La Malibran

 

Avant ces vacances, je ne m’étais jamais penché sur l’une des personnalités les plus marquantes du début du romantisme musical, Maria-Felicia Garcia, plus connue sous le nom de Maria Malibran. J’en avais bien sur beaucoup entendu parler et avais lu de brèves notices biographiques. L’album de Cecilia Bartoli qui lui a été consacré (Maria, DECCA, 2008), ainsi que l’exposition itinérante qui accompagnait les commémorations du bicentenaire de sa naissance en 2008 ne m’avaient effleuré (sans doute par manque de temps !) que de manière superficielle. Il était temps de combler cette lacune.


 

Malibran Bartoli


Je me suis donc mis à la recherche d’une biographie qui m’expliquerait le parcours fulgurant et tragique de la virtuose et j’ai acheté un ouvrage récent, romancé, mais bien documenté de l’écrivain à succès Gonzague Saint Bris. Je pensais y trouver l’essentiel et un style littéraire qui pourrait agrémenter les séances de lectures estivales. Je n’avais jamais rien lu de cet auteur de best sellers à la réputation sulfureuse. Je crois que je n’en lirai pas d’autre ! Non pas que le livre soit mal documenté, mais le style… à l’eau de rose. J’aurais du être alerté par le sous-titre : « La Malibran, la voix qui dit je t’aime ». Bref, je l’ai lu jusqu’au bout en pestant régulièrement sur la naïveté de l’écriture digne d’un roman de gare, mais j’y ai tout de même  découvert les éléments essentiels de sa biographie.


 

Gonzague Saint Bris, Malibran


Fille de Manuel Garcia, célèbre ténor de l’époque, Maria (1808-1836) était la sœur de Pauline Viardot. Son père lui imposa un enseignement terrifiant, tant par son rythme que par son exigence. Il la poussa sur la scène dès l’âge de six ans. C’est dire comme le milieu du théâtre lui était familier. 

En 1825, il l’entraîne dans une tournée en Amérique pendant laquelle elle parvient à échapper au joug paternel grâce au mariage que lui propose un français du nom d’Eugène Malibran. Ce mariage, artificiel (elle n’a que 17 ans) ne lui procure aucune harmonie et très vite, l’appel des planches sera plus fort que la vie de couple. Elle décide donc de revenir seule en Europe pour faire carrière. Ce mariage sera d’ailleurs annulé (après de nombreuses péripéties) au moment où elle décidera d’épouser son amant, le violoniste et compositeur belge Charles-Auguste de Bériot. De ce mariage d’amour, naîtra en 1833 un fils, Charles Wilfrid de Bériot, qui deviendra un pianiste remarquable, entre autres, professeur de Maurice Ravel. 

Mais pour la scène, elle conservera le nom de son premier époux et reste connue aujourd’hui sous le nom de La Malibran. La famille s’installe à Bruxelles dans un hôtel particulier qui sert aujourd’hui de maison communale à Ixelles.


 

LaMalibran


La voix exceptionnelle de Maria, mezzo-soprano avec des basses qui n’ont rien à envier à la contralto et des aigus proches des sopranos dramatiques (certains disent même colorature !), douée semble t-il d’une expression musicale parfaite et profondément émouvante la propulse rapidement au sommet de la célébrité. Si elle se prêtait à une virtuosité très en vogue au début du XIXème siècle, c’est surtout par sa sensibilité qu’elle incarne parfaitement la jeune école romantique. Son vaste répertoire s’étendait de Mozart à Donizetti en passant par Rossini, son préféré, Bellini, Beethoven et Mendelssohn. Elle interprétait aussi en concert des mélodies composées par son père et par elle-même.



 

Si la presse et le public étaient unanimes sur la qualité exceptionnelle de son art, elle avait également une rivale de choix en la personne de la cantatrice allemande Henriette Sontag. 

Sa destinée unique semblait inébranlable jusqu’au jour de l’été 1836 où, enceinte de quelques mois, elle fit une chute de cheval (son sport favori depuis sa plus tendre enfance). Elle continua à se produire en public, mais meurt, épuisée, à Manchester des suites de cet accident. Bériot fera rapatrier son corps à Bruxelles et lui fera construire un imposant tombeau au cimetière de Laeken*.


 

Malibran, Mausolée à LaekenLa Malibran était radieusement belle et géniale musicalement. Sa générosité ne visait pas que son public. Elle consacra beaucoup d’énergie et de fonds à améliorer le sort des pauvres et des démunis. Elle laissa donc un souvenir ébloui à tous ses admirateurs et fait désormais partie des grands virtuoses au même titre que Paganini, Chopin, Liszt, … 


 

Sur sa tombe, on peut lire ce quatrain de Lamartine : 

Beauté, génie, amour furent son nom de femme,

Ecrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voix.

Sous trois formes au ciel appartenait cette âme.

Pleurez, terre ! Et vous, cieux, accueillez-la trois fois !

 

 

* Résumé biographique adapté de Wikipedia