Ysaye International Music Competition

Je parle d’expérience, il n’est pas simple d’organiser un festival musical comportant une multitude de concerts en quelques jours seulement ! Mais je crois qu’il est encore bien plus compliqué d’organiser un concours, qui plus est, lorsqu’il est international. Rédiger de longue date un règlement qui tient compte de tous les paramètres, diffuser les informations en Belgique et à l’étranger, recueillir et gérer les inscriptions, le répertoire, les horaires en fonction de chacun et des impératifs de la salle, l’accueil du jury, lui aussi international, les accompagnateurs, gérer les imprévus et les contretemps, j’en passe, et des meilleurs, c’est le challenge qu’ont relevé avec brio Elena Lavrenova et Ashot Khachatourian en organisant la seconde édition de l’Ysaye International Music Competition, un concours de violon et de musique de chambre de très haut niveau qui s’est déroulé toute la semaine dernière à la Salle académique de l’Université de Liège.

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De gauche à droite: Elena Lavrenova (Directrice), Philippe Lehaen (secrétaire), Ashot Kachatourian (Directeur artistique), Robert Stepanian (Membre du jury), Philippe Koch (Président du jury), Hrachya Avanesyan, Mikhail Yakovlev, George Tudorache, Jean-Marc Onkelinx et Andrey Baranov (Membres du jury)

J’avais l’immense honneur d’avoir été invité à siéger dans le jury international en compagnie de grands virtuoses du violon reconnus dans le monde entier. Même si mon expérience de la musique, mon approche et mon travail incessant sur toutes les facettes de l’art des sons ainsi que ma connaissance du répertoire est un peu reconnue désormais, il va sans dire que mon rôle était de donner des avis esthétiques et stylistiques, n’étant pas moi-même violoniste, même si on peut déceler aisément les problèmes techniques d’un musicien en entendant la manière dont il joue sa musique.

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Sincèrement, j’ai passé une semaine exceptionnelle et appris énormément de choses sur la pratique du violon en fréquentant, plus de huit heures par jour, ces musiciens exceptionnels. Parmi eux, le président du jury, Philippe Koch, exceptionnel musicien, l’un des grands représentants d’une des familles musiciennes les plus prestigieuses de l’école liégeoise de violon, qui pratique toutes les formes de la musique. Soliste de renommée internationale, il possède l’expérience de la scène et du grand répertoire. Chambriste exceptionnel, il court le monde avec des formations de haut vol comme le Trio Grumiaux et le Trio Koch, ensemble familial original. Philippe est aussi premier konzertmeister de l’Orchestre philharmonique de Luxembourg et professeur de violon au Conservatoire royal de Liège. Mais tout cela, et c’est fondamental, se double d’une extraordinaire humanité et bienveillance, au sens noble du terme. Il peut gérer un jury avec une diplomatie incroyable et concilier des avis et des ego parfois radicalement opposés. Pour moi qui suis aussi président d’un jury, celui du Concours de piano de Liège, j’ai trouvé de nombreuses pistes de réflexions… dont je m’inspirerai, c’est sûr !

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Le jury était donc constitué de grandes et fortes personnalités, jugez-en vous-mêmes : Andrey Baranov, Robert Stepanian, Mikhail Yakovlev, George Tudorache, Hrachya Avanesyan, Ashot Khachatourian et de moi-même. Quel bonheur de fréquenter ces personnages souvent hauts en couleur, d’un talent formidable et d’une expérience inestimable ! Tout ce que j’ai appris en une semaine est très précieux et me sera d’une grande utilité à l’avenir.

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Qui dit concours international, dit jeunes virtuoses venus du monde entier ! Si l’on compte l’intégralité des auditions que nous avons faites en une semaine, on approche le chiffre de 100 prestations. Des dizaines de talents de niveaux très variés, c’est vrai, se sont présentés et ont défendu leur musique avec passion. Ils nous ont touchés, émus, bouleversés parfois. Répartis en deux niveaux d’âge, les violonistes âgés de moins de 18 ans, constituaient la catégorie A. Ils venaient du Danemark, de Russie, de Taiwan, de France, du Japon, de Corée et d’Ukraine. À l’issue des épreuves, c’est la jeune ukrainienne Varvara Vasylieva, née en 2003 qui a brillamment remporté le premier prix. Quel talent et quel avenir !

