Un prélude en guise de postlude…

Ce fut un grand moment de musique que le récital d’Anne Vandewalle à l’U3A le 16 mars dernier !

La promesse et le défi étaient de taille… un récital de préludes… original quand, dans l’esprit et dans l’étymologie, un prélude doit préluder et annoncer quelque chose de plus « conséquent ».

Si l’on se souvient, avec l’aide du Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, que le prélude est issu du bas latin utilisé à la Renaissance, praeludium, dérivé de praeludere qui signifie « se préparer à jouer », de prae « avant » et de ludere « jouer », on conviendra que le mot désigne la suite de notes que l’on chante ou que l’on joue pour essayer sa voix, pour vérifier l’accord de l’instrument ou pour s’échauffer les doigts. À l’époque baroque, le prélude devient une « courte pièce musicale ayant un caractère d’improvisation et servant d’abord à introduire une autre pièce » (vers 1690). Ce fut bien sûr le cas pour introduire une fugue… mais on sait aussi que les préludes de Bach ne sont déjà plus des improvisations, mais des pièces subtiles pour lesquelles il faut déjà être bien échauffé, accordé et concentré.

Ce n’est qu’avec l’apparition des petites formes, des alternatives aux grandes sonates, que les moments musicaux, impromptus, pages d’album, bagatelles et autres préludes deviennent autonomes pour fournir aux mélomanes de véritables perles où la poésie musicale se condense en quelques secondes, voir en quelques minutes. Avec le Romantisme, le prélude ne prélude plus nécessairement et l’on sait l’immensité artistique des géniaux 24 Préludes Op.28 de Frédéric Chopin.

Anne Vandewalle nous en proposait la moitié, 25 minutes de musiques tour à tour fulgurantes, bouleversantes, virtuoses, poétiques, douces ou combatives. La grande difficulté est de passer d’une émotion à une autre aussi rapidement et de construire un propos cohérent sans donner l’impression d’un fourre-tout informe. Anne Vandewalle, outre sa superbe maîtrise technique, parvient à nous emmener dans son voyage intérieur avec une confondante simplicité, certes, mais surtout avec la plus grande sincérité. L’émotion est présente à chaque prélude et nous la suivons naturellement.

  1. en do majeur. Agitato
  2. en la mineur. Lento
  3. en sol majeur. Vivace
  4. en mi mineur. Largo
  5. en ré majeur. Allegro molto
  6. en si mineur. Lento assai
  7. en la majeur. Andantino
  8. en fa dièse mineur. Molto agitato
  9. en ré bémol majeur. Sostenuto « La goutte d’eau »
  10. en la bémol majeur. Allegretto
  11. en do mineur. Largo
  12. en ré mineur. Allegro appassionato

Suivaient 12 préludes issus des 24 Préludes Op.11 d’Alexandre Scriabine. Composés entre 1888 et 1896, Ils sont un magnifique hommage à Chopin et aux vingt-quatre préludes évoqués plus haut. On sent très clairement l’influence romantique du compositeur polonais et ce corpus respire encore largement la musique de son aîné même si l’on est bien conscient de l’originalité de langage de Scriabine dont les opus suivants s’orienteront vers un chromatisme qui peut parfois rappeler Richard Wagner, puis, plus tard encore, seront tout à fait affranchis du passé et résonneront dans une formidable et bouleversante modernité. Ici encore, on comprend que Anne Vandewalle connait son Scriabine sur le bout des doigts et dans son cœur. Ces préludes défilent une fois encore dans un voyage coloré et très subtil.

  1. en Do majeur : Vivace
  2. en La mineur : Allegretto
  3. en Fa dièse majeur : Allegro agitato
  4. en Do dièse mineur : Andante
  5. en Si majeur : Allegro assai
  6. en Mi bémol mineur : Presto
  7. en Si bémol mineur : Misterioso
  8. en La bémol majeur : Allegretto
  9. en Do mineur : Appassionato
  10. en Si bémol majeur : Andante
  11. en Fa majeur : Vivo
  12. en Ré mineur : Presto

Les quatre préludes de Serge Rachmaninov passent en un éclair. Leur diversité, leur lyrisme, leur virtuosité et leur formidable émotion n’ont aucun secret pour Anne qui montra alors sa puissance sonore et les esprits fantasques, légendaires et tragiques de cette musique. Quand sonne la dernière note, cela fait une heure que Anne Vandewalle prélude.

Op.32 n°5 en Sol majeur: Moderato

Op.32 n°12 en Sol# mineur: Allegro

Op.23 n°6 en Mib majeur: Andante

Op.23 n°5 en Sol mineur: Alla marcia

Son bouleversant monologue ne peut se compléter que par un bis réclamé par la salle enthousiaste… un prélude de Scriabine qui prend des allures de formidable postlude…

Quelle belle soirée et quelle magnifique artiste !

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