Un jour… Un chef-d’œuvre (265)

Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois…

Jean de La Fontaine (1621-1695)

Jan van Kessel (1626-1679), Concert d’oiseaux, 1660-1670.

Gustav Mahler (1860-1911), Symphonie n°3, III. Comodo (scherzando), interprété par le London Symphony Orchestra, dirigé par Esa-Pekka Salonen.

Des sonorités évoquant des scènes de bestiaire animalier, de frondaisons et de lumières chatoyantes s’enchainent le long du mouvement. « Ce que me content les animaux de la forêt », avait initialement titré Mahler. Le mouvement démarre par un célèbre chant de passereaux qui introduit très rapidement dans un univers forestier où la composition évoque une série de « petites histoires » et de tableaux de la vie animale ou de la chasse, avec un goût pour le burlesque et l’insolite. (d’après Wikipédia)

La nature a ses temps de solennité, pour lesquels elle convoque des musiciens de différentes régions du globe. On voit accourir de savants artistes avec des sonates merveilleuses, de vagabonds troubadours qui ne savent chanter que des ballades à refrain, des pèlerins qui répètent mille fois les couplets de leur longs cantiques. Le loriot siffle, l’hirondelle gazouille, le ramier gémit; le premier perché sur la plus haute branche d’un ormeau, défie notre merle, qui ne cède en rien à cet étranger; la seconde, sous un toît hospitalier, fait entendre son ramage confus ainsi qu’au temps d’Évandre; le troisième, caché dans le feuillage d’un chêne, prolonge ses roucoulements, semblables aux sons onduleux d’un cor dans les bois; enfin, le rouge-gorge répète sa petite chanson sur la porte de la grange où il a placé son gros nid de mousse. Mais le rossignol dédaigne de perdre sa voix au milieu de cette symphonie: il attend l’heure du recueillement et du repos, et se charge de cette partie de la fête qui se doit célébrer dans les ombres.

Lorsque les premiers silences de la nuit et les derniers murmures du jour luttent sur les coteaux, au bord des fleuves, dans les bois et dans les vallées; Lorsque les forêts se taisent par degrés, que pas une feuille, pas une mousse ne soupire, que la lune est dans le ciel, que l’oreille de l’homme est attentive, le premier chantre de la création entonne ses hymnes à l’Éternel. […] Quelle tendre mélodie! Tantôt ce sont des modulations languissantes, quoique variées; tantôt c’est un air un peu monotone, comme celui de ces vieilles romances françaises, chefs-d’œuvre de simplicité et de mélancolie. Ce chant est aussi souvent la marque de la tristesse que de la joie; l’oiseau qui a perdu ses petits chante encore; c’est encore l’air du temps du bonheur qu’il redit, car il n’en sait qu’un, mais, par un coup de son art, le musicien n’a fait que changer la cléf, et la cantate du plaisir est devenue la complainte de la douleur.

François-René de Chateaubriand (1768-1848), Génie du christianisme, Première partie, livre cinquième, 1802, cité dans Vincent Vivès, La Musique, Anthologie littéraire et philosophique, Paris, Buchet-Chastel, 2011, p.152.