Anniversaires 2011

Comme chaque année, 2011 sera l’occasion de commémorer ou de fêter quelques uns des grands compositeurs de notre musique occidentale. Bien que, comme vous le savez, nous n’attendons pas une année anniversaire pour écouter la musique que nous aimons, c’est parfois l’occasion d’approfondir certains sujets et de les envisager avec de nouvelles oreilles. J’aurai donc l’occasion et le grand plaisir, au gré des concerts, des conférences et des manifestations musicales, de vous parler régulièrement de certains de ces grands noms qui contribuent, par leur œuvre, à nous enrichir des émotions variées dont ils sont le vecteur. Les fêtés de cette année sont nombreux et se répartissent dans le temps. Ils sont très populaires et souvent joués ou restent encore dans l’ombre de l’histoire derrière leurs contemporains plus prestigieux. Ils méritent tous qu’on s’y arrête un peu. Panorama… !

Tomas Luis de Victoria (1548-1611), dont nous commémorons cette année le 400ème anniversaire de la mort, compositeur de musique chorale, est considéré comme l’un des plus grands artistes espagnols. Il se joint au combat contre la Réforme protestante et devient prêtre en 1575. Pendant son voyage en Italie, il découvre la musique de Palestrina qui représente l’essence de la Contre-réforme (Réforme catholique). Par ses pleines et larges harmonies, par un contrepoint dense et complexe, la musique du Vatican entend mettre un frein aux abus constatés depuis des décennies (intégration de chansons populaires, grivoises parfois, dans la musique religieuse) et rendre à l’art des sons la fonction d’honorer la gloire et la puissance de Dieu. L’art de Victoria est unique, comme celui du peintre Zurbaran. Il allie la grande musique palestrinienne et l’émotion passionnée espagnole. En recherchant dans la dissonance la profondeur de l’âme et la contemplation, il se différencie d’une musique italienne qui, avant les madrigalistes, répugne à l’utilisation d’une rhétorique douloureuse.

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Tomas Luis de Victoria

Sous plusieurs aspects, la musique de Victoria est mystique et expérimentale. La mélodie y joue un rôle important et le mystère qui s’en dégage n’est pas loin des extases contemplatives. Ses audacieux motets et son requiem composé sous le choc de la mort de la reine en 1603 figurent parmi les plus belles œuvres de son temps.

Dirigeons-nous vers la France avec l’étonnant et trop peu connu Louis Couperin (1626-1661), dont nous commémorons le 350ème anniversaire de la disparition. Il est, avec son neveu François, le plus illustre membre de la famille Couperin. Avec ses deux jeunes frères, François et Charles, il offre une aubade à Jacques Champion de Chambonnières, musicien du roi, le jour de la Saint-Jacques. Celui-ci, agréablement surpris, s’enquiert de l’identité de ces jeunes gens et les invite à sa table. Impressionné par le talent de l’aîné, il le fait venir à Paris vers 1650 : Louis Couperin y devient rapidement organiste titulaire de l’église Saint-Gervais, et se fait remarquer comme gambiste et claveciniste. Les influences réciproques avec Johann Jakob Froberger de passage à Paris à la même époque sont manifestes, leur rencontre étant probable mais non prouvée par des écrits (ils composent tous deux un tombeau de Mr Blancrocher, célèbre luthiste décédé lors d’une chute dans un escalier, ce qui établit à tout le moins leur appartenance au même cercle d’amis du défunt). 


Mais c’est son œuvre pour le clavecin qui le fait passer à la postérité. Ces pièces (environ 130) ne furent pas éditées de son vivant, mais rassemblées dans plusieurs recueils manuscrits, sans être groupées sous la forme de suite de danses dont elles relèvent pour la plupart. Ses préludes non mesurés à la manière des luthistes et ses chaconnes sont les pièces les plus personnelles et les plus remarquables. Seules quelques pièces d’orgue isolées nous étaient parvenues jusqu’au milieu du XXe siècle. Depuis lors, un manuscrit complet a été découvert en Angleterre, par Guy Oldham, qui a permis de lui reconnaître une place éminente parmi les maîtres de l’orgue en France au XVIIe siècle.

