Un jour… Un chef-d’œuvre (125)

«Ô toi ! âme profonde où se réfléchit tout mon être !…»

E.T.A. Hoffmann (1776-1822)

La Joueuse de tympanon est un automate qui joue du tympanon. Elle fut créée dans les années 1780 par un horloger allemand, Peter Kinzing, et l’ébéniste de la reine, David Roentgen.

 

Jacques Offenbach (18819-1880), Les Contes d’Hofmann, Acte 1 La Poupée Olympia, Les Oiseaux dans la Charmille, interprétée par Sabine Devieilhe. 

Nathanael trouva chez lui un billet d’invitation. Le cœur palpitant, il se rendit chez le professeur à l’heure indiquée, quand déjà les voitures arrivaient en foule, et pénétra dans les salons richement décorés et resplendissants de lumière. L’assemblée était nombreuse et brillante. Olympie se montra parée avec beaucoup d’éclat et de goût. On fut obligé de rendre hommage à la beauté de ses traits et à la noblesse de sa tournure ; la cambrure un peu singulière de son dos et l’extrême finesse de sa taille paraissaient résulter d’un excès de pression. Dans sa démarche et dans sa pose il y avait une certaine raideur et quelque chose de mesuré qui pouvaient causer une impression désagréable, mais on l’attribua à la contrainte que lui imposait la société. Le concert commença. Olympie toucha du piano avec une habileté remarquable, et exécuta aussi un air de bravoure d’une voix claire et retentissante, ayant presque la sonorité d’une cloche de verre. Nathanael était dans le ravissement ; placé au dernier rang des assistants, il ne pouvait pas bien distinguer les traits d’Olympie au milieu de l’éblouissante clarté des bougies. Sans qu’on s’en aperçut, il tira de sa poche la lorgnette de Coppola et la dirigea sur la belle Olympie.

Ah ! — il aperçut alors avec quelle langueur elle le regardait, et comment son tendre regard, qui pénétrait et embrasait tout son être, exprimait à l’avance chaque nuance de son chant : ses roulades compliquées résonnaient à son oreille comme les cris de joie céleste de l’âme exaltée par l’amour ; et, lorsqu’enfin retentit bruyamment dans le salon le trillo prolongé de la cadence finale, Nathanael s’imagina sentir l’étreinte subite de deux bras ardents, et ne se possédant plus, il cria malgré lui, dans un excès de douleur et d’enthousiasme : « Olympie ! » — Tout le monde se retourna de son côté et plusieurs personnes se mirent à rire. Mais l’organiste de la cathédrale prit un air trois fois plus sombre, et dit seulement : « Eh bien, eh bien ! »

Le concert était fini, le bal commença. Danser avec elle !… avec elle ! c’était à présent pour Nathanael le but de tous ses désirs, de toute son ambition… Mais comment avoir tant d’audace que de l’inviter, elle, la reine de la fête ? Cependant, lui-même ne sut pas comment cela arriva ; la danse à peine commencée, il se trouva tout près d’Olympie, qui n’avait pas encore été engagée, et il avait déjà saisi sa main avant d’avoir pu balbutier quelques paroles. Plus froide que la glace était la main d’Olympie. Nathanael sentit un tressaillement mortel parcourir ses membres, et fixa ses yeux sur ceux d’Olympie, qui lui répondirent, radieux, pleins d’amour et de langueur ; et en même temps il lui sembla que son pouls s’agitait sous cette peau froide, et que les artères se gonflaient d’un sang pétillant. D’amoureux transports enflammaient le cœur de Nathanael, il entoura la taille de la belle Olympie, et tous deux s’élancèrent à travers les couples de valseurs. — Il croyait avoir su danser autrefois avec une parfaite mesure, mais il s’aperçut bientôt, à l’assurance toute particulière et à la précision rhythmique avec laquelle dansait Olympie, combien le vrai sentiment de la mesure lui était étranger, et plus d’une fois il perdit contenance, dérouté par son partenaire. Il renonça pourtant à danser avec tout autre femme, et il aurait voulu tuer sur la place le premier qui s’approcha d’Olympie pour l’inviter ; mais cela n’arriva que deux fois à son grand étonnement. Olympie demeura ensuite constamment assise, et lui ne manqua pas de l’inviter encore plusieurs fois. […]

Il était assis à côté d’Olympie, sa main dans la sienne, et dans son exaltation, il parlait de son ardent amour en termes aussi incompréhensibles pour lui que pour Olympie. Elle pourtant le comprenait peut-être ; car elle le considérait en face et soupirait sans cesse : « Ha ! — ha ! — ha ! » À quoi Nathanael répliquait plein d’ivresse : « Ô toi ! femme sublime et céleste ! — pur rayon de la félicité promise dans l’autre monde ! — ô toi ! âme profonde où se réfléchit tout mon être !… » et ainsi de suite ; mais Olympie continuait toujours à soupirer : « Ha ! — ha !… » Le professeur Spallanzani passa plusieurs fois devant nos bienheureux en leur adressant un sourire de satisfaction réellement extraordinaire. […]

« M’aimes-tu ? m’aimes-tu, Olympie ? — rien que ce mot, — m’aimes-tu ! » ainsi murmurait à demi-voix Nathanael ; mais Olympie soupira seulement de nouveau en se levant : « Ha ! — Ha… — Oui ! s’écria Nathanael, oh ! ma chère et divine étoile d’amour ! tu t’es levée sur mon ciel, et tu éclaireras ma vie, tu seras ma gloire et ma félicité suprême !… — Ha ! — ha ! » répliqua Olympie en continuant à marcher. Nathanael la suivit, ils arrivèrent devant le professeur. « Vous vous êtes entretenu avec ma fille d’une manière extraordinairement vive, dit celui-ci en souriant : eh bien, mon cher monsieur Nathanael, si vous trouvez du goût à converser avec cette jeune fille naïve, vos visites seront bienvenues. » — Nathanael partit ivre de joie et le cœur épanoui.

Ernst Theodor Amadeus Hofmann, Contes nocturnes, L’Homme au sable, extrait, l’épisode de la Poupée Olympie, Éd. Perrotin, Tome I, 1840, p. 255-284. Texte intégral

 

Les oiseaux dans la charmille
Dans les cieux l’astre du jour
Tout parle à la jeune fille
Tout parle à la jeune fille d’amour
Tout parle d’amour.

Voilà la chanson gentille
La chanson d’Olympia
D’Olympia.

Voilà la chanson gentille
La chanson d’Olympia
D’Olympia.

Tout ce qui chante résonne
Et soupir tour à tour.

Émeut son coeur qui frissonne
Qui frissonne
Émeut son coeur qui frissonne
Qui frissonne d’amour
Frissonne d’amour.

Voilà la chanson mignonne
La chanson d’Olympia
D’Olympia.

Voilà la chanson mignonne
La chanson d’Olympia
D’Olympia.

Texte de l’air d’Olympia. Le livret est une adaptation que Jules Barbier a tirée de la pièce qu’il a écrite en 1851 avec Michel Carré.