Un orchestre, c’est une formidable machine à produire de la musique. C’est aussi, et surtout, une véritable société humaine qui, comme dans tout groupement ou entreprise, contient ses bons et mauvais côtés. Si le grand public comprend aisément les difficultés des rapports humains, les hiérarchies, les amitiés et les inimitiés dans les entreprises, il a plus de mal avec l’orchestre. L’orchestre est-il une entreprise? Comment vivre de la musique et, en même temps, entretenir les rapports complexes entre les individus? Et puis, pour beaucoup, la musique reste une activité de loisir et il est parfois inimaginable de la considérer comme un vrai métier. Tous les musiciens professionnels ont un jour été interrogés: « Et à part ça, vous faites quoi dans la vie? »
La musique est un métier, assurément, et quel métier! Impossible dans le cadre de ce blog d’envisager les différents aspects, positifs et négatifs du métier… quelques qualificatifs peuvent pourtant donner un avant-goût de… normalité: Le plus beau métier du monde, le pire aussi. Technique et artistique, valorisant, frustrant, passionnant, déprimant, très varié et monotone à la fois, prenant, bien ou mal payé, c’est selon, stressant mais splendide, individuel et collectif, riche en émotions mais parfois lassant, sécurisant et aléatoire, artistique et routinier, flexible… j’en passe!
Tout cela vous intrigue… et vous rappelle sans doute votre propre métier… c’est normal. Le musicien d’orchestre, même si son quotidien est de fréquenter les chefs-d’œuvre de l’art des sons, n’échappe pas aux leviers qui régissent la société et s’il le vit mal, il peut vraiment être très malheureux dans son poste… comme partout encore une fois! Mais il peut aussi porter bien haut la fierté d’appartenir à telle ou telle phalange, il peut nourrir un idéal d’excellence qui le porte littéralement et qui le fait progresser et l’épanouit, bref il vit comme chacun d’entre nous avec, pour certains, une certaine gloire et une reconnaissance du public. Et puis il peut tenter une carrière parallèle de soliste, de chambriste, il peut enseigner,… C’est pour la plupart d’entre eux, un métier de passion.
Je n’avais pas encore lu le livre « Au cœur de l’orchestre » de Christian Merlin (Fayard) que j’avais acquis suite à un billet de Jean-Pierre Rousseau sur son blog il y a déjà bien longtemps. Il répond de manière encyclopédique à toutes les questions que l’on peut se poser sur ce métier finalement peu connu. À grand renfort d’exemples vécus et pratiques, l’auteur parvient à nous faire entrer dans le monde de l’orchestre et à en développer tous les aspects. Un ouvrage à lire absolument et à consulter sans modération…
Deux petits reproches cependant: l’ouvrage formidablement documenté cite beaucoup trop, à mon goût, les noms des musiciens des différents pupitres des orchestres du monde, donnant parfois une lassitude de lecture lorsque ces centaines de noms n’évoquent pas toujours quelqu’un de concret pour le lecteur qui n’est pas très connaisseur (tout le monde ne connaît pas nécessairement les premiers cors solos de l’orchestre de Boston depuis 1950!). Au début, j’ai essayé de retrouver ces personnages pour tenter de les écouter… impossible! Il y en a beaucoup trop! Je comprends la démarche, chaque artiste est évidemment un individu qui mérite l’attention et le projecteur, mais, comme on dit, « trop d’informations tuent l’information! »
Le second reproche plus de l’ordre du chauvinisme… Christian Merlin ne sait peut-être pas assez que nous avons aussi des orchestres en Belgique… Et quels orchestres, puisque, pour ne parler que de lui, l’Orchestre philharmonique royal de Liège, par ses nombreux concerts en Belgique et ses tournées à l’étranger (notamment à Paris), par son abondante discographie souvent récompensée par la presse française dont Christian Merlin fait partie, rayonne aussi en Europe, certes pas au rang des touts grands, mais autant, à mon avis que la moitié des orchestres cités. Cet excellent niveau belge (Orchestre des Flandres, Brussels Philharmonic, Orchestre de la Monnaie, de l’ORW) est la preuve que chez nous aussi, on a des musiciens, des solistes, des chefs d’orchestre et des structures de grande qualité! Ils auraient aussi mérité d’être parfois cités! Dommage!