Restons en France ! Peut-être encore moins connu que Louis Couperin, Henry Desmarest (1661-1741), né il y a 350 ans, fut page de la Musique du roi, il reçut son éducation musicale auprès de Robert et de notre liégeois Henry Du Mont. Ayant été écarté d’un des postes de la chapelle royale, il se tourna vers l’art lyrique. En 1686, il donna deux opéras à la cour, puis devint, à partir de 1693, l’un des principaux compositeurs de l’Académie royale de musique. Jusqu’en 1698, il fournit en moyenne un ouvrage par an au théâtre parisien. Sa carrière dans l’opéra fut interrompue par une aventure galante : en raison de l’enlèvement d’une de ses élèves, dont il s’était épris, il dut quitter la France. En 1699, il entra à Bruxelles au service de Maximilien Emmanuel de Bavière, puis en 1701, à Madrid, à celui du roi d’Espagne, Philippe V. Enfin, en 1707, il fut surintendant à la cour de Lorraine. Entre-temps, en 1704, sa tragédie lyrique, Iphigénie, laissée inachevée lors de son départ de Paris, fut représentée dans cette ville, grâce à Campra qui termina l’œuvre. Pardonné par le régent en 1720, Desmarest allait avoir l’occasion de retourner en France et d’assister, en 1722, à la création de son dernier opéra, Renaud ou la Suite d’Armide. N’étant pas parvenu, en 1726, à succéder à Delalande à la chapelle royale, il termina sa carrière en Lorraine. En dépit de ses échecs pour entrer à la chapelle du roi, il laissa une messe à deux chœurs, deux Te Deum et plusieurs psaumes et motets. Son œuvre lyrique fut critiquée de son vivant: on lui reprochait de plagier Lully, ce qui est en effet sensible dans un opéra comme Circé (1694). Certains de ses ouvrages furent toutefois appréciés et ne manquent pas d’originalité : Didon (1693), Iphigénie (1704).


Encore plus discret sans doute, Ferdinand Tobias Richter (1651-1711), mort il y a tout juste trois siècles, était autrichien, compositeur et organiste. Entre 1675 à 1679 Richter a servi en tant qu’organiste à l’Abbaye de Heiligenkreuz en Autriche méridionale. En 1683 il s’est déplacé à Vienne pour devenir organiste de cour et de chambre à la cour impériale. En 1690 il fut nommé premier organiste de la chapelle de cour. Il y restera jusqu’à sa mort.

Les compositions de Richter comprennent plusieurs toccatas, cinq suites et d’autres morceaux pour le clavier. On compte également dans sa production un nombre important d’ouvrages dramatiques, opéras et oratorios dans lesquels son talent de compositeur peut s’exprimer avec efficacité.

En 1699 Johann Pachelbel lui dédie, ainsi qu’à Dietrich Buxtehude, son Hexachordum Apollinis, une collection importante de pièces pour clavier comprenant de nombreux thèmes originaux variés. Cette œuvre est généralement considérée comme la plus importante de Pachelbel (dont le grand public ne connaît bien souvent que le fameux Canon).

Son fils Anton Karl Richter (1690-1763) était également organiste de cour, servant de 1718 à 1751.

Du baroque, nous voilà chez les romantiques avec l’un des grands compositeurs que l’on peut, en partie du moins, associer à la génération « 1810 », Franz Liszt (1811-1886), dont nous fêtons le bicentenaire de la naissance.

