Un jour… Un chef-d’oeuvre! (84)

DIDON

« Souviens-toi de moi, mais, ah! oublie mon destin. »

Nahum Tate (1652-1715), Didon et Énée, livret pour l’opéra de Henry Purcel, acte 2.

84a. Sacchi Andrea, La Mort de Didon a, vers 1630-40.

Andrea Sacchi (1599-1661), La Mort de Didon, vers 1630-40 (détail).

Henry Purcell (1659-1695), Didon et Énée, La Mort de Didon, interprétée par Catherine Bott et l’Academy of Ancient Music, dirigée par Christopher Hogwood.

84. Mort de Didon Texte

« AMOUR PASSION

Affection généralement considérée comme positive et bienveillante, l’amour n’est pas étranger à l’excès, aux débordements, où la mort joue un rôle majeur. […]

Ainsi, les liens entre l’amour et la mort existeraient dans la passion, devenue le topos incontournable de toute une série de romans jusqu’à nos jours. L’amour pourrait passer pour bienveillant et altruiste, idéalisé dans sa forme spirituelle popularisée par les Grecs antiques, amour du prochain traduit en latin par Caritas, la charité christianisme. C’est l’amour de l’Agapè, comme disaient les Grecs antiques, traduit en latin par Caritas, la charité. Mais la passion d’amour, celle qui s’origine non pas dans l’Agapè mais dans la violence de l’Éros nous rappelle à quel point l’amour, qui s’identifie tout aussi bien ici au désir, peut être tragique. L’amour passion, c’est la possession, le manque qui torture, la voie à la jalousie, le crime passionnel, l’amour qui, définitivement, ne peut être heureux. Son ressort semble être l’obstacle, l’interdit, la distance.

Comme l’indique son étymologie, la passion est souffrance, et l’amour passion n’existe et ne trouve son intensité que dans l’impossibilité de son accomplissement. […] »

« SUICIDE

[…] Inconsciemment, peut-être, chacun désire sa propre mort, mais pas de manière continue ni irréversible, et Freud affirme que l’inconscient ne connait pas la mort. Le suicide est la catastrophe vécue par celui qui ne peut donner aucun contenu affirmatif au-delà et à l’extérieur de sa souffrance actuelle. Mais est-ce si sûr? Pascal disait que même celui qui va se pendre n’a pas perdu tout espoir puisqu’il croit qu’en étant mort, il souffrira moins qu’en continuant à vivre. Cette remarque est plus profonde qu’il y paraît, et nous conduit à nous demander si le suicide n’est pas une espèce de tragique malentendu. La définition du verbe le suggère: se suicider, c’est se tuer soi-même – il y a donc deux sujets, ou deux parties du sujet: un je tue un moi, un moi tue un soi, je me tue. Bien sûr, l’acte accompli, c’est la totalité du sujet qui est emporté dans la mort, le suicide est cet acte étrange par lequel l’assassin meurt exactement au moment où il tue sa victime.»

Philippe Di Folco (sous la direction de), Dictionnaire de la Mort, Paris, Éditions Larousse, coll. In extenso, 2010, pp. 51-52, p. 992.

84a. Sacchi Andrea, La Mort de Didon, vers 1630-40.

Andrea Sacchi (1599-1661), La Mort de Didon, vers 1630-40.