Un jour… Un chef-d’œuvre (240)

Et pour faire des portraits réussis, il fallait savoir dessiner les mains.

Marie-Isabelle Taddeï

Nicolas de Largillière (1656-1746), Études de mains, vers 1715.

Serge Rachmaninov (1873-1943), Romance en la majeur pour piano à six mains.

Ces études de mains datent d’environ 1715. On les doit à Nicolas de Largillière. Il était à l’époque considéré comme l’un des deux grands maîtres du portrait en France, l’autre étant Rigaud. C’est Largillière qui fit le portrait de Jacques II, roi d’Angleterre en 1685, celui de Charles Le Brun, premier peintre du roi Louis XIV, en 1686. Il était très demandé par la noblesse et la haute bourgeoisie. Dans la hiérarchie des genres demandés par l’Académie royale de peinture et de sculpture créée par Colbert en 1648, le portrait n’occupait que le deuxième rang, derrière la peinture d’histoire, mais il allait connaître son âge d’or au 18ème siècle: portraits d’hommes, bien sûr, mais aussi de femmes, de jeunes filles, portraits de familles, portraits d’enfants, portraits d’artistes ou de savants. On ne se contente plus de prendre une pose avantageuse et d’arborer ses plus beaux atours, comme dans les portraits d’apparat, on veut être naturel et sensible. On veut un portrait psychologique. Et pour faire des portraits réussis, il fallait savoir dessiner les mains. Car les mains sont uniques. Elles nous caractérisent. Elles expriment une attitude. Des études comme celle-ci ont servi de travail préparatoire à Largillière pour différents portraits: mains potelées de bambins, mains raffinées d’aristocrates, mains délicates de jeunes filles, tenant une fleur ou une partition, mains posées ouvertes, mains aux doigts serrés… Des mains, encore des mains, et toujours aussi expressives trois cents ans plus tard!

Frédéric Taddeï et Marie-Isabelle Taddeï, d’Art d’Art! Paris, Éditions Chêne, 2015, p. 86.