“Fermer les yeux… c’est une manière comme une autre de baisser le rideau.”
Henri Jeanson
Edward Hopper (1882-1967), Deux Comédiens, 1966.
« Edward Hopper a quatre-vingt-quatre ans. Il est en pantalon de laine vierge et chemise à carreaux, assis sur un tabouret haut, sa palette posée sur un tabouret plus bas, trois quarts face au chevalet et à une toile d’environ un mètre de long sur soixante-quinze centimètres. Il contemple sans trop d’amertume ces Deux comédiens qu’il vient de peindre à deux pas de Broadway, vêtus des habits de la commedia dell’arte et dotés d’un titre shakespearien. On est la veille au soir de l’Armistice Day, le 10 novembre 1966..
Lui qui a si souvent peint l’absence, il représente cette fois-ci une présence. Mais c’est la présence de ceux qui s’apprêtent à disparaître, qui saluent, qui tirent leur révérence. Bientôt, le rideau va tomber. C’est à l’évidence un adieu à la peinture. Toutefois, un adieu à la peinture peut-il être autre chose qu’un adieu à la vie?
Les Enfants du paradis, film français réalisé par Marcel Carné d’après un scénario de Jacques Prévert, sorti en mars 1945. Chef-d’œuvre du réalisme poétique, c’est une des rares superproductions françaises entreprises sous l’Occupation et le film bénéficie notamment de la présence d’Arletty et de Jean-Louis Barrault.
Le deux comédiens se tiennent sur le proscenium, devant un scène profonde et sombre, au bord du vide, vus en contre-plongée. Hopper allait beaucoup au cinéma et il avait vu Les Enfants du paradis. La grâce du mime l’avait hanté et avait ravivé sa mélancolie. Ici, ils sont réunis tous les deux, Edward et Jo, lui moins grand qu’en vrai, elle moins petite, côte à côte comme ils l’ont été dans la vie, se tenant par la main, se rendant hommage l’un à l’autre avec l’autre main.
Hopper repense forcément à son dernier grand format, Entracte, où une femme, la sienne, est assise dans un fauteuil en contrebas de l’avant-scène, une variante de cette suspension du temps qui ne cesse de nourrir sa persévérance.
Antoine Watteau, Pierrot (ou Gilles), 1717-19.
De fil en aiguille, il remonte à ses séjours parisiens, soixante ans auparavant, il revoit comme si c’était hier le Gilles de Watteau tant admiré au Louvre, le Soir bleu qu’il a peint au retour mais qui est roulé dans son atelier pour que personne ne le voie. Il s’y était représenté en costume de Pierrot, vieilli, déjà triste.
Edward Hopper, Soir bleu, 1914.
Le rideau du tableau était comme une prémonition. Sous peu, il est opéré pour une double hernie à l’hôpital Saint-Vincent. Dans sa chambre, un rideau sépare les deux lits; et c’est le voisin qui a la fenêtre, l’air, la vue. Joséphine dit: « C’était mon idée de l’enfer ». Il revient chez lui, il y meurt une fin d’après-midi de mai, assis dans son grand fauteuil. Joséphine écrit qu’il s’en va en une minute, l’air heureux, beau comme un Greco. Elle lui survit moins d’un an. »
Bernard Chambaz, Le Dernier tableau, de Simone Martini à Zao Wou-Ki, Paris, Éditions du Seuil, 2017, p.12.
Igor Stravinsky (1883-1971), Pulcinella, Ballet pour petit orchestre et trois voix de soliste, commandé pour les Ballets russes par Serge Diaghilev (extrait), 1919.
Stravinsky a emprunté aussi bien à Pergolèse qu’à d’autres compositeurs italiens : les sonates en trio de Domenico Gallo, la suite pour clavecin de Carlo Ignazio Monza, les « concerti armonici » d’Unico Wilhelm van Wassenaer (alors faussement attribués à Pergolèse) et un recueil d’airs anciens publiés en 1885 par Alessandro Parisotti. Mais la majorité des mouvements proviennent bien des œuvres de Pergolèse. Il s’agit d’extrait de ses Commedie in musica (Comédies en musique), Il Flaminio et Lo frate ‘nnamorato, de sa cantate Luce degli occhi miei et de sa Sinfonia per violoncello e continuo.