Un jour… Un chef-d’oeuvre! (64)

« Mais sait-on ce qu’est le réel? Chacun happe au passage un fragment de réponse dans le tourbillon sans fin des hypothèses. »

Françoise Ascal

62. Jean-Baptiste-Camille Corot - Le Concert champêtre, 1857

Camille Corot (1796-1875), Le Concert champêtre, 1857.

« Premier paysagiste de son siècle et principal musicien des peintres en France, Jean-Baptiste Camille Corot, dès 1850, trouve dans la musique, qu’il aime avec tout le mordant de sa raison, l’une des principales sources d’inspiration de son oeuvre. Qui s’épanouit en un Concert champêtre, où deux scènes, rigoureusement échelonnées dans la profondeur de la toile; semblent une composition chorégraphique, ou un opéra imaginé. Pendant que dans le lointain pâle des jeunes filles s’amusent, c’est, en avant, la douceur mystérieuse, désenchantée et paisible d’un duo de chant et de violoncelle qu’écoute avec attention et curiosité une autre jeune fille accoudée sur les herbes sombres, tristes comme les arbres. La rigoureuse nonchalance de cette construction, comme murmurée aux heures inertes du jour, évoque bien l’abstraction musicale… »

Jean-Noël von der Weid, Le flux et le fixe, Paris, éditions Fayard, 2012, pp. 117-118.

Jacques Offenbach (1819-1880), Les Larmes de Jacqueline (1846) pour violoncelle et orchestre (Harmonies des bois, Op. 76: No. 2) interprété par Werner Thomas et le Münchener Kammerorchester enregistré en hommage à Jacqueline du Pré (1945-1987).

Jacqueline Du Pré naît à Oxford le 26 janvier 1945. Très vite, il faut se rendre à l’évidence : c’est une enfant prodige. Dès quatre ans, elle manifeste d’étonnantes dispositions pour le violoncelle. Elle étudie l’instrument à la Guildhall School of Music de Londres avec William Pleeth, mais travaille aussi en France avec Paul Tortelier (1956), en Suisse avec Pablo Casals et à Moscou avec Mstislav Rostropovitch. À quinze ans à peine révolus, elle remporte la médaille d’or de la Guildhall School et le Queen’s Prize of Music. La jeune soliste de seize ans donne son premier concert public le 1er mars 1961 au Wigmore Hall de Londres. C’est le début d’une très brillante carrière. En 1967, en pleine guerre de Six Jours, elle épouse à Tel-Aviv le pianiste et chef d’orchestre Daniel Barenboïm. En 1972, une incurable sclérose en plaques la contraint à mettre un terme définitif à sa vie de concertiste. Elle n’a que vingt-sept ans. Elle se consacre désormais à l’enseignement et ne reparaît plus en public. Elle est décorée en 1976 de l’ordre de l’Empire britannique et obtient en 1980 l’oscar britannique du musicien de l’année, hommages émus à la grande voix d’un violoncelle qui n’aura chanté qu’un printemps. Elle meurt à Londres le 19 octobre 1987.

Extrait de Pierre Breton, « du Pré Jacqueline (1945-1987) », Encyclopædia Universalis en ligne, consulté le 3 juin 2020.

64. Rosa Harwanna nommée Jacqueline du Pré

Une rose porte le nom de Jacqueline du Pré, un croisement de Radox Bouquet et de Maigold, ainsi qu’une clématite (Clematis alpina ‘Jacqueline Du Pré’).

« Chemin d’eau, chemin de mémoire, chemin sentimental. La parole de l’eau court d’une toile à l’autre, irrigue et relie les instants vécus, les émotions cristallisées qui peu à peu sont devenues souvenirs et entrent dans le travail du ressouvenir. Images-clés qui se sont formées d’elles-mêmes et ont imprégné ton esprit. Tu les revisites sans cesse pour en arracher quelque secret pressenti. Tu quêtes la lumière qu’on ne verra plus, tu la cherches au fond de ton enfance, dans les heures dorées de tes dix ans en Normandie, tu contemples les scintillements, la vapeur nacrée au-dessus de Mortefontaine, tu te souviens de la gorge battante d’un oiseau entre tes paumes.

Tendre Corot. Toujours du côté du fragile. Prêt à soutenir de ses deniers les déshérités, vouant un culte à l’amitié, consentant à signer un faux pour aider un proche. Lorsque le vieux Daumier est aux abois, expulsé de son atelier par le propriétaire, tu rachètes la maison pour qu’il puisse continuer son oeuvre. Plus tard, à la mort de Jean-François Millet, tu prends des dispositions pour que sa veuve bénéficie d’une rente. Tu es pieux, garde une bible à ton chevet. Facile de forcer le trait et de faire de toi une image d’Épinal. Un Saint-François de la peinture. Mais au-delà des simplifications, la mécréante que je suis ne peut s’empêcher d’envier cette sorte de foi sans questionnements vains. »

Françoise Ascal, La Barque de l’Aube, Camille Corot, Paris, éditions Arléa, 2018, pp. 20-21.

64b. Jean-Baptiste-Camille Corot - Souvenir de Mortefontaine, 1864

Jean-Baptiste-Camille Corot – Souvenir de Mortefontaine, 1864.