Une histoire amusante…

Dans la rubrique « un jour où l’on n’apprend rien est un jour perdu », un fidèle auditeur de mes cours, voyant mes partitions garnies de Post-it (ce billet n’est ni sponsorisé, ni publicitaire!) destinés à retrouver facilement l’exemple à analyser, me raconta un jour que l’invention de ce papier encollé si pratique était le résultat de la sérendipité ! D’abord surpris par le mot que je ne connaissais pas, j’appris vite que ce néologisme, en usage dans les dictionnaires anglophones depuis la fin des années 1950 désignait une découverte scientifique faite fortuitement lors de recherches appliquées à un tout autre domaine.

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« La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue à la suite d’un concours de circonstances fortuites et très souvent dans le cadre d’une recherche concernant un autre sujet. La sérendipité est le fait de « trouver autre chose que ce que l’on cherchait », comme Christophe Colomb cherchant la route de l’Ouest vers les Indes, et découvrant un continent inconnu des Européens.

Parmi les nombreux exemples de découvertes et inventions liées au hasard, figurent notamment la radioactivité, le four à micro-ondes, la pénicilline, la dynamite, le Post-it, le Téflon, l’aspartame, le Viagra, ou encore le super-amas galactique Laniakea.

L’existence de la sérendipité est un argument fréquent dans le débat public pour défendre des options d’organisations interdisciplinaires contre la tendance à la spécialisation croissante des champs qui résulte de l’approfondissement des recherches. Cet argument se trouve particulièrement à propos de l’organisation de la recherche. » (Extrait de la définition Wikipédia)

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Ravi d’avoir appris un nouveau mot, je n’étais cependant pas au bout de mes surprises. Que le Post-it ait été inventé par des ingénieurs de la célèbre firme américaine 3M travaillant, entre autres, sur des colles à appliquer à toutes les circonstances, de la construction à la dentisterie, cela ne m’étonnait guère. Par contre, qu’une colle qui ne colle pas vraiment, inventée en 1968, dans le cadre de recherches sur de nouvelles colles fortes, et donc plus ou moins abandonnée dans les archives de l’entreprise soit exhumée quinze ans plus tard par un autre ingénieur pour en faire, idée géniale, le papier pense-bête si précieux aujourd’hui relève presque du fantastique.

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Mais vous vous demandez sans doute ce que cela vient faire dans un cours de musique. Et bien cet ingénieur, Art Fry, collègue de celui qui avait inventé cette colle si spéciale, était chef de chœur dans une paroisse américaine. Lors des offices, il devait donc diriger des chorals qui se trouvaient loin les uns des autres dans son grand recueil de partitions sacrées. Il plaçait alors d’inefficaces signets de papier qui prenaient un malin plaisir à glisser dès la première manipulation de l’ouvrage. Ils étaient ainsi inutiles… et exaspérants !

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Cette colle, qui permettait de coller sans détériorer les pages, qui autorisait les décollages fréquents en tenant finalement assez bien et qui possédait une large plage non enduite de colle pour rédiger quelques commentaires et indications, pouvait donc servir au chef de chœur pour retrouver ses numéros sans peine.

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On sait que dans cette entreprise américaine, les ingénieurs qui avaient fait des découvertes importantes et efficaces, bénéficiaient d’une plage horaire dans leur emploi du temps pour mener des recherches complémentaires qui leur semblaient pouvoir être utiles. Ainsi Fry se mit à chercher comment enduire une partie d’un papier de cette colle et comment l’empêcher de sécher,… L’équipe de notre ingénieur consacra donc une partie de son temps à façonner le Post-it.

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Messages d’amour et de soutien après les attentats du 3 juin 2017 à Londres  (Photo: Pete Maclaine / i-Images)

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… et à Stockholm également en 2017

Au moment de le commercialiser, en 1980, le manque d’enthousiasme des clients fut contourné par le génie d’un directeur commercial qui décida d’en offrir à quelques entreprises. Dès qu’elles l’eurent essayé et constaté l’efficacité de ce papier révolutionnaire, elles en recommandèrent par milliers et la nouvelle envahit vite les Etats-Unis, puis le monde entier. Aujourd’hui, Post-it (marque déposée) est, à l’image du Bic, devenu un nom commun. Tout le monde l’utilise et son succès ne s’est jamais démenti. Honnêtement, qui n’a pas de Post-it au bureau ou à la maison ? Mieux, le Post-it est devenu l’objet de manifestations artistiques. À Liège, lors du départ du Tour de France 2012, un tableau de 190 000 Post-it a été réalisé sur la verrière des Galeries Saint-Lambert, établissant ainsi un nouveau record du monde. Il aura a fallu presque 400 heures de travail à quatre équipes de colleurs pour répartir les Post-it sur un espace de 600 m2 (sources Wikipédia).

Post-it Liège 2012

Et puis il ne colle pas bien le Post-it ? Détrompez-vous, c’est là toute sa force : en 1996, un technicien de l’aéroport de Las Vegas déposa un Post-it sur le nez de l’avion, lequel resta fixé jusqu’à sa destination, à Minneapolis, malgré une vitesse de 800 km/h et une température de -40°C.

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C’est donc un peu grâce à la musique que cette invention fut réalisée et je crois que les musiciens qui utilisent presque tous les jours ces Post-it peuvent louer et remercier ces ingénieurs de leur avoir amélioré un peu la vie… Tout est dans tout !