Un jour… Un chef-d’oeuvre! (38)

Le monde féerique du Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare revu par William Blake,  Arthur Rackham, Johann Heinrich Füssli ainsi que par Félix Mendelssohn et notre cher Orchestre philharmonique royal de Liège, réduit, lui aussi au silence en ces temps difficiles. Courage à tous ses musiciens! On se retrouvera vite, j’espère!

38a. William Blake, Oberon, Titania et Puck avec des fées, 1785.

William Blake (1757-1827) Oberon, Titania and Puck with Fairies dancing, 1785.

Felix MENDELSSOHN (1809-1847), Le songe d’une nuit d’été (extraits), interprété par Jodie Devos, soprano, Lore Binon, soprano, le Chœur Philharmonique tchèque de Brno et Orchestre Philharmonique Royal de Liège dirigé par Christian Arming, 2017.

38d. Texte final Shakespeare

 

Personnalité incontournable de l’ère romantique Grand voyageur, symphoniste, redécouvreur de Bach, de Haendel, de Beethoven ou des opéras de Mozart, l’Allemand Felix Mendelssohn a exercé une grande influence sur la vie musicale de son temps. Sa musique se distingue par une richesse foisonnante et par une inspiration mélodique à la sensibilité toute romantique.

38b. Arthur Rackham , La rencontre d'Obéron et Titania, illustration de 1905

Arthur Rackham (1867-1939), La rencontre d’Obéron et Titania, illustration de 1905.

«Shakespeare, en tombant ainsi sur moi à l’improviste, me foudroya. Son éclair, en m’ouvrant le ciel de l’art avec un fracas sublime, m’en illumina les plus lointaines»  profondeurs. Je reconnus la vraie grandeur, la vraie beauté, la vraie vérité dramatiques. » Si tous les musiciens ne vécurent pas forcément la rencontre avec Shakespeare avec la force de l’épiphanie artistique que conte Berlioz dans ses Mémoires, il n’en est
pas moins que le dramaturge anglais représenta pour les serviteurs d’Euterpe l’une des sources d’inspiration les plus fécondes, traversant les siècles sans jamais se démoder.

La création à Stettin, en février 1827, de l’Ouverture du Songe d’une nuit d’été propulsa immédiatement Mendelssohn au tout premier rang des compositeurs de l’époque – une place à laquelle l’Octuor op. 20 le prédestinait déjà. Tant de maîtrise combinée à tant d’inspiration chez un jeune homme de pas même 18 ans avait en effet de quoi marquer les esprits : parfaitement équilibrée, absolument classique dans son harmonie et sa structure, la pièce manifestait déjà un ton éminemment personnel (ce «ton Mendelssohn» du léger, du féerique, que poursuivront nombre de scherzos tourbillonnants) tout en donnant l’impression de saisir parfaitement l’atmosphère de la comédie rêvée de Shakespeare.

Il fallut ensuite attendre 1843 pour que Mendelssohn complète cette extraordinaire ouverture de quelques autres numéros destinés à former la musique de scène de la pièce de Shakespeare. La demande vint de Frédéric-Guillaume IV, alors roi de Prusse, mais l’on peut gager que le travail coûta peu à Mendelssohn, qui vouait à cette comédie un amour profond, et ce depuis sa plus tendre enfance. Il prolonge ainsi son introduction de plusieurs mélodrames (utilisant la voix parlée et l’orchestre, soit comme soutien soit comme ponctuation), souvent laissés de côté en concert, et de quelques pièces de genre illustrant des scènes marquantes ou particulièrement évocatrices. Le monde des elfes, à l’origine de l’inspiration du premier thème de l’ouverture, y tient une place privilégiée : ainsi dans le Scherzo, dans la frémissante Marche des elfes ou dans le Chœur des elfes. L’Intermezzo qui suit est un peu inquiet ; il donne un premier aperçu de ce «son de forêt»  si germanique dont use également le Nocturne. On entend ensuite la célébrissime Marche nuptiale, entonnée par tout l’orchestre ; bien souvent oubliée, la partie centrale est plus détendue, plus dansante aussi. Deux très courts numéros musicaux suivent : une Marche funèbre au basson et à la clarinette qui pourrait presque évoquer Mahler avant l’heure, une Danse bergamasque qui reprend un thème de l’Ouverture. Le Finale achève l’œuvre en retravaillant le matériau principal de l’Ouverture en accompagnement d’un chœur volontairement assez peu chantant.

Angèle Leroy, Le Songe d’une nuit d’été, Programme de salle de la Philharmonie de Paris, 2017.

38c. Füssli, Titania et Borrom à tête d'âne

Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Titania caresse Bottom à tête d’âne, 1793.