Un jour… Un chef-d’œuvre (239)

Comme son fils était un peu bassoniste, Charles Darwin faisait jouer un peu de musique à un pied de mimosa pour voir si ces quelques notes provoquaient la fermeture de ses feuilles…

Johann Nepomuk della Croce (1736-1819), La Famille Mozart, 1780.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Sonate pour deux pianos en ré majeur K. 448, interprétée par Martha Argerich et Daniel Barenboim.

Pour consacrer la capacité de la musique à soigner, le lieu commun suprême est l' »effet Mozart », avec toute la part de pseudoscience qu’il peu à son tour emporter. Au début de son livre L’Effet Mozart, Don Campbell raconte comment il a lui-même pu venir à bout d’un caillot de sang de 3 cm par des fredonnements ciblés qui lui ont permis d’éviter de se faire opérer du cerveau. Pour donner des preuves expérimentales de l’effet Mozart, Don Campbell multiplie les exemples: « La ville d’Edmonton, au Canada, fait jouer de la musique de Mozart pour quatuor à cordes dans les places de la ville pour calmer les piétons, ce qui a eu pour conséquence de diminuer le trafic de drogue. » Mais encore: « Dans le nord du Japon, la brasserie Ohara fabrique son meilleur saké au son de la musique de Mozart. La densité de la levure utilisée pour fabriquer le traditionnel alcool de riz se trouve décuplée. » Sans oublier l’étude sans doute la plus célèbre: « dans certains monastères bretons, les moines diffusent de la musique aux animaux. Ils ont constaté que les vaches qui écoutaient du Mozart donnaient plus de lait. »

À force de pittoresque ou de caricature, des doutes se sont cristallisés sur le bien-fondé dudit « effet Mozart ». Pour essayer d’en établir une preuve scientifique, la psychologue Frances Rauscher a soumis, en 1993, trente-six étudiants à des tests d’intelligence spatiale. Le résultat s’est alors trouvé significatif: le groupe « Amadeus » a obtenu 8 à 9 points de plus à l’échelle Standford-Binet, alors qu’il n’y avait a priori pas d’autre particularité que d’avoir écouté pendant dix minutes la Sonate pour deux pianos en ré majeur (K.448). De ce que l’écoute de dix minutes de cette œuvre de Mozart améliore l’intelligence spatiale dans les dix à quinze qui suivent, l’équipe de Rauscher a dû conclure qu’il y avait bien un rapport étroit entre la musique et le raisonnement spatial, l’une devant donc pouvoir stimuler l’autre. Quelques années plus tard, en 1999, une professeure de neuropsychologie de l’université de Montréal, Isabelle Peretz, a essayé de démontrer cette idée d’un effet Mozart. Avec le même genre d’expérience, la neuropsychologue a alors abouti à des résultats beaucoup moins significatifs.

Quand bien même la musique de Mozart pourrait aider à la concentration, les oeuvres de Vivaldi et de Beethoven semblent capables de prouesses tout aussi impressionnantes. On peut lire, ça et là que des fabricants de pâtes de Tokyo vendent des « nouilles musicales » confectionnées au son des Quatre Saisons de Vivaldi et de gazouillis d’oiseaux et qu’une boulangerie de Nagoya, au Japon, vend un pain spécial appelé « pain Beethoven », qui lève au son de la Symphonie n°6 durant 72 heures. Mais le marketing beethovénien ne suffit pas à décourager les défenseurs de l’effet Mozart. Pour le médecin Alfred Tomatis, la musique de Beethoven demande de « savoir écouter » au préalable. Dans Pourquoi Mozart?, il explique que l’œuvre de Bach est comparable à une « immense cathédrale sonore », ce qui nécessite elle aussi d’avoir quelques clés de lecture préalables. Alors que la musique de Mozart, pour Tomatis, est universelle et « équilibrante de par sa structure ». Tomatis dit même qu' »elle offre une régularité propice à l’apprentissage », à la concentration et donc à l’étude.

David Christoffel, La Musique vous veut du bien, Paris, Presses universitaires de France, 2018, pp. 31-33.