Écouter…

Comment écoute-t-on la musique ? … Vaste question… si personnelle, si intime ! Une question dont la réponse est aussi complexe que celle du pourquoi de l’écoute. Elles sont d’ailleurs liées indissociablement. Suite à la question d’un lecteur de son blog, JPR évoquait cet aspect essentiel de la vie du mélomane. J’avais envie de vous livrer, moi aussi, quelques impressions toutes personnelles sur le sujet.

Et d’abord, il me semble utile de préciser que l’écoute, telle que je la conçois, n’est pas unique et immuable. Comme tout le monde, j’écoute de diverses manières. D’abord dans diverses circonstances d’ailleurs. Il est bien évident qu’écouter la musique en voiture n’a rien à voir avec l’écoute d’un concert en salle ou l’écoute concentrée et solitaire d’un casque haute-fidélité. Les raisons ne sont d’ailleurs pas les mêmes. En voiture, j’écoute souvent la radio. C’est l’occasion, je me déplace beaucoup en voiture, de me laisser happer par les programmes. C’est une écoute que je ne choisis pas. Elle permet à la fois la découverte du répertoire, les retrouvailles avec un morceau connu, l’étonnement d’une interprétation, c’est donc, pour moi, une bonne source de découvertes.

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Mais il arrive souvent que, aux heures où je voyage en voiture, souvent très tard (au retour d’une conférence, par exemple), le programme ne me plaise pas. J’opte alors pour un cd. Pas n’importe lequel… uniquement ceux que je n’ai pas encore écouté. La raison en est double. Dans mon métier, je dois être au courant des dernières sorties discographiques et d’un fond de catalogue énorme. Depuis vingt ans, je consacre environ une heure par jour à écouter des œuvres ou des interprétations que je ne connais pas, soit en voiture, soit au magasin (l’écoute y est encore moins satisfaisante à cause du bruit ambiant, des conversations… c’est une écoute très distraite mais elle permet une première impression !). Cela permet d’ouvrir de nombreuses portes… ou de les refermer ! … Cette écoute est aussi sélective. De nombreux cd’s ainsi écoutés ne le sont qu’une fois. Ceux qui me paraissent (mais je reconnais le côté très subjectif de la chose) les moins réussis ou qui comportent un répertoire que j’aime moins (les goûts et les couleurs…) ne dépassent pas l’audition en voiture, je sais, c’est cruel !

Mais il y a tellement de matière… et il y a tant de belles choses ! Vous l’aurez compris, ceux qui passent le cap « voiture » ou « écoute en rayon » au magasin aboutissent sur mon bureau et attendent un approfondissement. J’ai alors deux attitudes différentes. Quand j’écris un billet non musical pour le blog, quand je réponds aux courriers électroniques ou quand je fais quelques travaux administratifs (cela doit aussi se faire !), je réécoute les cd’s qui m’ont plu une première fois. J’environnement plus silencieux, la meilleure qualité du matériel et le calme permettent une deuxième approche plus pointue. Je me surprends d’ailleurs bien souvent à ne plus travailler pendant cette écoute et à me laisser entraîner par la musique. J’ai d’ailleurs toujours eu un peu de peine à utiliser la musique comme fond sonore. C’est bon signe. Parfois, hélas, les bonnes premières impressions sont démenties dans cette seconde écoute.

 

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Les cd’s qui passent le cap de cette écoute là sont alors l’objet d’une troisième qui en augure beaucoup d’autres. L’écoute concentrée. Je pratique depuis très longtemps une technique particulière de relaxation (je vous en parlerai peut-être un jour) qui permet une très forte concentration sur l’objet choisi. Chaque jour, je pratique donc cette technique sur la musique. Je l’analyse littéralement dans sa forme, son orchestration, ses articulations et une fois ce travail réalisé, je me laisse aller à une sorte de méditation où je ressens profondément cette musique. Cette écoute là est souvent la plus bouleversante, celle où je crois comprendre la force expressive du compositeur et où je me lie à lui dans cet extraordinaire dénominateur commun que j’évoque si souvent sur le blog. Je suis alors capable d’écouter la même symphonie, la même sonate ou le même opéra tous les jours pendant des semaines. L’assimilation des symphonies de Bruckner, de Mahler, de Chostakovitch et de bien d’autres m’ont pris de nombreuses années. Mais rien ne vaut le temps que j’ai pris et que je prends encore à écouter la Messe en si mineur de Bach qui constitue MA référence absolue (bien que je ne sois pas croyant… comme quoi peu importe, ce qui compte, c’est la perception de la spiritualité !).

Phase ultime de l’écoute, l’analyse, partition en main. Elle relève alors de la préparation d’une conférence, d’un cours ou, tout simplement pour le plaisir (pendant les vacances, par exemple). Elle se complète d’une véritable recherche sur l’œuvre elle-même, sur sa véritable pensée, bref sur son message. Il va sans dire qu’alors de nouvelles perspectives s’ouvrent immédiatement que le besoin de découvrir d’autres œuvres se fait sentir… C’est un cercle sans fin, une passion sans limite.

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Mais l’écoute au concert est encore d’un tout autre ordre. Vivre la musique en direct, au moment où elle se recrée, est une expérience exceptionnelle et irremplaçable. Je dirais même que toute musique est faite d’abord pour être jouée en direct. N’en déplaise aux inconditionnels de l’enregistrement, c’est quand vous sentez vibrer la musique, que les instruments sont là, que l’ambiance de la salle vous attrape et que les musiciens déploient leurs sortilèges que toutes vos écoutes discographiques trouvent leur véritable raison d’être. Attention à ne pas exiger du concert la perfection de l’enregistrement en studio… ce que trop de mélomanes ont tendance à faire. Mais j’en connais beaucoup qui ont bien compris tout l’enjeu émotionnel d’une prestation de concert. Je suis d’ailleurs à ce propos du même avis que JPR : le concert est tout en haut de la hiérarchie de l’écoute… Il n’empêche qu’on aime aussi retrouver les interprétations légendaires de la discographie. Plaisirs touts différents !

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L’Orchestre philharmonique royal de Liège à Vienne

La musique, elle est pour tout le monde. Chacun a son écoute. Elle dépend de ce qu’on attend d’une œuvre. Elle dépend de la place que la musique prend dans la vie. Elle dépend encore de ce que chacun veut y trouver. Depuis le simple divertissement jusqu’aux écoutes les plus pointues, chacun y prendra ce qu’il veut en fonction de ce qu’il est. N’est-ce pas là la grande magie de la musique et de notre oreille ?