Un jour… Un chef-d’œuvre! (100)

« Le moment crucial de chaque artiste est sa transmutation «d’être récepteur» en «être émetteur»:

là, il devient créateur découvrant son rôle qui consiste à donner. »

Victor Vasarely

Victor Vasarely (1906-1997) Sin Hat 33 (1972-73).

György Ligeti (1923-2006), Poème symphonique pour 100 métronomes (1962).

Poème symphonique requiert 100 métronomes (de préférence en forme de pyramide), un chef d’orchestre et dix exécutants. Chacun des métronomes, à l’arrêt complet, est placé sur la scène, remonté et ajusté à une certaine fréquence. Lorsqu’il sont tous remontés, le chef d’orchestre décide d’un silence de deux à six minutes. Puis, à son signal, tous les métronomes sont déclenchés aussi simultanément que possible. Les exécutants sortent de la salle alors que les métronomes battent la mesure. Ceux-ci s’arrêtent les uns après les autres et laissent percevoir de plus en plus nettement la périodicité des battements. Ensuite, seuls quelques-uns battent ; ce sont ceux qui ont été réglés aux vitesses les plus lentes. La pièce se termine après que le dernier métronome a battu seul quelque temps, suivi par un silence. Les exécutants retournent alors sur scène pour saluer. Au total, la pièce dure un peu moins d’une vingtaine de minutes.

La pièce est créée le 13 septembre 1963 à l’hôtel de ville de Hilversum, aux Pays-Bas, lors d’une réception officielle, dernier événement d’une série de concerts menée par la fondation Gaudeamus, où elle cause un énorme scandale. Inconscient de la portée de l’événement — qui doit inclure une retransmission télévisée —, Ligeti joue lui-même le rôle du chef d’orchestre et donne le départ des métronomes dans la salle de banquet. Après la performance, le public, qui n’était pas au courant de son contenu avant son exécution, proteste vivement. À la demande de la mairie d’Hilversum, la diffusion du concert à la télévision hollandaise est annulée et remplacée… par un match de football…! (Wikipédia)

… Et si, au lieu de simples métronomes, il s’agissait de 100 êtres humains dont les battements seraient ceux du cœur de chacun? Après tout, nos fréquences cardiaques sont toutes sensiblement différentes. Et si les métronomes personnifiaient tout simplement la vie des hommes, le segment de temps pendant lequel ils traversent l’existence? L’art n’a jamais été autre chose que le symbole des interrogations existentielles que nous éprouvons parce que nous sommes des êtres humains. Alors, le Poème symphonique de G. Ligeti ne serait absolument pas scandaleux, il serait métaphore de l’être… transmuant la fameuse question d’Hamlet « Être ou ne pas être? » en l’affirmation « Être et ne plus être! » qui alors revêt quelque esprit de la pensée orientale. 

Pas plus que Ligeti et ses 100 métronomes, je ne veux, en ce 100ème « Un jour… Un chef-d’œuvre! » jouer au fumiste. Cette œuvre me bouleverse profondément et, quand le dernier métronome cesse son battement, le silence qui suit provoque angoisse et interrogation face au vide mais aussi, pour qui le veut bien, un immanquable apaisement qui laisse entrevoir l’éternité!

Merci pour votre fidélité et .. à lundi pour la 101ème fois en confinement ! Prenez soin de vous! JMO