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Franz Liszt en 1858

En effet, Franz Liszt était né le 22 octobre 1811 à Doborján en Hongrie, aujourd’hui Raiding en Autriche. Son père Adam Liszt était régisseur du Prince Esterhazy, où Haydn avait passé trente ans de sa vie. Adam Liszt est musicien et offre un piano à son fils dès son plus jeune âge. Très précoce, il étudie le piano et à l’âge de neuf ans il donne sa première représentation publique. Quelques mécènes hongrois, enthousiasmés, lui offrent une bourse pour lui permettre d’approfondir ses études musicales. Il s’établit avec sa famille à Vienne. Il a pour professeur Salieri et Czerny l’élève de Beethoven qui est tellement enthousiasmé qu’il ne demande aucune rétribution pour ses cours. Liszt peut tout jouer à la première lecture. Czerny lui donne maitrise et discipline. A l’âge de douze ans, Czerny n’a plus rien à lui apprendre. Salieri donne également quelques leçons au jeune prodige. Par l’intermédiaire de Czerny, Liszt aura l’occasion de se produire devant Beethoven qui lui fera jouer plusieurs morceaux dont le clavecin bien tempéré de Bach. A la fin d’un concert donné le lendemain, Beethoven embrasse le garçon sur le front. Ce moment marquera Liszt pour la vie. Il part pour une tournée triomphale en Allemagne puis s’installe à Paris en 1823. Il y donne des récitals, Erard lui offre un superbe piano et il provoque l’enthousiasme. Certains n’hésitent pas à le comparer à Mozart. En 1824 il fait une tournée en Angleterre. L’un des plus grands pianistes Moscheles convient que : »Par sa puissance et sa faculté à vaincre les difficultés, il surpasse tout ce que l’on n’a jamais entendu ». Son père, affaibli par les voyages contracte la typhoïde et meurt.

Après le décès de son père, Liszt abandonne les récitals et se replie sur lui-même. Après la révolution de juillet en 1830, il se met à fréquenter le milieu romantique et se lie avec trois personnalités de la musique : Chopin, Berlioz, Paganini. Ce dernier le fascine et lui révèle sa voie. Il sera virtuose. Grâce à Chopin, il rencontre son grand amour : Marie d’Agout. Elle devient son égérie. Femme de grande culture elle contribue à sa formation intellectuelle. Il aura trois enfants d’elle dont Cosima qui épousera plus tard Richard Wagner. La liaison de Marie d’Agout avec Liszt durera dix ans. En 1835 le couple s’établit en Suisse. Liszt compose maintenant. C’est l’époque des Années de pèlerinage. Après la naissance du troisième enfant, Liszt entame une tournée européenne.

Le triomphe l’attend partout. Il amasse une certaine fortune personnelle et il multiplie les conquêtes féminines. En 1847, Marie d’Agout estime en avoir assez supporté et met fin à leur relation. La même année, Liszt rencontre en Russie la princesse de Sayn-Wittgenstein, très cultivée aussi. Elle se fixe à Weimar auprès de lui. Elle oriente sa carrière vers la composition. Liszt fonde alors, avec Wagner, l’école de Weimar. Cette école est opposée au classicisme de l’école de Dresde de Schumann et de Brahms. Cosima Liszt, mariée à l’élève de Liszt – Hans von Bülow – le quitte pour Wagner, ce qui fera scandale. Liszt par respect pour son gendre rompra ses relations avec Wagner et Cosima mais il se réconciliera cinq plus tard.

En 1865, il décide d’entrer dans les ordres. L’abbé Liszt se partage sa vie entre Rome, Weimar et Budapest. La mort de Wagner en 1883 l’affectera profondément. Il s’éteint paisiblement en 1886 à la suite d’une pneumonie et sur sa demande est enterré à Bayreuth, près de son ami Wagner.

