isolé, sans contacts sociaux, mais aussi des soins de santé qu’on ne peut plus assumer alors que c’est le moment où l’on en a le plus besoin. Les débats récents sur l’avenir des pensions ont généré bien plus de peurs que d’espoirs. Aujourd’hui, qui peut encore dire que son avenir, au moment de la retraite, est lumineux ? Et même ceux qui ont les moyens de payer chaque moins des pensions complémentaires se voient rogner les quelques misérables intérêts qu’il espéraient en tirer. 

Les questions ne touchent pas que nos enfants et nos aînés. Ils touchent aussi de plein fouet tous ceux qui ont subi les affres de la vie, qui ont vécu d’effroyables descentes aux enfers, qui se retrouvent à la rue. Puis il y a ceux qui espéraient trouver dans nos pays un exemple de démocratie où l’empathie consisterait à accueillir ceux qui, chez eux, sont en grand danger. Aucun idéal religieux là-dedans, seulement le sentiment qu’un être humain est un être humain, un point c’est tout et qu’en conséquence, nous lui devons respect et secours… et ne pouvons jamais admettre qu’on puisse, sans vergogne, s’en laver les mains et les renvoyer là où leur avenir sera fatal. C’est de la non-assistance à personne en danger. Quelle conscience avons-nous encore ? Qui sommes-nous, aujourd’hui, pour cautionner de tels agissements ? Sommes-nous si étourdis par l’individualisme et le matérialisme qu’on craigne que l’autre nous prenne ce que nous possédons et nous annihile… ? 

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Je pourrais continuer ainsi bien longtemps et évoquer de nombreux autres domaines où les mensonges, la haine, la destruction de la planète, l’inégalité, la pauvreté, la discrimination, l’extrémisme latent (ou pas), le racisme, les radicalismes de tout poil, le protectionnisme, les hauts intérêts de la finance, les exploitations humaines les plus intolérables,… viennent quotidiennement remplir les journaux d’information. Mais c’est exactement comme les tweets ou les publications sur les réseaux sociaux : l’un chasse l’autre. On s’indigne, on se dit que ce n’est pas possible, on commente parfois… et puis on passe à autre chose, …moi comme un autre ! 

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Mais je ne veux pas être fataliste. Comment en est-on arrivés là et comment sortir de cet engrenage qui nous conduit droit dans le mur ! Comment lutter contre ces inégalités ? Je n’ai évidemment pas de solution, pas plus que vous, mais je crois sincèrement que le point de départ, pour une réhabilitation de l’humanisme se trouve dans l’exemple qui devrait venir de nos dirigeants, quelle que soit leur orientation.  On ne sent pas la bienveillance. Elle devrait pourtant être le but premier de toute politique. Développer le bien-être de tous. C’est qu’il faudrait miser sur un véritable enseignement où la dimension humaniste domine. Car c’est là qu’on forme les femmes et les hommes de demain. Si on enseignait, outre les apprentissages fondamentaux qui sont d’ailleurs bien mis à mal chez nous, à comprendre et à respecter… On en est bien loin ! 

Alors je reprends, mutatis mutandis, et un peu aménagé, le texte de mon billet du 31 décembre 2016 et vous le donner à relire : « Alors que dire en cette fin d’année ? Que nous nous souviendrons amèrement de l’année 2017 pour les innombrables catastrophes humaines accumulées durant ses douze mois ? Que la fracture entre les êtres humains s’agrandit, hélas, chaque jour ? Que l’empathie et la fraternité cède chaque jour un peu plus à l’individualisme ? Que l’année nouvelle sera donc forcément meilleure, même si nous savons que nous l’espérons chaque année ? Se dire que même dans la morosité du monde, il existe des merveilles naturelles, des gestes d’une humanité qui émeuvent aux larmes, que rien n’est donc perdu ? Que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ? Qu’il faut « s’émerveiller »… 

Je partage toujours la déclaration de Franz Liszt, en la déplaçant dans le temps et la géographie, qui disait avec un sentiment d’impuissance : « Quelle torture, mon ami, que celle d’assister les bras croisés sur la poitrine, au spectacle d’une population entière luttant en vain contre une misère qui ronge les âmes avec les corps ! De voir la vieillesse sans repos, la jeunesse sans espoir et l’enfance sans joie ! Tous entassés dans des réduits infects, enviant ceux d’entre eux qui, pour un insuffisant salaire, travaillent à parer l’opulence et l’oisiveté… » 

Alors, quel message optimiste suis-je en juste droit de vous livrer ce soir, après ce billet un peu sombre ? C’est peut-être encore le grand Franz qui, dans son immense humanité, a compris le parcours humain, celui qui renvoie chacun à l’humble examen de lui-même… et qui finira un jour peut-être par porter des fruits, je l’espère, je tente modestement de l’appliquer quotidiennement ! Il est de l’ordre de l’humilité, de la réconciliation, de la mémoire et de l’émotion et, en conséquence, de l’empathie et de la Joie, car se reconnaître soi-même, c’est reconnaître l’autre. Les arts le portent en eux comme une force invincible… pour ceux qui sauront le reconnaître : 

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« Tel le voyageur, parvenu le soir au sommet de la montagne, s’assied à l’endroit où son œil découvre à la fois la vallée qu’il vient de franchir et le paysage qui se déroule devant lui ; il regarde en arrière, à travers la brume il reconnaît son sentier, il entend le bruit du torrent dont les eaux mugissantes faillirent arrêter son pas, il respire encore le parfum des buissons qui bordaient la route, puis, s’armant de forces nouvelles, il se remet en marche après avoir embrassé du regard l’espace qui lui reste à parcourir. Ainsi l’esprit de l’Homme à cette heure de transition se retourne vers ses jours écoulés, évoque à lui le souvenir des œuvres achevées, des notions acquises, des erreurs combattues, et reçoit du passé l’enseignement de l’avenir ». 

Je vous souhaite de tout cœur de vous rapprocher de ce voyageur durant toute l’année 2018!

4 commentaires sur “Résolutions… ou pas!

  1. Un tout grand merci pour vos vœux et leur hauteur de vue. Je suis entièrement d’accord avec votre analyse et vos espoirs. Tous mes vœux pour que l’année 2018 soit pour vous épanouissante, musicalement et humainement !
    Cela dit, Franz était bien imprudent.
    « Tel le voyageur, parvenu le soir au sommet de la montagne ». Mais enfin, c’est insensé, dans une course en montagne, on arrive au sommet à midi, pas le soir, pour des raisons élémentaires de sécurité (90% des accidents arrivent à la descente). Et en plus à une époque où le PGHM n’existait pas (puisque c’est le résultat d’une histoire belge).
    « il regarde en arrière », l’imprudent, en montagne on regarde devant soi !
    Il aurait pu bivouaquer, mais non « il se remet en marche après avoir embrassé [..]«. Encore une fausse note.
    Montagnard ou musicien il faut choisir.
    Si la montagne a beaucoup inspiré les peintres, les écrivains, les musiciens ont peu composé sur le thème de la montagne. Pourquoi ? C’est un peu dommage.

  2. C’est particulièrement vrai en ces temps de Noël où il faudrait retrouver, au delà de la grande bouffe, de la beuverie, de la course aux cadeaux, le message d’origine, fait de partage, d’attention aux faibles, aux petits, aux démunis.. . Heureux de retrouver pareils propos humanistes chez quelqu’un connu en humanités. …

  3. Magnifique article et je partage tout à fait vos idées. Bonne Année, Monsieur Onkelinx et je sais déjà qu’elle sera meilleure grâce à vous.

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