UN JOUR… UN CHEF-D’OEUVRE! (4)

La Musique qui remonte du fond des âges trouve sans doute ses fondements dans l’irrépressible besoin de transmettre l’émotion que le mot ne peut générer à ce point…

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Roelandt Savery (1576-1639), Oiseaux avec le corps d’Orphée et les Muses.

 

Pablo Casals, Le Chant des Oiseaux, d’après un chant traditionnel catalan de Noël (El cant dels ocells) par Sol Gabetta et l’Ensemble de violoncelles de l’Amsterdam Sinfonietta.

« J’ai voulu descendre jusqu’aux joncs de la rive. Plus bas que les tuiles jaunes. À la sortie des villages, là où le tigre mange les enfants. À présent, je suis loin du poète qui regarde sa montre, loin du poète qui lutte contre la statue, qui lutte contre le sommeil, qui lutte contre l’anatomie. […]

C’est dans les rues les plus pures du village que vous me trouverez; dans le vent voyageur et la lumière qui étalent des mélodies que Rodrigo Caro* a appelées « mères vénérables de tous les chants« . […]

C’est dans la mélodie, comme dans les douceurs, que se réfugie l’émotion de l’histoire, sa lumière permanente, sans faits ni dates. L’amour et le vent frais de notre pays se trouvent dans nos refrains ou dans la pâte savoureuse de notre nougat qui transmettent vivante la vie des époques mortes, contrairement aux pierres, aux cloches, aux gens qui ont du caractère et même au langage.

Je me situe sur un plan poétique où le oui et le non sont aussi vrais l’un que l’autre. Si vous me demandez: « Un clair de lune d’il y a cent ans est-il identique à un clair de lune d’il y a dix ans? » je pourrais démontrer qu’ils étaient identiques et qu’ils étaient différents, de la même manière et avec le même accent de vérité indiscutable. […]

Il y a quelques années, en me promenant dans les alentours de Grenade, j’ai entendu une femme du peuple chanter pendant qu’elle faisait dormir son enfant. J’avais remarqué depuis toujours l’extrême tristesse des berceuses de notre pays, mais jamais comme alors je n’ai senti aussi concrètement cette vérité. En m’approchant de la chanteuse pour prendre en note sa chanson, j’ai observé que c’était une Andalouse belle, joyeuse, sans le moindre tic de mélancolie; mais une tradition vivante œuvrait en elle, et elle lui obéissait fidèlement, comme si elle écoutait les vieilles voix impérieuses qui patinaient sur son sang. Depuis lors, je me suis attaché à recueillir les berceuses de partout en Espagne ».

Frederico Garcia Lorca (1898-1936), Las Nanas infantiles [« Berceuses enfantines »], conférence donnée en 1928 et traduite de l’espagnol par L. Amselem, sous le titre « Les Berceuses« , Paris, édition Allia, 2018. 

*Rodrigo Caro (1573-1647) fut un prêtre, historien, archéologue, homme de loi, poète et écrivain espagnol.

5 commentaires sur “UN JOUR… UN CHEF-D’OEUVRE! (4)

  1. Grand merci pour ce choix musical merveilleux et pour ce rendez-vous quotidien que nous attendons maintenant impatiemment. Mille merci également pour ce beau cadeau de ce jour à l’Odyssée de V. Delbusaye. Idée à nouveau judicieuse « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille » et qui m’a également fortement touchée. Merci.

  2. Quelle beauté ce violoncelle, comme vous le dites si bien, tellement proche de la voix humaine..C’est magnifique de pouvoir s’évader, grâce à vous… Merci 🙏

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