Voici trois choses qui sont appréciées tant pas Dieu que par les humains… (Drei schöne Dinge Sind)
Martin Luther (1483-1546)
Johannes Voorhout (1647-1723), Scène musicale en intérieur, 1674.
Johann Adam Reincken (1643-1722), Hortus Musicus IV, interprété par l’Ensemble Stravaganza.
Une superbe toile de Johannes Voorhout, conservée au musée de Hambourg, et datée de 1674, nous offre dans la même Scène musicale d’intérieur le visage de Buxtehude et celui de Reincken. La scène est plaisante, qui associe aussi d’autres personnages: Johann Thiele (1646-1724), que nous retrouverons plus tard à Lübeck, jour une viole de gambe anglaise, à gauche de l’organiste de de Sainte-Catherine (Hambourg), qui est assis au clavecin; une jeune femme blonde […] paraît bercer lascivement Dietrich Buxtehude au son du luth.
C’est bien Reincken qui attire tous les regards; dans sa longue robe de chambre de soie rouge, assisté de son petit valet, il paraît plus richement vêtu et plus fortuné que son cadet, mais aussi nettement plus « terrestre »; il pose sur le clavecin flamand deux mains charnues […]. Son assurance, son aisance et son maintien offrent un contraste saisissant avec le visage lunaire de Buxtehude qui semble se perdre dans la rêverie… Leur amitié durera encore de nombreuses années: pour le mariage de Reincken en 1685, son ami écrira tout spécialement un petit chef-d’œuvre, l’aria Drei schöne Dinge Sind…
Dietrich Buxtehude (1637-1707), Drei schöne Dinge Sind, BuxWV 19, interprété par The Amsterdam Baroque Orchestra, dirigé par Ton Koopman
Reincken possède un logement magnifique dont le luxe de ce tableau offre un aperçu. À la pointe de la mode, il ne ratera aucune étape de l’évolution de la société qui l’entoure, et va fonder en 1678, avec son ami Johann Theile le célèbre Opéra « du marché aux oies » de Hambourg. Ses oeuvres de musique de chambre (précisément le recueil Hortus Musicus) connaîtront une destinée exceptionnelle, trois de ses danses ayant eu le bonheur d’être adaptées par Johann Sebastian Bach qui le tenait en grande estime.
Éric Lebrun, Dietrich Buxtehude, Paris, Bleu nuit éditeur, 2006, pp. 48-19.
Jean-Sébastien Bach (1685-1750), Sonate n°1 en la mineur transcription de l’Hortus Musicus de Johann Adam Reincken, BWV 965, interprétée au piano par Grigory Sokolov.