Vendre la musique?

« On ne vend pas la musique, on la partage ».

(Leonard Bernstein)


 

Leonard Bernstein


 

Voilà une citation qui peut vous sembler étrange en plein coeur des fêtes de fin d’année quand vous savez que l’auteur de ce blog travaille à la Fnac… Se pourrait-il même que ce soit profondément hypocrite? Pas du tout et la contradiction avec une partie de mes occupations n’est qu’apparente.


D’abord, personne n’oblige un individu à acheter un cd ou à acheter des places de concert. Ensuite, si la démarche d’acquérir un support sur lequel est enregistré une oeuvre musicale se présente tout de même chez un mélomane (et cela se produit encore souvent!) et que, de surcroit, il se fait qu’il me demande conseil, il est de mon devoir de lui faire partager ma passion pour le compositeur ou l’oeuvre qu’il désire écouter.


Ce faisant, je n’ai pas le sentiment de vendre de la musique, même si mon patron nous nomme les « vendeurs » et même si, en bout de course, le client mélomane ouvre bien son portefeuille. Je cherche à communiquer mon entousiasme ou mes réticences vis à vis de cette demande. Ce rapport humain direct et pédagogique disparaîtra lorsque les jeunes générations, celles qui ont adopté la culture du téléchargement et de la dématérialisation de l’objet, arriveront à la maturité et ques les « dinosaures » que nous sommes, auront disparu. Car même si les sites internet cherchent à donner des évaluations et des commentaires sur leurs produits, il faut bien avouer que le système reste froid et profondément anonyme.


Il est donc plus important que jamais, je crois, de personnaliser ce rapport avec la même pédagogie, adaptée au vécu musical et humain de mon interlocuteur. Il est crucial aussi de bien cerner ses envies et de ne pas se laisser transporter par un « lyrisme » tout personnel non adapté à la situation. C’est toute la difficulté de ce métier qui, je le crois profondément, n’est pas uniquement fait d’objectifs financiers… et qui peut encore avoir de l’avenir en dépit de l’irrémédiable déclin du cd.


On ne peut évidemment pas contenter tout le monde et même si cet aspect utopiste de ma personnalité voudrait que ce soit tout de même réalisable, il faut se rendre à l’évidence, on ne fait pas mouche à chaque coup. Mais quelle satisfaction de revoir le client un peu plus tard et de constater qu’une confiance s’est installée. Quel plaisir de rencontrer et de sympathiser avec des mélomanes qui partagent la même passion que vous. Quelle joie d’avoir modestement parfois réussi à ouvrir des horizons nouveaux. C’est exactement le même plaisir que de voir revenir des auditeurs aux conférences ou exposés. C’est la preuve qu’on peut, tout en gagnant sa vie (c’est forcément indispensable) s’épanouir dans les relations humaines, parfois très brèves, et faire partager ce qui nous semble vraiment important. Le jour où, pour diverses raisons, cela ne me sera plus possible, il ne me restera qu’à changer de métier…


L’homme qui n’a pas de passion est déjà mort. C’est le danger qui guette nos sociétés modernes dans lesquelles on a parfois l’impression qu’une large part de la population semble blasée de tout. Pas question de se laisser prendre par le marasme ambiant…


C’est bien sur ce que voulait dire le grand Leonard Bernstein, le musicien passionné entre tous, lui qui, par l’intermédiaire de ses maisons de disques a vendu des millions d’albums tout au long de sa carrière et qui reste encore aujourd’hui l’un des meilleurs « produits » de la célèbre marque à l’étiquette jaune (DGG). En tous cas j’aime à le comprendre de la sorte. La musique comme partage des émotions humaines…