Un jour… Un chef-d’œuvre (269)

Et même après qu’il eut été reçu au séjour des Enfers, il se contemplait dans l’eau du Styx.

Ovide (43 ACN-18 PCN), Les Métamorphoses, Livre III

John William Waterhouse (1849-1917), Echo et Narcisse, 1903.

Nicolas Nikolaïevitch Tcherepnine (1873-1945), Écho et Narcisse, Musique de ballet, Op. 40 n°31, La Nuit tombe (fin), interprété par l’Orchestre symphonique de Bamberg, dirigé par Saskia van Steen.

Avec Serge Rachmaninov (1873-1943), Alexandre Glazounov (1865-1936), Anatoli Liadov (1855-1914), Nicolas Medtner (1879-1951), Anton Arenski (1861-1906) et Sergueï Taneïev (1856-1915), parfois appelés « les grands épigones », Nicolas Tcherepnine fait partie des successeurs du Groupe des Cinq. Ces compositeurs renforcèrent les positions acquises par leurs prédécesseurs et tentèrent d’« universaliser » la musique russe.

Le mythe de Narcisse est lié à celui de la nymphe Écho, reflet de sa voix.

L’écho est un son qui se réfléchit sur une paroi et nous revient, une seule ou plusieurs fois. À chaque écho, la réverbération du son s’enrichit grâce aux caractéristiques de la caisse de résonance des des parois et de l’espace où le son se propage. Pour que notre oreille perçoive cet écho multiple, le temps de latence entre deux signaux sonores doit être de 50 millisecondes.

Cette réflexion acoustique tire son nom de la nymphe Écho (du grec ancien ἠχώ, êkhố, « bruit répercuté », « rumeurs qui se répand »). Zeus demande à Écho de parler, de distraire, de détourner l’attention de sa femme la déesse Héra pendant qu’il assouvit ses passions amoureuses. Furieuse, Héra décide de punir la nymphe pour le charme de sa voix: « Jamais plus tu ne parleras la première, mais tu auras toujours le dernier mot, celui qu’aura prononcé ton interlocuteur, que tu lui répéteras à l’infini. ». Écho est ainsi condamnée à ne plus avoir sa propre pensée verbale: sa voix devient la copie et la répétition de ce que les autres disent.

Jeune homme fier et d’une grande beauté, Narcisse refuse l’amour de tous les prétendants et les prétendantes qui se présentent à lui. L’une des éconduites en fait appel aux dieux qui décident de punir le jeune homme. Allant boire à la rivière, il voit son reflet dans l’eau pour la première fois et en tombe amoureux. De longs jours s’écoulent sans qu’il ne parvienne à attraper sa propre image ni à en détacher les yeux. Écho, repoussée par Narcisse lors de leur rencontre avant qu’il ne soit fasciné par sa propre beauté, ne cesse de l’observer et, fatalement, de répéter ses paroles. Ainsi, quand avant de mourir, il s’exclame en se parlant à lui-même: « Ô merveilleux jeune homme, je t’ai aimé en vain, adieu! », la nymphe répond à celui qu’elle aime encore: « Adieu! »

Écho est à la voix ce que Narcisse est à son image (à la vue). Et si de Narcisse on a conservé les fleurs qui portent son nom, d’Écho il nous reste les vibrations du son qui laissent leur empreinte dans l’espace.

Jean Abitbol, La belle histoire de la Voix, Louvain-la-Neuve, De Boeck, 2019, p. 108.

Nicolas Nikolaïevitch Tcherepnine (1873-1945), Écho et Narcisse, Musique de ballet, Op. 40 n°9, Les chants lointains, interprété par l’Orchestre symphonique de Bamberg, dirigé par Saskia van Steen.

Nicolas Poussin (1594-1665), Écho et Narcisse, vers 1630.