Un jour… Un chef-d’œuvre (270)

Cadran solaire et faux ami,
Parlent tant que le soleil luit,
Et se taisent quand il s’enfuit.

Proverbe français

Dante Gabriel Rossetti (1828-1882), Beata Beatrix, 1864-1870 (détail).

C’est le portrait de Beatrice Portinari du poème Vita Nuova de Dante Alighieri au moment de son dernier soupir. Rossetti y représente Beatrice sous les traits de son épouse défunte Elizabeth Siddal, sa muse.[…] Dans une lettre de 1873 à son ami William Morris, Rossetti confie son intention : « non la représentation du moment de la mort de Beatrice, mais celle de son idéal, symbolisé par une transe ou une transfiguration spirituelle soudaine. » (Wikipédia)

 

Félicien David (1810-1876), Le Désert, Le Lever de soleil, Orchestre de Chambre de Paris dirigé par Laurence Equilbey.

Projetée, l’ombre du cadran solaire avait pour fonction moins de donner l’heure, à laquelle nos Anciens accordaient peu d’importance, que d’observer le rapport entre les phénomènes du ciel et telle circonstance de la terre. Grâce à lui, fut inventée, par exemple, l’échelle des latitudes. Ledit cadran fonctionnait donc moins comme une horloge que comme observatoire astronomique. Les Grecs appelaient gnomon, mot qui dans leur langue, comme dans la nôtre, évoque la connaissance, l’axe vertical interceptant la lumière solaire. Paratonnerre primaire?

Voilà, en fait, non point un mais deux courts-circuits foudroyants: entre le soleil et le sol par la lumière et l’ombre, comme le voient nos yeux, mais surtout entre une tige verticale, matérielle, et un savoir décodable, que je puis appeler logiciel; entre le concret d’une part et l’abstrait de l’autre, l’énergie de la lumière et la subtilité de l’information. Point chaud, cet événement.

De ce rapport entre la lumière et l’ombre se tirent, en effet, des informations sur l’espace de la terre et le temps du monde. Voici donc l’une des premières réalisations d’une intelligence artificielle: sinon, aurait-on appelé gnomon, c’est à dire « connaissant », une tige de métal? Le soleil descend sur la terre et y écrit, de son ombre, des marques, une écriture même, à décoder. L’énergie du feu solaire engendre une information.

Michel Serres (1930-2019), Relire le relié, Paris, éditions Le Pommier/Humensis, 2019, livre de poche Fayard/ Pluriel, 2021, 18-19.

Cadran solaire moderne