Parmi ses nombreuses compositions pour piano : les Années de pèlerinage (1834), la grande Sonate en si mineur(1853), les dix-neuf Rhapsodies hongroises (1860), les Caprices-valses et les Rêves d’amour. Il n’a pas composé que pour le piano car pour l’orchestre, il a écrit treize poèmes symphoniques, la Faust Symphonie (1854), la Dante Symphonie (1856). Pour la voix, il compose la Missa solemnis (1855) et la Missa choralis (1865), Christus (1866), et de nombreux lieder. Il faut citer également de nombreuses transcriptions sur des œuvres de Bach, de Beethoven, de Berlioz…


Franz Liszt était un pianiste prodigieux. Czerny dira de lui « la nature a créé un pianiste ». Profondément marquée par le romantisme, l’œuvre de Liszt privilégie la virtuosité et une grande richesse d’invention. Il a radicalement transformé l’art de jouer du piano, donnant à cet instrument la puissance d’un orchestre. Il a marqué de son empreinte toute une génération de musiciens à la fois comme pianiste et comme compositeur. Il aidera de son influence de nombreux musiciens car l’homme est très généreux. Il apportera un soutien moral et matériel à Berlioz, Brahms, Franck, Moussorgski, Smetana, Saint-Saëns, Schubert, Wagner et bien d’autres…

Mais l’année 2011 serait déjà bien chargée en commémorations musicales si elle n’avait pas, à son actif, l’un des plus grands compositeurs du XIXème siècle, Gustav Mahler (1860-1911), mort il y a un siècle. Deux années Mahler de suite, puisqu’en 2010, on fêtait les 150 ans de sa naissance,… de quoi faire la joie des maisons de disques, des orchestres et des chefs. Je l’ai déjà abordé bien souvent et j’y reviendrai encore, c’est sûr. Mais, dès à présent, quelques mots sur ce parcours extraordinairement tourmenté.

Gustav Mahler est né le 7 juillet 1860 à Kaliste (Bohême) non loin de la Moravie. Il était le deuxième des quatorze enfants de Bernhard et Marie Mahler dont huit mourront en bas âge. D’origine juive, leur situation n’a rien d’enviable dans l’empire austro-hongrois. Leur liberté de mouvement est limitée et seul le premier né avait le droit de se marier. Néanmoins, Bernhard avait réussi à assurer la situation de sa famille en ouvrant un commerce (distillerie). Le jeune Gustav montre des dons pour la musique et fait ses premières études musicales à Iglau, petite ville de garnison de Moravie, là où son père tenait commerce. Sa première œuvre est une polka avec introduction de marche funèbre qu’il compose à l’âge de six ans. En 1871, il va poursuivre ses études secondaires à Prague puis, à partir de 1875, sur les conseils d’un administrateur local, Mahler est envoyé à Vienne pour y suivre des études au Conservatoire (piano, harmonie, composition). La représentation de Tannhaüser de Richard Wagner en 1875 le bouleverse et l’encourage à la composition. Pendant les trois années qui suivent il écrit quelques pièces très remarquées et qui lui valent des prix de composition. La vie musicale viennoise le bouleverse, lui qui vient d’une petite ville. Il devient l’ami intime d’Hugo Wolf. En 1878, Mahler est diplômé du Conservatoire et il se consacre à la composition. Das Klagende lied sera composé en 1880. Il est à cette époque un des disciples de Bruckner qu’il encourage et pour qui il a le plus grand respect bien que n’ayant jamais été son élève contrairement à la légende établie. Il aura l’occasion de le fréquenter lors de la création de la troisième symphonie du maitre de St Florian.

