Un jour… Un chef-d’oeuvre! (30)

« Ce n’est pas parce que l’histoire de l’art s’appuie sur la capacité de voir [et d’entendre]¹ qu’elle doit évincer celle de penser. »

Heinrich Wölfflin (1864-1945)

30b. Giuseppe Arcimboldo, Le Printemps, 1573

Giuseppe Arcimboldo (1527-1593), Le Printemps, 1573 (détail).

Antonio Vivaldi (1678-1741), Les Quatre Saisons, interprétées par L’Ensemble Baroque de Venise dirigé par  avec Giulio Carmignola au violon et dirigé par Andrea Marcon.

30c. Poème Quatre saisons Printemps

L’œuvre est accompagnée de quatre sonnets attribués à Vivaldi, lui-même, décrivant le déroulement des saisons. Sur la partition, le compositeur précise les correspondances avec les poèmes, explicitant même certains détails (aboiements de chien, noms d’oiseaux: coucou, tourterelle, pinson…). Ci-dessus, le poème du printemps!

«ORPHÉE ET LA PASTORALE

La pastorale des Quatre Saisons nous mène tout droit en Arcadie, cette région de Grèce connue pour être le lieu de l’âge d’or. Cette terre peuplée de bergers et de bergères mythiques paraît antérieure aux sociétés humaines comme à l’histoire. Tout y est calme, innocence et naïveté. L’Arcadie traduit en réalité un fantasme primitiviste: elle constitue un espace de représentation symbolique trahissant le désir qu’a l’homme de vivre dans un monde idéal et simple, en harmonie avec la nature. Mais l’Arcadie ne met pas seulement en jeu une conception de la nature: elle convoque la musique, essentielle à la construction et la préservation de cet idéal collectif. Non seulement les bergers dansent, mais ils sont poètes et musiciens. Cette terre mythique abrite la nymphe Écho, qui permet à la nature de dialoguer avec les hommes, ou encore le dieu Pan, dont la flûte incarne le pouvoir irrationnel de la musique. Orphée est, plus encore, l’émanation par excellence de l’Arcadie. À la fois poète et musicien, il représente la parfaite union des arts, à l’image de l’harmonie régnant entre l’homme et le monde. Par ses pouvoirs fabuleux, son chant soumet la nature: il incarne le rêve d’un art tout-puissant. […].

LA SYMBOLIQUE DE LA NATURE

Les Quatre Saisons de Vivaldi se situent ainsi à la confluence de deux riches traditions musicales: l’une cherche à figurer les parties de la nature dans la musique, de façon très précise, selon des procédés rhétoriques; l’autre tend à renvoyer plus lointainement à une conception mythique de la nature, par le biais de l’univers arcadien de la pastorale. Dans les deux cas, la nature imitée n’est pas [que]¹ réaliste: sa portée est avant tout symbolique. À cette époque, sa représentation reste en effet subordonnée à un propos  philosophique ou moral. Le printemps est ainsi associé à l’amour, l’onde claire à la pureté et la saison froide à la vieillesse. […]»

Emmanuel Reibel, Nature et Musique, Paris, Fayard/Mirare, 2016, pp. 30-34.

30a. Giuseppe Arcimboldo, Le Printemps, 1573

Giuseppe Arcimboldo (1527-1593), Le Printemps, 1573

30d. Arcimboldo Quatre Saisons

¹ C’est moi qui ajoute.