Un jour… Un chef-d’œuvre (176)

Une Théodora peut en cacher une autre…

Théodora et sa suite, Mosaïque du milieu du 6ème siècle, Ravenne (détail).

La vie de Théordora (vers 500-545) ressemble à un ambitieux roman ayant l’Empire byzantin pour cadre. Elle naît à Constantinople, fille d’Acacius, un montreur d’ours lors des spectacles donnés à l’hippodrome de la ville, et d’une ancienne danseuse. Son père meurt alors qu’elle est encore un enfant. Selon Procope de Césarée et son Histoire secrète, elle devient une « oursonne » et gagne ainsi sa vie avec ses sœurs plus âgées, Asapsie et Comito. Que font les oursonnes? Entre les courses, elles divertissent les spectateurs en représentant des tableaux vivants, très largement dévêtues, la plastique des modèles comptant davantage que leur talent. Ces apparitions permettent aux riches habitants de la capitale ou aux provinciaux de passage de repérer une oursonne avant de faire plus ample connaissance avec elle en privé… La jeune Théodora serait devenue mère au moins une fois à l’époque où elle exerçait ce métier d’artiste.

Ayant un moment filé la laine, Théodora est assez intelligente pour comprendre que son ascension sociale passe par la culture. Elle apprend à lire, à écrire, suit des cours de philosophie, se convertit à la doctrine monophysite – celle qui considère la nature divine du Christ comme seule existante, en dépit de son incarnation.

Parmi ses admirateurs se trouvent l’empereur Justin Ier et le chef de sa milice, Justinien. Dans un premier temps, Justinien fait de Théodora sa maîtresse, séduit par sa beauté. Mais les qualités intellectuelles de la jeune femme le retiennent plus encore que ses appas. Il l’épouse en 525. Deux ans plus tard, il succède à son oncle sous le nom de Justinien Ier, faisant de Théodora une basilissa, une impératrice.

En 532, la population de Constantinople se soulève aux cris de « Niké », « Victoire ». Le trône vacille, Justinien est près de s’enfuir et d’abdiquer. L’orgueilleuse Théodora ne l’entend pas du tout de cette oreille. Dans une scène historique, elle lui reproche sa faiblesse et sa lâcheté. Impératrice elle est et impératrice elle demeurera, quitte à mourir de la main des conjurés, mais jamais elle ne leur cédera la place. Justinien, morfondu, se ressaisit et organise la contre-offensive avec ses généraux Bésilaire et Narsès. L’armée reprend les quartiers les uns après les autres, les révoltés finissent par se retrouver pris au piège dans l’hippodrome où ils sont massacrés.

Théodora a sauvé la dynastie, c’est elle la victorieuse. Plus politique, plus intelligente que Justinien, elle poursuit la réforme de l’Empire, s’attachant aux droits des femmes. Elle leur fait accorder davantage de droits en cas de divorce et interdit le commerce des jeunes filles. Dans le domaine religieux, elle continue à protéger les monophysites, mettant fin à la persécution dont ils sont régulièrement victimes, jusqu’à sa mort en 548. Justinien lui survit jusqu’en 565, mais, sans elle, rien d’important ne se fait jusqu’à la fin de son règne.

Florence Braunstein et Jean-François Pépin, Culturissime, Le grand récit de la culture générale, Paris, Gallimard, 2017, pp. 279-180.

 

Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Theodora HWV 68, With Darkness Deep… air de Théodora, interprété par Sandrine Piau et l’Academia Byzantina.

Theodora est un oratorio en trois actes composé en 1749 par Georg Friedrich Haendel, sur un livret de Thomas Morell, et créé le 16 mars 1750, au Théâtre royal de Covent Garden à Londres.

Le poignant air “With darkness deep as is my woe” de la Theodora d’Haendel est un des sommets de l’oratorio de Haendel, composé en 1749, dix ans avant la mort du musicien. Seule au fond de son abîme obscur, elle crie sa détresse dans un air dont la tendresse égale la tristesse. L’incompréhension, la peur, l’angoisse l’étreignent, puis son âme est prise d’un élan de confiance. La voilà qui se lève vers l’espérance. Ce magnifique air reflète tout le drame de l’innocence accusée injustement.

Theodora

With darkness deep as is my woe
Ombres de la nuit, enveloppez-moi
Hide me, ye shades of night.
de ténèbres aussi profondes que ma détresse.
Your thickest veil around me throw,
Couvrez-moi de votre voile le plus épais
Concealed from human sight;
pour me dérober aux regards.
Or come thou, Death, thy victim save,
ô mort, viens secourir ta victime
Kindly embosomed in the grave.
qui aspire à la douceur du tombeau.

