L’unique récital en Belgique !

Nous avions l’honneur de recevoir, mercredi dernier, dans nos Concerts de l’U3A deux musiciens exceptionnels Fuyuko Saito (soprano) et Shota Ezaki (piano) pour leur unique récital en Belgique cette saison. Diplômés du Conservatoire royal de Liège et de passage exceptionnellement chez nous, ils revenaient du Japon pour quelques jours seulement et, il y a bien longtemps, j’avais proposé à Shota de profiter de ce bref voyage pour donner un récital dans notre série de concerts, ce qu’il avait accepté avec enthousiasme, pour ma plus grande joie.

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Toutes les photos sont de Jean Cadet

Certes, le programme qu’ils proposaient sortait des sentiers battus et offraient aux liégeois la possibilité de plusieurs découvertes musicales de premier plan. Les six arrangements pour piano de chansons de Charles Trenet par Alexis Weissenberg en constituaient le véritable nœud et l’articulation du récital tout entier. J’ai déjà proposé un commentaire sur ces œuvres il y a quelques semaines ici même. Vous pourrez le relire en cliquant ici.

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Mais rien ne vaut la prestation publique et l’aisance habitée de Shota Ezaki a de quoi laisser pantois. Quelle technique et quel sens de la musique ! Virtuosité à toute épreuve, rythmique infaillible, diversité des touchers et des dynamiques, des timbres… toutes ces qualités transcendent littéralement ces sublimes « curiosités musicales ».

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Le couple que forment à la scène comme à la ville Fuju Saito et Shota Ezaki offre un travail d’une rare finesse. Avec son timbre de belle voix de soprano, d’une grande précision, d’une belle souplesse et d’une justesse irréprochable, Fuju n’a aucune peine à sentir toute la subtilité de la musique française de Claude Debussy et de Francis Poulenc. Tout au plus manque-t-il un peu de la difficile clarté de la langue qui donne toujours du fil à retordre aux chanteurs, francophones y compris. Et même si la prosodie de Poulenc est impeccable, elle reste une gageure et un grand défi pour les musiciens.

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J’avais donc pris l’initiative de lire les poèmes avant chaque morceau afin de montrer aussi, sans musique et en toute modestie, je suis très loin d’être un bon déclamateur, toute la beauté des textes célèbres, Pantomime et Clair de Lune de Paul Verlaine mis en musique par Claude Debussy ainsi que le superbe cycle des Fiançailles pour rire de Louise de Vilmorin, six sublimes mélodies de Francis Poulenc.

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S’ajoutaient encore Bleuet de Guillaume Apollinaire par le même et toujours génial Poulenc. Beaucoup moins connue, la belle Fleur jetée de Frédéric Meinders, un pianiste, compositeur et arrangeur hollandais de grand talent qui fut longtemps partenaire du sublime violoniste russe et regretté Philippe Hirshhorn, premier lauréat, à 20 ans, du Concours Musical International Reine Élisabeth de Belgique en 1967.

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Guillaume Apollinaire, Bleuet.

Fuyu Saito, comme sur un nuage, nous offre une exceptionnelle musicalité encore renforcée par le subtil accompagnement de son complice pianiste. Elle voit littéralement cette musique qui l’habite et nous plonge hors du temps, trop vite passé d’un moment musical exceptionnel.

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Autre grand temps fort de la soirée, les Réminiscences de la Vocalise de Serge Rachmaninov, une pièce vraiment exceptionnelle de Alistair Hinton, un compositeur britannique né en 1950. La pièce, qui date de 1994 ne laisse d’abord passer que de vagues bribes de la célèbre Vocalise du maître russe, puis, progressivement, en reconstitue la mélodie complète. Naît, au fur et à mesure de la réminiscence, une forte émotion. La voici, jouée par notre pianiste du jour dans un enregistrement réalisé en public à Tokyo. Il s’en dégage une superbe poésie. Une pièce trop rarement jouée.

Vous l’aurez compris, l’heure de musique fut très riche en découvertes et inoubliable. Nos deux musiciens, acclamés par nos fidèles mélomanes, entonnent alors un chant traditionnel japonais… peut-être pour nous inviter à prêter aussi attention à la richesse fabuleuse de leur culture… Ils y sont bien… nous aussi !

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Comment enfin remercier nos deux jeunes musiciens pour qui s’ouvre une carrière musicale de haut niveau et qui nous ont fait l’honneur de présenter leur art sur notre modeste scène avec un talent inouï ? Tout modestement, en leur offrant ces quelques souvenirs photographiques et en espérant que, lors d’un prochain passage à Liège, ils viennent à nouveau nous offrir un peu de leur musique. Bravo et… bonne route !