Six cordes, une âme et une cathédrale!

Le 20 mars dernier, les Concerts de l’U3A recevaient un jeune et talentueux guitariste, Nathan Andrien, fraîchement diplômé du Conservatoire royal de Liège, un soliste virtuose et un chambriste remarquable. Comme je l’ai déjà souvent mentionné, nos concerts font la part belle aux jeunes musiciens de nos régions et leur offrent une scène, certes modeste, mais conviviale et très mélomane. C’est ainsi qu’après le très remarqué concert de la classe de violon d’Éric Mélon, Nathan se produisait dans notre Salle 11 devant un public nombreux et enthousiaste.

Merci, une fois de plus, à notre photographe, Jean Cadet, pour son magnifique reportage.

Il avait choisi un programme parcourant l’Histoire de la Musique avec, certes, des oeuvres originales composées pour la guitare, mais aussi avec des transcriptions de pièces écrites pour le luth à l’époque baroque au cours de laquelle la guitare classique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’existait pas encore. Le programme que, je reprends ci-dessous, témoigne non seulement de ce parcours musical, mais montre aussi que des compositeurs-guitaristes du 19ème siècle ont permis l’éclosion d’une virtuosité qui n’a rien à envier aux instruments plus fréquentés comme le piano,  le violon ou le violoncelle.

PROGRAMME

John Dowland (1563-1626)
Praeludium

Jean-Sébastien Bach (1685-1750)
Suite pour luth BWV 996 (Prélude-Presto, Sarabande, Bourrée).

Joaquin Rodrigo (1901-1999)
Junto al Generalife.

Francisco Tarrega (1852-1909)
Capriccio Arabe.

Carlo Domeniconi (né en 1947)
Variations sur un thème anatolien.

Johann Kaspar Mertz (1806-1856)
Élégie.

Napoléon Coste (1805-1883)
Les Soirées d’Auteuil Op.23 (Sérénade – Scherzo).

Augustin Barrios Mangoré (1885-1944)
La Catedral (Preludio saudade – Andante religioso – Allegro solemne).

Nathan n’avait pas hésité à placer des oeuvres vraiment très difficiles dans son programme et les lecteurs un peu versés dans le répertoire de la guitare pourront en témoigner. De plus, il n’est pas simple de tenir en haleine un public une heure durant avec la guitare solo. Nathan avait donc prévu de faire une brève introduction pour donner aux auditeurs quelques clés, surtout pour les moins connus comme Johann Kaspar Mertz, Napoléon Coste ou Carlo Domeniconi.

Cette aération bienvenue permettait à notre guitariste de prendre quelques instants pour souffler et aborder ainsi sereinement les interprétations. Formidable technicien, Nathan Andrien se double d’une âme musicienne remarquable permettant de dépasser le stade du guitariste virtuose pour  atteindre celui du musicien accompli.

La guitare, un instrument peu sonore en comparaison d’un piano ou d’un violon, se plait mieux dans les petites salles que dans les grandes. Notre Salle 11, à l’U3A, a la particularité d’être longue et peut accueillir près de 150 personnes. Je me tenais dans les derniers rangs pour écouter le récital et tout était très clair. La projection du son était absolument impeccable et les quelques bruits de frettes ou de glissé des doigts sur les cordes que l’on entend souvent dans le jeu des guitaristes, étaient ici totalement inexistants permettant ainsi de mieux entrer dans la qualité de la musique.

Après près d’une heure de récital sans pause, Nathan proposait un des sommets du répertoire, le monument d’Augustin Barrios, La Catedral, triptyque d’une grande beauté et d’un redoutable difficulté. Le titre et la pièce évoquent la cathédrale de Montevideo (Uruguay). C’est le chef-d’œuvre du compositeur, une œuvre qui mériterait largement d’être connue d’un plus grand public.

Le Preludio saudade, exprime, comme son titre l’indique, une bouleversante mélancolie chantée de manière lancinante et discrètement accompagnée d’arpèges et de quelques effets de cloches. Nathan y chante la nostalgie d’un passé, lui, si jeune encore, et touche à l’essence d’un ailleurs inaccessible car  irrémédiablement révolu.

L’Andante religioso avec son rythme pointé et son harmonisation de choral se présente comme une prière dans l’esprit latin du compositeur paraguayen. Enfin, le redoutable Allegro solemne où plane très clairement un esprit latin mêlé au souvenir de Jean-Sébastien Bach, une pièce bravoure qu’aimeraient interpréter tous les guitaristes. Tout au long de la pièce, Nathan confirme toutes les qualités énumérées plus haut.

Je ne résiste pas à vous partager l’interprétation superbe de La Catedral par le sublime pianiste John Williams. j’espère que vous prendrez beaucoup de plaisir à (ré)écouter ce chef d’œuvre du répertoire de la guitare latine… en attendant que Nathan Andrien nous offre sa propre interprétation… je lance une bouteille à la mer…

C’est sur ces sublimes notes que le récital s’achève. Le public, ébahi et bouleversé de tant de beautés en redemande et Nathan, dans un dernier effort, car La Catedral est très éprouvante, comme le récital tout entier, d’ailleurs, nous offre le plus beau des cadeaux, le célèbre Asturias (Leyenda) d’Isaac Albeniz, une partition, certes écrite pour le piano, mais qui sonne mille fois mieux, pour une fois, sur la guitare que sur l’instrument original.

Une soirée inoubliable!