« Comme l’état hypnotique dont il est proche, le somnambulisme affecte beaucoup plus les témoins que le sujet lui-même. »
Pierre Henckell
Édouard Rosset-Granger (1853-1934), La Somnanbule (1897), détail.
Vincenzo Bellini (1801-1835), La Sonnambula, acte 2 Ah! non credea mirarti, air d’Amina (Cavatine et Cabalette), version de concert interprété par Cheryl Studer et l’Orchestre de la Radio de Münich, dirigé par Gabriele Ferro.
Maximilian Pirner, La somnambule. Huile sur toile, 1878.
« Selon les meilleures sources, le mot somnambule est apparu pour la première fois en 1688, dans le numéro d’octobre des Nouvelles de la république des lettres. Nommer, c’est commencer à comprendre. Depuis toujours, sans doute, des hommes et des femmes avaient marché dans leur sommeil et tenu des propos étranges; on avait dû expliquer ces comportements invoquant des causes surnaturelles, des esprits malins, des dons mystérieux, des possessions divines ou diaboliques: encore une fois, affaire de jugements défectueux. Vers la fin du 17ème siècle, toutefois, on renonce petit à petit à brûler les sorcières, et l’on constate que le somnambulisme ne dépend ni de Dieu, ni du diable. Cela contribue à le banaliser. »
Pierre Enckell, Petite promenade somnambulique, dans La Somnambule de Vincenzo Bellini, Paris, Avant-Scène Opéra n°178, 1997, p.62.
John Everett Millais (1829-1896), La Somnambule (1875).
« Un cor de chasse s’entend dans les montagnes d’Écosse, bien au-delà de la voix de l’homme. Voilà le seul rapport sous lequel l’art soit parvenu à surpasser la nature, la force du son. Sous le rapport bien autrement important de l’accentuation et de l’agrément, la voix de l’homme est encore supérieure à tous les instruments, et l’on peut même dire que les instruments ne plaisent qu’à proportion qu’ils parviennent à se rapprocher de la voix humaine. Il me semble que si dans un moment de tranquillité pensive et de douce mélancolie, nous voulons interroger notre âme avec soin, nous y lirons que le charme de la voix provient de deux causes:
- Le teinte de passion qu’il est impossible qu’une voix ne porte pas dans ce quelle chante. La voix des cantatrices les plus froides, mesdames Camporesi, Fodor, Festa, etc., exprime toujours, à défaut d’autre sentiment, une certaine joie vague. Je ne cite pas madame Catalani; sa voix miraculeuse produit cette sorte d’impression qui remplit l’âme à l’aspect d’un prodige. Ce trouble de notre cœur nous empêche d’abord d’apercevoir la belle et noble impassibilité de cette cantatrice unique. On peut se figurer, par plaisir, la voix de madame Catalani réunie à l’âme passionnée et au talent dramatique de madame Pasta. En suivant un instant ce roman, on trouvera des regrets, mais en revanche on restera convaincu que la musique est le plus puissant des beaux-arts.
- Le second avantage de la voix, c’est la parole; elle indique à l’imagination des auditeurs le genre d’images qu’il doivent se figurer. Si la voix humaine, comparée aux instruments, a moins de force, elle possède à un degré bien autrement parfait le pouvoir de graduer les sons. La variété des inflexions, c’est à dire l’impossibilité pour la voix d’être sans passion, l’emporte de beaucoup à mes yeux sur l’avantage de prononcer des paroles.»
Stendhal (1783-1842), Vie de Rossini, 1823, chapitre 34.
De gauche à droite et de haut en bas: Décor pour la scène 2 de l’acte 2 de la Sonnambula de V. Bellini, la cantatrice Jenny Lind chantant l’air entendu ci-dessus et les premières notes de l’air qui figurent sur la tombe de Bellini (lui aussi, une fleur fanée trop tôt) dans la cathédrale de Catane, sa ville natale.