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Gustav Mahler

 Le manque de revenus l’oblige après deux ans de privations à se consacrer à des études de chef d’orchestre. Il obtient un engagement pour la saison 1881-1882 au théâtre de Laibach. Début 1883, en raison de ses succès, il est appelé au théâtre de la ville d’Olmütz. Son zèle, ses qualités de chef lui offrent une autre promotion pour l’Opéra de Kassel cette fois (en Prusse). Confronté à la bureaucratie prussienne, il quitte cet opéra deux ans après. Les Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants du compagnon errant, 1885) datent de cette période. En 1885, il obtient un véritable triomphe de chef d’orchestre avec la représentation des Saisons de J. Haydn. Il est nommé à Prague en 1885 puis à Leipzig en 1886 où il devint l’assistant d’Arthur Nikish. Mahler est obligé de donner sa démission en 1888 à la suite d’un scandale. Il avait séduit la femme de von Weber, petit fils du compositeur, commanditaire d’un opéra. Malgré le succès de l’opéra cette affaire causera beaucoup de tort à sa carrière. A vingt huit ans il est nommé Chef d’orchestre à l’Opéra de Budapest en 1888. Il choque les musiciens, les critiques et le public par ses innovations. L’année 1890 est éclairée par la rencontre avec Natalie Bauer-Lechner. Jeune violoniste, elle se dévoue entièrement au compositeur. Il est nommé à Hambourg en 1891 où il restera six ans. Cette période lui est bénéfique et malgré les démélés avec les autorités administratives et les critiques défavorables. Il aura l’occasion de travailler avec Hans von Bülow, Mengelberg, Tchaikowski (pour l’opéra Eugène Onéguine) et Richard Strauss. Mahler devient un des grands chefs d’orchestre de son temps. A cette époque, il termine se Deuxième symphonie « Résurrection ». Bruno Walter, célèbre chef d’orchestre du début du 20ème siècle travaillera avec le compositeur et deviendra un grand interprète de ses oeuvres. Mahler, à peine âgé de 35 ans jouit en cette fin de siècle d’une spectaculaire renommée internationale.

Mahler a des visées sur l’opéra de Vienne mais il devait auparavant devenir catholique. Il le fit relativement facilement car il était juif de naissance mais non de conviction. Il devient Kapellmeister de l’Opéra de Vienne en 1897 et investi de pouvoirs considérables. Mahler atteint le sommet de sa carrière de Chef d’orchestre en devenant le patron de la première scène lyrique au monde. Sa première saison est triomphale et il devient directeur de l’Orchestre Philharmonique de Vienne après la démission de Richter. Les critiques de la presse se font, malgré le succès populaire, de plus en plus vives. En 1901, au bord de la déprime, Mahler fait connaissance de Alma Maria Schindler âgée de vingt trois ans, fille du peintre Emil Schindler, cultivée et ravissante. Considérée comme la femme la plus belle de Vienne, c’est le coup de foudre et ils se marient quelques mois plus tard. Deux filles, Maria en 1902 qui décède d’une scarlatine à quatre ans et demi et Anna en 1904, naitront de cette union.

 

Pendant l’été 1905, Mahler termine sa Symphonie n° 6 et ses Kindertotenlieder (chants pour les enfants morts). Il réalise un triomphe avec la représentation des opéras de Mozart pour la commémoration du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance. Il est à noter qu’il est le premier à avoir fait jouer entièrement les opéras de Mozart et Wagner, ceux-ci étant l’objet jusqu’alors de fréquentes coupures. En 1907, ses talents de compositeur commencent à être reconnus mais il donne sa démission de l’opéra de Vienne usé par le travail, les cabales antisémites montées contre lui et l’inconstance du public viennois. Profondément affecté par la perte de sa fille Maria, il apprend qu’il est lui-même atteint d’une maladie cardiaque. Mahler signe alors un contrat avec le Metropolitan Opera de New-York et il quitte l’Europe en 1907.

Retenu à New York trois mois par an, aux côtés de Toscanini, il a la chance de travailler avec des chanteurs prestigieux tels que Caruso. Le public new-yorkais lui fait un accueil chaleureux. Il ne revient en Autriche qu’en été pour la composition de ses dernières œuvres : Das Lied von der Erde (le Chant de la terre, 1909) – en six parties pour mezzo-soprano, ténor et orchestre, la Neuvième Symphonie, 1910). Il ne pourra terminer la Dixième symphonie à l’instar de Beethoven, Schubert, Bruckner. A la suite d’une crise conjugale, il dédie sa Huitième symphonie à sa femme. Sa création sera l’un des rares triomphes de sa carrière de compositeur. Il regagne péniblement Vienne et décède, exténué, le 18 mai 1911. Comme prise de remords, Vienne lui fait des funérailles impressionnantes. Sur sa tombe juste son nom : « ceux qui viendront me voir sauront qui je suis, les autres n’ont pas besoin de le savoir ».

