Un jour… Un chef-d’oeuvre! (59)

« Agamemnon gémissait du plus profond du cœur, et ses entrailles tremblaient en lui-même. Lorsqu’il jetait les yeux sur la plaine, il admirait la voix des auloi et des syrinx… et le tumulte des hommes… »

 d’après Homère, L’Iliade, Chant X (entre -850 et -750 ACN)

59a. Détail d’une coupe attique, garçon jouant de l’aulos en gonflant les joues, 460 av. J.-C

Détail d’une coupe attique, garçon jouant de l’aulos (double hautbois) en gonflant les joues, 460 av. J.-C.

Benjamin Britten (1913-1976), Six Métamorphoses d’après Ovide pour hautbois solo interprétées par Nancy Ambrose King.

Six Métamorphoses d’après Ovide pour hautbois solo (1951) de Benjamin Britten est une œuvre singulière, traitant un instrument mélodique comme un véritable soliste. L’œuvre déroutante et ouvertement programmatique, puisque Britten lui-même a laissé dans les titres de ses pièces quelques indications essentielles. Il exploite quelques unes des plus célèbres métamorphoses du poète latin, Ovide (-43 – +17). Si l’auteur de l’Art d’aimer utilisa une bonne part de son talent littéraire à rédiger quinze livres sur le sujet des métamorphoses, ce n’est pas simplement pour le plaisir de récits fantastiques, c’est surtout qu’à travers les diverses transformations des personnages se trouve des archétypes humains… aussi valables aujourd’hui qu’hier.

Si l’on peut évidemment écouter la pièce sans rien savoir de la mythologie, il est très profitable de reconnaître, dans la mise en œuvre de la musique, les intentions évocatrices du compositeur. Les pièces sont d’une extraordinaire difficulté, tant dans les nuances des phrasés des morceaux lents (Pan, Niobé, Narcisse) que dans la rythmique quasi stravinskienne (Phaëton, Bacchus), le dédoublement quasi polyphonique des miroirs et échos de Narcisse ou la vélocité liquide (Aréthuse), un tour de toutes les possibilités de l’instrument.

Chaque pièce, donc, fait référence à un personnage de la mythologie grecque, dont l’histoire est racontée dans Les Métamorphoses d’Ovide. Une phrase les présente au sein même de la partition de Britten… et votre imagination fera le reste :

1.Pan, qui jouait de sa flûte de roseaux, lesquels étaient Syrinx, sa bien-aimée.

59b. Pan et Psyché (1874) par Edward Burne-Jones (1833-1898)

Edward Burne-Jones (1833-1898), Pan et Psyché (1874).

2. Phaéton, qui conduisit le char du soleil pour une journée et fut précipité dans l’Eridan par la foudre.

59c. Pierre Paul Rubens, La Chute de Phaeton (vers 1604-1605)

Pierre Paul Rubens (1577-1640), La Chute de Phaeton (vers 1604-1605).

3. Niobé, qui pleure sur la mort de ses quatorze enfants, et qui fut changée en rocher.

59d. Rocher de Niobé sur le mont Sipyle.

Rocher de Niobé . Pris de pitié, Zeus la changea en rocher et la plaça sur le mont Sipylos (Turquie actuelle), d’où coulèrent ses larmes sous la forme d’une source.

 4. Bacchus, aux fêtes duquel on entend les langues jacassantes des femmes cancanant et les cris des garçons.

59f. Parc de Versailles, Bassin de Bacchus, Balthazar et Gaspard Marsy, (1672–75)

Parc de Versailles, Bassin de Bacchus, Balthazar et Gaspard Marsy, (1672–75).

5. Narcisse, qui tomba amoureux de sa propre image et devint une fleur.

59e. John William Waterhouse, Echo et Narcisse, 1903.

John William Waterhouse (1849-1917), Echo et Narcisse, 1903.

6. Aréthuse, qui, fuyait l’amour du dieu fleuve Alphée, fut changée en fontaine.

59g. John Martin, Alphée et Aréthuse, 1832.

John Martin (1789-1854), Alphée et Aréthuse, 1832.