Théodora et Didyme sont deux saints chrétiens dont le martyre est censé avoir eu lieu à Alexandrie vers 304 sous le règne de Dioclétien. Leur légende, probablement entièrement fictive, apparaît et se répand dès la première moitié du ive siècle. En 377 Ambroise de Milan l’enrichit, et la déplace par méprise à Antioche. Elle inspire ensuite de nombreux auteurs jusqu’au 18ème siècle, en particulier Corneille avec sa pièce Théodore, vierge et martyre et Haendel avec son oratorio Theodora.

La légende combine plusieurs thèmes à succès, comme la vierge au lupanar et le travestissement. Théodora, jeune fille noble d’Alexandrie qui souhaite rester vierge par foi chrétienne, est condamnée par le gouverneur de la ville à la prostitution pour ne pas avoir voulu sacrifier aux Dieux de Rome. Elle est sauvée par le jeune chrétien Didyme qui, déguisé en soldat, obtient d’être le premier à accéder à la jeune femme, ce qui lui permet de laisser s’échapper celle-ci en échangeant ses vêtements avec les siens. Didyme, une fois confondu, est condamné à la décapitation par le gouverneur, et son corps à être brûlé. Cette version connue par un manuscrit grec du xe siècle, est celle reprise dans les Acta Sanctorum. Elle repose sur une Passion grecque, qui circule probablement dès les premières décennies du 4ème siècle car Eusèbe d’Émèse l’utilise dans une homélie à Antioche vers 340. Elle est connue également par deux traductions latines qui pourraient toutes deux dater de l’antiquité tardive, et qui restent assez proches de la version grecque qui nous est parvenue.

Ambroise de Milan reprend et enrichit la légende en 377 dans son De virginibus. Il déplace par méprise l’action à Antioche. Didyme devient un jeune officier romain converti. Mais surtout Ambroise fait également de la jeune vierge une martyre : Théodora, apprenant le procès de son sauveur, le rejoint pour prendre sa place, et le gouverneur de la ville les condamne tous deux à la décapitation. Les deux protagonistes d’Ambroise sont anonymes, mais la tradition hagiographique se chargera de les identifier en recoupant les deux récits, et c’est essentiellement la version d’Ambroise qui assure leur postérité.

Wikipédia.

Les Théodora…

Saintes catholiques 
Classées par ordre chronologique du décès :

Théodora et Didyme († 304), martyrs sous Dioclétien à Alexandrie en Égypte ; fêtés le 5 avril2 et le 27 mai en Orient. (celle de Haendel)
Théodora d’Alexandrie († 491), femme adultère d’Alexandrie, puis moniale et abbesse se faisant passer pour un eunuque ; fêtée le 11 septembre.
Théodora († 867) : impératrice byzantine, épouse de Théophile et mère de Michel III, restauratrice de l’orthodoxie en 843, puis moniale ; fêtée le 11 février.
Théodora de Thessalonique († 879) et sa fille Théopiste, originaires de l’île d’Égine en Grèce, moniales à Thessalonique ; fêtées localement le 5 avril en Occident et aussi les 3 août et 29 août en Orient.
Sainte orthodoxe
Théodora (° vers 500 – †548), femme de Justinien, impératrice byzantine de 527 à 548 ; fêtée le 14 novembre (celle de la mosaïque de Ravenne)
Autres souveraines
Théodora : impératrice romaine de 293 à 306, épouse de Constance 1er
Théodora (vers 870 – 922) : impératrice byzantine de 920 à 922.
Théodora (vers 900 – vers 950) : aristocrate romaine concubine du Pape Serge III.
Théodora (v. 946- ?), impératrice byzantine de 971 à 976.
Théodora Porphyrogénète (984 – 1056) : impératrice byzantine de 1055 à 1056.
Théodora Comnène (vers 1130 – 1183) : duchesse d’Autriche.
Théodora Comnène (1146 – vers 1190) : reine de Jérusalem.
Théodora Comnène (vers 1150 – vers 1200) : princesse d’Antioche.
Théodora Comnène, dite Despina Hatun ( † ap. 1478) : princesse grecque de Trébizonde.

Théodora et sa suite, Mosaïque du milieu du 6ème siècle, Ravenne.