Si Mahler fut un des plus grands chefs d’orchestre de son époque, il aura beaucoup de mal à s’imposer, de son vivant, en tant que compositeur. Il est considéré, avec Richard Strauss,  comme le dernier compositeur romantique (même si le terme « romantique » peut être discuté abondamment).

Reste alors le plus jeune de nos fêtés de l’année, l’italien Gian Carlo Menotti (1911-2007), qui aurait eu 100 ans cette année s’il avait vécu quelques années de plus. Je connais mal ce compositeur souvent décrié et je n’ai encore jamais rien étudié de lui, mais voilà peut-être l’occasion de combler une lacune. Je resterai donc très objectif pour son esquisse biographique reprise de wikipedia.

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Gian Carlo Menotti

Menotti est né le 7 juillet 1911 à Cadegliano en Italie. A sept ans, il compose des mélodies, et un opéra quatre ans plus tard. En 1923, il entame une formation musicale conventionnelle au Conservatoire Verdi de Milan et termine ses études au Curtis Institute of Music de Philadelphie, travaillant la composition sous la direction de Rosario Scalero. Menotti compose selon un style conservateur, produisant une multitude d’effets grâce à des moyens très simples. En outre, il est passé maître de l’équilibre et de la couleur.

Sa première création de maturité, l’opéra bouffe en un acte Amelia Goes to the Ball, fut joué pour la première fois en 1937 et eut un tel succès qu’elle lui valut une commande du National Broadcasting Company pour un opéra écrit spécialement pour la radio, The Old Maid and the Thief. Après la création de son Concerto pour piano en 1945, Menotti revient à l’opéra avec The Medium et The Telephone, tous deux obtenant un succès international. The Consul, sa première oeuvre complète, obtient le Prix Pulitzer et le New York Drama Critics’ Circle Award comme meilleure comédie musicale de l’année 1950. Il obtient un second Prix Pulitzer pour The Saint of Bleecker Street en 1954. Amahl and the Night Visitors (1951), le premier opéra écrit pour la télévision, est l’opéra le plus joué aux Etats-Unis et est devenu un classique des fêtes de Noël dans le monde entier.

En 1958, Menotti crée son propre festival, le Festival des deux mondes à Spoleto en Italie. Il fonde Spoleto USA à Charleston en Caroline du Sud en 1977. Ses créations les plus récentes comprennent For the Death of Orpheus, dont la création fut interprétée par l’Atlanta Symphony Orchestra dirigé par Robert Shaw en 1990, et The Singing Child, opéra créé au Spoleto Festival de Charleston en 1993. En 1984, Menotti reçoit le Kennedy Center Honor pour son œuvre. Il est élu «musicien de l’année» par Musical America en 1991.

 

Dans la première version de ce billet, j’avais oublié un compositeur pourtant essentiel du XXème siècle, Allan Pettersson (1911-1980) qu’un lecteur attentif a rappelé à ma mémoire. Très étrange oubli, puisque, en prévision de cette année anniversaire du centenaire de sa naissance, j’avais, il y a quelques mois acheté un ouvrage biographique sur ce compositeur ainsi que quelques cd’s de ses symphonies… C’est vrai, par contre que je n’ai encore ni lu, ni écouté cette documentation. Le résumé biographique ci-dessous est repris d’une notice internet sur Musicinwords.free.fr.

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Allan Pettersson est considéré dans les pays anglo-saxons comme le plus grand compositeur suédois et fait partie du club restreint des grands symphonistes du 20ème siècle à l’instar de Gustav Mahler ou Dimitri Chostakovitch. Pour autant, 20 ans après sa mort son œuvre est très peu jouée voire reste complètement ignorée au-delà de l’Europe du Nord et des Etats-Unis.

