Un jour… Un chef-d’œuvre (196)

Éloigne de moi ce calice de souffrance !

Franz Xaver Huber (1760-1810)

Eugène Delacroix (1798-1863), Le Christ au Jardin des Oliviers, 1827.

L’agonie de Jésus-Christ au Jardin des Oliviers, ou à Gethsémani est un épisode de la vie de Jésus-Christ, un événement de sa Passion placé immédiatement après l’Entrée dans Jérusalem puis la Cène et avant son arrestation dans le même jardin à la suite de sa dénonciation par Judas. Il s’ensuivra sa crucifixion.

Ludwig van Beethoven (1770-1827), Le Christ au Mont des Oliviers Op. 85 I. Introduction, interprétée par le Bach Collegium de Stuttgart, dirigé par Helmuth Rilling.

Le Christ au Mont des Oliviers est le seul oratorio de Beethoven : il fut écrit à la toute fin de 1802 et au début de 1803 par un compositeur de 33 ans. On décèlera facilement dans cette musique l’influence de l’opéra italien avec ses effets vocaux plus proches apparemment du théâtre que du sanctuaire : Beethoven s’est formé entre autres, auprès de Salieri, le compositeur à la mode à Vienne à cette époque.

Mais il ne faut pas s’arrêter à cette seule impression. Les années 1802/1803 sont celles des premiers symptômes de la surdité qui le plongent dans une terrible angoisse. Le fameux Testament d’Heiligenstadt dans lequel il confie à ses frères sa souffrance, date de ces mêmes années. Il y écrit :

« Comment cela fût-il possible que je dusse pointer la faiblesse d’un sens dont le degré de perfection chez moi dût être plus élevé que chez les autres, un sens dont je disposais autrefois avec la perfection la plus élevée. »

Mais l’espérance l’habitait malgré tout, avec une insistance dramatique :
« Ô Providence, fais advenir encore une fois pour moi un jour de joie immaculée. »

Nous entendons des échos de la souffrance intime du compositeur dans cette musique. Les évènements évoqués prennent alors pour nous une signification renouvelée, peut-être même davantage qu’une signification.

Le Christ au Mont des Oliviers – Christus am Ölberg s’ouvre sur une introduction orchestrale grave, sombre, ponctuée de discrets battements de timbales qui évoquent une marche funèbre. La tonalité de mi b mineur s’éclaire en passant au mode majeur pour laisser la place au chanteur qui personnifie le Christ.

Voici le texte de l’air de détresse de Jésus, qui annonce clairement les accents tragiques de son opéra Fidelio, écrit par le poète Franz Xaver Huber (1760-1810) .

Ludwig van Beethoven (1770-1827), Le Christ au Mont des Oliviers Op. 85 II. Arie: Meine Seele ist erschüttert, interprétée par Keith Lewis et le Bach Collegium de Stuttgart, dirigé par Helmuth Rilling.

Arie

JESUS
Meine Seele ist erschüttert
von den Qualen die mir dräuen.
Schrecken fasst mich, und es zittert
grässlich schaudernd mein Gebein.
Wie ein Fieberfrost ergreifet
mich die Angst beim nahen Grab,
und von meinen Antlitz träufet,
statt des Schweisses, Blut herab.

Vater! Tief gebeugt und kläglich,
fleht dein Sohn hinauf zu dir:
Deiner Macht ist alles möglich,
nimm den Leidenskelch von mir!

Air

Jésus
Mon âme est secouée
par l’angoisse que je ressens.
Je suis terrifié et je tremble
avec des frissons horribles de tout mon corps.
Comme par une fièvre glacée je suis saisi
par la peur de la tombe toute proche,
et de mon visage ruisselle
non de la sueur mais du sang.

Père ! Profondément incliné et pitoyable,
ton fils te supplie :
Tout est possible à ton pouvoir,
éloigne de moi ce calice de souffrance !

Le Jardin de Gethsémani (des Oliviers) à Jérusalem.