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Varvara Vasylieva (premier prix catégorie A)

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Lir Vaginsky (troisième prix catégorie A)

La catégorie B était beaucoup plus fournie et les musiciens étaient originaires de treize nations : Italie, Russie, Corée, Danemark, USA, Japon, France, Arménie, Allemagne, Suisse, Biélorussie, Kazakhstan et Belgique. Notre pays était représenté par un superbe musicien gantois, César Laporev qui est parvenu à se hisser en finale et dont on reparlera sans doute dans les prochaines années.

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César Laporev (finaliste)

Le premier prix a été remporté magistralement par la merveilleuse violoniste du Kazakhstan Galiya Zharova, suivie par la superbe musicienne japonaise Hiromi Fukuda.

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Galiya Zharova (premier prix catégorie B)

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Hiromi Fukuda (second prix catégorie B)

Mais l’Ysaye International Music Competition est aussi un concours de musique de chambre qui accepte toutes les formations possibles. Le palmarès est d’ailleurs révélateur de l’ouverture  qui est faite par Elena Lavrenova et Ashot Kachatourian aux disciplines instrumentales les plus diverses. Ce sont deux percussionnistes belges, l’ensemble As One, qui, comme son nom l’indique offre une symbiose hallucinante des deux musiciennes incroyables, qui reçoivent le deuxième prix, le premier n’ayant pas été décerné, ex-aequo avec un autre groupe original, le Quatuor Aeolina, un exceptionnel ensemble français de quatre… accordéonistes !

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As One (Deuxième prix Ex-aequo catégorie Musique de chambre)

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Quatuor Aeolina

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Trio Wuhan (troisième prix de la catégorie Musique de chambre)

Un concours qui porte le nom du grand violoniste belge Eugène Ysaye, fait, évidemment la part belle à son œuvre. Les Six Sonates pour violon seul étaient obligatoires pour la finale de la catégorie B et souvent présente chez les plus jeunes… l’occasion de mettre à l’honneur l’un des plus grands compositeurs belges.

Ysaye International

Et puis, puisque je vous parle de ce qui m’a émerveillé durant cette semaine, il serait injuste de ne pas évoquer les accompagnateurs qui sont au service des tous ces musiciens et qui font un travail vraiment exceptionnel ! Quel beau métier que de seconder ainsi toutes ces personnalités. Bravo à Christia Hudzy, à Anastasia Kenner Kozhushko et à Philippe Ivanov ! J’envie sincèrement votre capacité à travailler aussi vite et bien !

Il faut encore dire qu’un concours ne peut pas fonctionner sans un secrétaire efficace, dévoué et très organisé. Il faut être la mémoire du concours, tout noter, compiler les points, faire les moyennes, faire très rapidement les listes pour les épreuves suivantes… c’est aussi de la formidable virtuosité qu’a déployée Philippe Lehaen pour rendre tout cela non seulement possible et mais limpide. Sa bonne humeur à toute épreuve a sans doute contribué à la bonne ambiance au sein du concours. Il y a aussi les charmantes hôtesses, toutes plus gentilles et sympathiques les unes que les autres.

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Impliquées à fond dans leurs tâches, elles ont accueilli chaque candidat, elles ont rassuré ceux qui étaient stressés, elles ont ri avec les plus détendus. Elles ont fait du concours un événement profondément humain, là où, par essence, c’est une compétition. Le sourire de presque tous les candidats, même les malheureux, vient de leur formidable sympathie ! Enfin, je n’oublie par notre charmante présentatrice, Ioanna Ivanova, qui a accompli sa tâche avec brio.

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Faut-il mettre une ombre au tableau magnifique que l’Ysaye International Music Competition propose à notre belle ville de Liège ? Assurément, c’est celui de s’être déroulé dans l’indifférence publique la plus totale. Le public n’est pas venu et c’est fort triste car ce qui s’est passé à la Salle académique de l’ULiège la semaine dernière est vraiment d’un niveau international et peut apporter à la ville et à la Wallonie un grand plus musical parallèle à celui du Concours de piano de Liège. Problème de communication ? Indifférence ? Période de vacances ? Tout cela est à voir et je ne jette la pierre à personne, mais je sais d’expérience qu’avec la meilleure volonté du monde il est bien difficile de mobiliser pour la musique classique quand les moyens financiers sont modestes… dommage ! Mais le concours est jeune et je crois que la qualité des musiciens qui s’y présentent fera qu’il trouvera vite une juste place dans le paysage musical belge !… À bon entendeur…