Révélé au grand public par le chef d’orchestre de réputation internationale Antal Dorati, Allan Pettersson a, il faut le reconnaître, accumulé les motifs d’isolement. A une enfance misérable, à son caractère ombrageux, s’est ajouté à partir des années 50 et de manière très douloureuse et handicapante à partir des années 60, une polyarthrite rhumatoïde qui eut pour effet de raidir, déformer et détruire progressivement ses articulations, jusqu’à le laisser infirme.

Tempérament combatif profondément marqué par son enfance dans les quartiers sordides de Stockholm, « élevé » par un père alcoolique et une mère bigote, il a réussi à force de volonté à vaincre la fatalité de son destin et à devenir ce qu’il souhaitait être, un compositeur dont l’œuvre a une portée universelle. Il a traduit dans sa musique, soit 17 symphonies, 3 concertos pour orchestre et soliste, 3 concertos pour orchestre, 2 cycles de mélodies et de la musique de chambre, la rage de vivre des faibles et des opprimés, et sa compassion pour leur destin.

Vous le voyez, en 2011, comme chaque année, il y en aura pour tous les goûts, qu’on aime la musique ancienne, l’opéra, la musique s&crée, le piano ou la grande symphonie, chacun y trouvera son compte. Dans ces conditions, difficile d’imaginer une mauvaise année musicale, non ?

6 commentaires sur “Anniversaires 2011

  1. Monsieur Onkelinx,
    Pourriez-vous informer vos élèves et vos auditeurs de l’existence du « projet Allan Pettersson « The Allan Pettersson Project – 2013-2018 » lancé par le chef d’orchestre Christian Lindberg ? On en trouve les détails sur facebook … Il s’étend à l’échelle mondiale !
    Viens de paraître chez BIS l’enregistrement par Christian Lindberg et le Norrköpïng Symphony Orchestra de la 9ème Symphonie. En janvier prochain, dans le cadre de ce « Projet », ils enregistreront les 4ème et 16ème Symphonies qui ont connu un grand succès au concert du 31 octobre 2013. Puis il s’attaqueront – c’est le cas de le dire – à la 13ème Symphonie (concert prévu en octobre 2014) …
    Bien à vous.

  2. Monsieur Onkelinx,
    Je prends connaissance seulement ce jourd’hui de votre réponse à mon premier message. Je vous remercie bien sincèrement de votre très large ouverture d’esprit en faveur d’un des plus grands compositeurs du XXème siècle !
    De fait, la musique de Pettersson est plus qu’intimidante … Je comprends très bien qu’elle puisse se heurter au refus, au rejet d’une grande part du public … Mettons-nous cependant à la place de ceux qui, au début du XXème siècle, recevaient le choc du « pendant » de la 13ème de Pettersson : je veux parler de l’extraordianire 6ème Symphonie de Mahler (qu’il semble bien que son disciple préféré, Bruno Walter, n’a JAMAIS dirigé) et qu’aujourd’hui, un siècle plus tard, chacun, bouleversé d’un tel génie, applaudit à s’en écorcher les mains !!! Pour Pettersson, le même effort d’écoute (supérieur, même) est nécessaire .. de même qu’une formation de l’oreille …
    Quand donc viendra le jour où l’OPL « osera » afficher (au moins en concert de l’après-midi … histoire de ne pas « compromettre » les « amateurs » et les rentrées du soir) les symphonies presque directement « abordables » (ce qui n’enlève RIEN à leur bouleversante inspiration) : les 6ème, 7ème et 8ème Symphonies … Il est vrai qu’on a mis du temps pour « accepter la musique de Bruckner et de Mahler … et que l’acclimatation à celle de Chostkovitch est récente (étudiant au Conservatoire, « ON » s’était gaussé de mon intention de faire une étude de classe sur son oeuvre …).
    Pour l’heure, il semble bien qu’après la reconstitution de la 1ère Symphonie, enregistrée avec la 2ème, puis une 6ème qui semble être un événement discographique, le chef d’orchestre et grand tromboniste Christian Lindberg se prépare à graver (à la suite d’un concert à la fin novembre à Norrköping) la 9ème Symphonie (chez Bis) … Donc, peut-être une intégrale en cours après les deux tiers par Alun Francis chez CPO …

