Le bonheur au bout des doigts…

Les Concerts de l’U3A, vous le savez bien, offrent la plupart du temps, une scène, certes modeste, mais très conviviale aux jeunes musiciens de chez nous. Ils ont l’occasion de se produire devant un public à la fois exigeant et bienveillant, ce qui constitue une formidable opportunité pour nous comme pour eux. Je me félicite d’ailleurs de l’enthousiasme de l’un et de l’autre depuis plus de quinze ans.

Un tout grand merci à Jean Cadet pour son superbe reportage photographique.

Mais quelques fois, nous invitons aussi des musiciens confirmés qui acceptent bien amicalement de jouer pour nous et c’est un vrai bonheur pour moi lorsqu’ils acceptent de monter sur nos planches. C’est ainsi que lors du dernier concert, le mercredi 8 février dernier, nous vivions une heure exceptionnelle avec Elena Lavrenova au violon, que notre public a littéralement vu grandir lors de ses nombreux passages à l’U3A, et Ashot Khachatourian, un extraordinaire musicien de réputation mondiale, au piano… voici un bref récit de ce moment hors du temps !

La Salle 11 de l’U3A de Liège était bondée comme jamais et le public se pressait nombreux pour s’emparer des dernières chaises disponibles. Il faut dire que l’annonce de la prestation de nos deux musiciens du jour avait, depuis quelques semaines, déclenché un enthousiasme bien perceptible. Au total et à ma plus grande joie, plus de 150 personnes avaient pris place dans la salle et une réelle fébrilité avait envahi les mélomanes pressés d’écouter et d’applaudir deux musiciens de classe internationale.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le récital dépassa les espérances les plus folles. La soirée se déroulait en deux temps. D’abord, Ashot Khachatourian nous proposait quelques merveilles du répertoire solo, les trois Nocturnes Op.9 de Frédéric Chopin, le Prélude en sol mineur Op.23 et troisième et quatrième Moments musicaux de Serge Rachmaninov… excusez du peu… !

Que dire, sinon évoquer la perfection technique, l’incroyable sonorité qu’il tire de notre modeste piano quart queue ? Pour ma part, j’ai admiré l’irrésistible force qu’Ashot déploie pour littéralement envoûter l’auditeur et ne jamais le lâcher. J’ai été bouleversé par la justesse des émotions et ému par sa technique infaillible et très impressionné par sa présence. Ashot habite le piano ! Il avait choisi des pièces très contrastées, certaines lyriques, d’autres héroïques, d’autres encore d’une virtuosité transcendante.

Ce qui constitue le sommet de son art, c’est l’aisance totale dont il fait part, celle qui parvient à conduire l’écoute au-delà d’un récital pianistique, celle qui dépasse l’instrument… et conduit à la musique pure, absolue ! Le public reste bouche bée… comme sous le choc !

Elena Lavrenova rejoignait ensuite son partenaire, à la ville comme à la scène, pour entamer un véritable monument de la musique de chambre, la sublime Troisième Sonate pour violon et piano en ré mineur Op.108 de Johannes Brahms composée en 1888 au bord du lac de Thun en Suisse où celui-ci passait l’été.

Composée de quatre mouvements, d’une durée totale de 25 minutes approximativement, qui laissent une égale place au violon et au piano, cette sonate est une des réussites les plus géniales du répertoire et d’une grande difficulté pour les deux musiciens tant au niveau technique que pour l’équilibre et surtout, la maturité du propos de l’automnal Brahms tardif.

Moment d’exception, une nouvelle fois ! Une demi heure dans temps brahmsien qui passe par toutes les couleurs de l’automne, du cantabile mélancolique de la cavatine  à la danse hongroise en passant par l’évocation d’une tarentelle et le discours tragique d’un des plus grands compositeurs de l’Histoire… une mosaïque d’émotions où l’on sent non seulement la perfection du jeu de nos musiciens, mais surtout leur complicité et leur intimité si indispensable à une telle musique. Une merveille de poésie musicale !

La salle enthousiaste…une formidable ovation… un bis émouvant, la célèbre Vocalise de Serge Rachmaninov, chantée merveilleusement par Elena Lavrenova soutenue par le miroitant contre-chant du piano d’Ashot Khachatourian… et, finalement, la certitude que notre magnifique duo porte le bonheur au bout des doigts et la musique au creux de l’âme pour nous l’offrir avec une totale générosité… !