Un jour… Un chef-d’œuvre! (93)

La faute suprême est ce que les Grecs, nos maîtres, appelaient l’hybris, la démesure, l’orgueil…

 

George Stubbs (1724-1806), Phaëton foudroyé par Jupiter, 1777.

Ovide (43 av. JC , 17 ou 18 ap ) a consigné dans ses « Métamorphoses », véritable texte fondateur de la mythologie classique, l’histoire de Phaéton, fils de la nymphe Clyméné et de Phébus-Hélios, le (dieu du) Soleil. Ce mythe d’origine grecque est bien antérieur à l’Empire Romain, et est déjà connu de Platon (427, -348 ). Il se pourrait même qu’il ait été connu par les Sumériens (vers -4000 !)

En voici un résumé établi d’après la version d’Ovide:

L’Océanide Clyméné ( Clymène dans la version latine d’Ovide) étant l’épouse de Mérops (qu’elle a trompé avec Phébus), Phaéton entretient de légitimes doutes sur sa filiation divine. Sa mère l’engage donc à en obtenir la confirmation de Phébus lui-même.

Après un long voyage, il arrive enfin au palais du Soleil. Le Soleil l’ayant aperçu l’accueille en fils et lui demande ce qu’il est venu chercher sur ces hauteurs. Phaéton lui répond qu’il sollicite des gages qui attesteraient qu’il est vraiment issu du dieu, des gages suffisamment forts pour qu’ils chassent tout doute de son esprit. Alors, pour faire plaisir à son fils, Phébus jure sur le Styx de lui accorder tout ce qu’il désire.

Godfried Maes (1649-1700), Phaëton devant son père, vers 1700.

A peine a-t-il achevé que Phaéton demande le char de son père et le droit de le conduire pendant une journée. Aussitôt, le père se repent amèrement de son serment. Il ne peut plus revenir sur son engagement mais tente de dissuader Phaéton car la tâche ne convient ni à ses forces, ni à son jeune âge. Par tous les moyens, il cherche à faire revenir Phaéton sur son souhait, mais celui-ci, rebelle à ce discours, persiste dans son projet, le dieu du Soleil est alors obligé de se soumettre.

Les chevaux du Soleil pleins de fougue s’élancent mais le joug n’a pas son poids ordinaire. Dès que le quadruple attelage s’en est aperçu, il se précipite, abandonne la piste battue et ne suit plus la même direction qu’auparavant. Phaéton s’épouvante, il ne sait de quel côté tirer les rênes, il ne sait de quel côté est son chemin.

Godfried Maes (1649-1700), Phaëton dans le char de son père, vers 1700

Les chevaux s’élancent, tantôt jusqu’aux étoiles fixées dans les hauteurs, tantôt par des descentes et des précipices, ils tombent dans des espaces voisins de la terre. Les flammes dévorent alors les lieux les plus élevés de la terre qui se fend, s’entrouvre et se dessèche. De grandes villes périssent avec leurs remparts; des territoires entiers avec leur population sont réduits en cendre par l’incendie. Des forêts brûlent avec les montagnes. La mer se resserre, des plaines de sables arides remplacent ce qui était naguère l’océan, des montagnes jusque-là couvertes par ses eaux profondes, surgissent.

Alors le souverain des dieux Zeus-Jupiter, pour éviter la destruction de l’Univers, lance sa foudre contre le conducteur du char et réduit son char en miettes. Phaéton, sa chevelure rutilante ravagée par la flamme, tombe, foudroyé, à travers les airs, où il laisse en passant, c’est sa métamorphose, une longue traînée lumineuse. Il est précipité au loin dans le fleuve Eridan.

Godfried Maes (1649-1700), Jupiter foudroie Phaëton, vers 1700.

Sil faut en croire la tradition, un jour entier s’écoula sans soleil et l’incendie seul éclaira le monde dévasté.

Le Mythe de Phaëton en détail

 

Karl Ditters von Dittersdorf (1739-1799), Symphonie N°2 d’après les Métamorphoses d’Ovide, La Chute de Phaëton, IV. Finale: Vivace, ma non troppo presto – Andantino, interprété par le Failoni Orcestra, dirigé Par Hanspeter Gmür.

Les symphonies exprimant les Métamorphoses d’Ovide – tel est le titre d’un cycle de compositions qui est l’une des œuvres les plus originales et les plus connues de Karl Ditters von Dittersdorf. Bien qu’il soit moins connu que ses grands contemporains Gluck, Haydn, Mozart et Beethoven, il n’en est pas moins une figure importante du classicisme musical. Nous pouvons dire que parmi les grands musiciens de son époque Karl Ditters von Dittersdorf a été celui dont la situation sociale a été la plus brillante et que pendant une grande partie de sa vie il a eu le privilège de s’adonner à la création musicale sans se soucier des problèmes matériels. Ses symphonies inspirées par le poète latin Publius Ovidius Naso – Ovide ont été créées entre 1783 et 1786.

Parmi ses symphonies il y a des œuvres assez spécifiques qui pourront être décrites comme de la musique à programme. Dans ses Symphonies inspirées des Métamorphoses, il évoque avec une grande fantaisie musicale les situations concrètes présentées dans les poèmes d’Ovide sans quitter pourtant la forme de la symphonie classique. Un des poèmes les plus dramatiques évoque la Chute de Phaéton, fils d’Apollon (Phébus) terriblement puni d’avoir osé conduire le char d’Hélios.

Son œuvre et ses symphonies restent les témoignages d’un talent exceptionnel. Nous pouvons dire que ses poèmes symphoniques ont devancé leurs temps et ont auguré l’âge d’or de la musique à programme et l’arrivée des grands compositeurs romantiques du XIXe siècle.

En savoir plus sur Karl Ditters von Dittersdorf

 

Benjamin Britten (1913-1976) Six Métamorphoses d’après Ovide pour hautbois solo, II. Phaëton, interprété par Yasna Brandstätter.