  3. Je ne peux que confirmer ce que je disais déjà de Pettersson dans une chronique accessible à (http://www.physinfo.org/chroniques/suede.html) : c’est un géant qui a écrit une musique absolument sincère d’où son pouvoir d’impact. On peut espérer entendre un jour à l’OPL une des symphonies 6 à 8, les plus accessibles. La 9 est tellement complexe (mais si fascinante !) que je suis obligé de l’écouter au casque tant elle véhicule d’information à la seconde : c’est dire si une explication de notre ami Jean-Marc serait bienvenue (mais quel boulot !). La proposer au concert ferait, je le crains, fuir les abonnés … dommage vraiment. Au fait quelqu’un peut-il me rappeler qui a dit, au début du 20ème siècle, que la symphonie était morte ?

  4. Comme expliqué dans le billet ci-dessus, je travaille à la découverte de Pettersson. Cette géniale musique ne s’assimile pas rapidement et, pour parler d’une œuvre ou d’un compositeur, j’ai besoin d’avoir bien assimilé son langage… donc de pas mal de temps!
    Par contre je rejoins votre avis sur l’inexistante couverture médiatique de l’anniversaire qui aurait pu être pour beaucoup une occasion de découverte, d’un véritable choc même. Je ne suis pas sûr qu’il faille en déduire que Pettersson est pour autant méprisé… Il est par contre vraiment intimidant! C’est justement ce qui en fait un grand artiste.
    Je ne crois cependant pas que la Belgique soit un désert culturel et surtout pas Liège qui comporte tout de même une multitude d’activités musicales d’un très bon niveau et qui tentent à la fois d’ouvrir de nouveaux horizons tout en cultivant l’art du passé dont nous ne pouvons pas nous passer non plus.
    … Alors, il me reste encore quelques mois pour pouvoir présenter un premier exposé sur Pettersson et, dans la foulée, au moins un billet sur ce blog… À suivre donc!

  5. Il est scandaleux qu’un génie de la dimension de Pettersson demeure encore et toujours méconnu des autorités musicales, méprisés des compositeurs (ou supposés tels) et spécialistes et ignorés de l’immense majorité du public ! L’année dernière, pour le rentième anniversaire de sa mort, j’ai essayé d’attirer l’attention de la RTBF sur le site de Musique 3 … Peine perdue !!! Entre des émulations « baroqueuses », on en était à « l’année Chopin » et (très petitement), l’année Schumann. Sans doute n’y a-t-il, parmi les « spécialistes ertébénes aucun qui oserait se frotter à une oeuvre aussi colossale, aussi intimidante. Le 19 septembre de cette année, on célébrera en Suède, en Allemagne, en Angleterre, ou aux Etats-Unis, le centième anniversaire de sa naissance. Sûrement pas dans ce désert musical qu’est la Belgique … Et pourtant, quelle richesse y aurait-il à dévoiler s’il y avait, à Liège par exemple, jadis à la pointe du progrès musical, une volonté suffisamment courageuse pour oser sortir de la « routine » des concerts en faisant entendre des oeuvres aussi boulevrsantes que les 7ème et 8ème Symphonie ou aussi violente que les 10ème et 13ème !!! Mais, comme on préfère rester entre soi, entre nos petits, tout petits pseudo-maîtres …

  6. Allan Pettersson est incontestablement un immense compositeur. Sa vie déjà est hors-norme, il me fait un peu penser à Schnittke…Sa musique possède une force dramatique peu commune. Je suis persuadé que dans 20, 30 ou 40 ans, il sera redécouvert et s’imposera au répertoire des concerts….Cette musique (comme celle de Schnittke) a quelque chose à dire !!!

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