Bal aux lampions

 

Les journalistes sont parfois assez frustrants. Écoutant, comme tous les jours, les émissions d’information de la RTBF, Matin Première, mon oreille est soudain attirée par un reportage en lien direct avec la fête nationale belge de demain où l’on annonce qu’un historien va nous expliquer l’origine du bal aux lampions. Redoublant d’attention, j’étais très curieux d’en savoir un peu plus sur cette pratique qui dépasse, et de loin, le 14 en France et le 21 juillet en Belgique. Quelle ne fut pas ma déception d’entendre le dit historien simplement annoncer que cela venait de France et que tout le monde savait ce que c’était… sans autre commentaire ! Maugréant sur l’occasion ratée d’apprendre quelque chose de culturel, et me disant que ce n’est pas parce qu’on sait ce qu’est un bal aux lampions qu’on n’a pas envie d’en savoir les raisons, je suis déçu et, frustré, je me dis que je n’ai pas la culture que j’aimerais avoir !

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Qu’à cela ne tienne, je tenterai de m’informer par moi-même, puisqu’une fois encore, le sujet est escamoté dans ce qu’il pourrait avoir d’historique et d’intéressant. Entamant donc quelques recherches sur Internet, je me rends vite compte que ce ne sera pas simple de tirer l’affaire au clair. Pas de définition du bal aux lampions,… que des annonces et des publicités pour de nombreux bals aux lampions partout en France et en Belgique… ! Retour, donc, une fois encore dans mon dictionnaire historique pour tenter de percer le mystère… et là seulement deux définitions, celle de bal et celle de lampion… très intéressantes cependant.

J’y apprends que le bal a sans doute toujours existé et que son nom vient de racines grecques qui, elles-mêmes, se ramifient à des radicaux indo-européens, que dans le sens initial du verbe grec balleïn (βάλλειν) se trouve l’action de lancer, de jeter. Par extension, ballizeïn (βαλλίζειν) a désigné le fait de se balancer, de remuer, de se trémousser avant que le latin ne s’en empare pour créer ballare qui, chez Saint Augustin, prend le sens de danser. Le verbe du moyen français baller garde le même sens, même s’il sort du vocabulaire de la langue au 17ème siècle. On en trouve encore d’étranges formes dans le verbe brimbaler qui au 16ème siècle signifie copuler (dans un mouvement de va et vient) et est très en usage dans les chansons françaises de l’époque, par exemple dans Un Jeune Moine est sorti du Couvent de Roland de Lassus… je m’éloigne de mon sujet ! Seul est donc resté un substantif bal qui désigne une réunion où l’on danse.

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Renoir Auguste, Le Bal du Moulin de la Galette, Montmartre, 1876

Et l’Histoire du bal est très riche et développée entre les manifestations royales et publiques, les modes et les interdictions, le bal est devenu aujourd’hui une manière, certes un peu désuète, de festoyer… entre autres lors des fêtes nationales où les bals sont organisés comme des réjouissances populaires.

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Percy William Gibbs (1894-1937), Promenade sur la rivière.

Quant au mot lampion, il semble venir de l’italien lampione qui désigne, au 16ème siècle, une grosse lanterne. Le suffixe -(i)one est d’ailleurs utilisé pour désigner la grosseur… un violone, en italien, désigne, par exemple, un gros violon, donc grave, instrument à cordes frottées, une basse de viole ou une contrebasse.

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Violone vénitien circa 1650

Avec le temps, le mot lampion a désigné toute source lumineuse où une flamme de bougie ou une mèche éclairait, par l’intérieur, un récipient, comme dans les lanternes vénitiennes vers 1750.

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Lanterne vénitienne

Le lampion a donc très tôt servi à éclairer et est devenu le symbole des illuminations nocturnes. Très utilisé dans la culture orientale, les combinaisons de lampions de différentes formes et couleurs donnent à la nuit un caractère poétique et joyeux et montrant, dans les lampions pour le nouvel an, le triomphe de la lumière sur la nuit.

 

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Le lampion est aussi, par extension, utilisé pour désigner un tricorne en forme de lampe à huile utilisé par des militaires et des cavaliers et devenu familier pour désigner le chapeau de gala des écuyers de la Cavalerie de Saumur.

Très intéressantes dans l’enquête que je mène, ces quelques informations puisées ça et là comme Le Cri ou l’Air des lampions qui trouve son origine dans les émeutes qui menèrent à la révolution de 1848 : « Les républicains organisaient alors de grands banquets pour contourner l’interdiction de réunion politique. Le 22 février 1848, un de ces banquets ne reçoit pas l’autorisation officielle, ce qui déclenche, dès le lendemain, des manifestations d’étudiants et d’ouvriers. Un coup de feu malencontreux fait se dresser les barricades et oblige Louis-Philippe à abdiquer. L’Éducation sentimentale de Flaubert relate ces événements dans une scène demeurée célèbre. C’est lors des émeutes du lendemain, dans la soirée, que le cri aurait été lancé par les manifestants, pour exiger que les occupants des appartements illuminent leurs fenêtres en allumant des lampions. S’agissait-il de pallier l’éclairage déficient ou de manifester leur soutien aux revendications ? Les fenêtres qui ne s’éclairent pas sont brisées à coups de cailloux.

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Louis-Adolphe Tessier (1858-1915), peintre de genre et d’histoire. Tourbillon, 1911.

L’air des lampions n’est donc pas un air, mais une scansion qui accentue une syllabe sur deux, la première et la dernière portant systématiquement un accent tonique. Il exige donc un nombre impair de syllabes, trois au minimum, comme dans le cri poussé à l’origine : « des lampions » (Jean-Claude Bologne, lire l’article ici).

Mais le lampion possède une histoire politique encore plus ancienne, semble-t-il. Son origine se trouve sans doute dans la retraite aux flambeaux, surtout celle de la fête nationale où les participants défilaient en portant des lampions, surtout les enfants. Cette tradition est à associer à la Révolution française et à la commémoration de la Prise de la Bastille. Cet événement symbolique rappelle le jour où la population de la France s’est associée pour former une nation, en dépassant les barrières sociales de l’époque, afin de se révolter contre le régime de la monarchie absolue en place. C’est en effet cette date du 14 juillet 1789 qui incarne le point de départ d’aspirations nouvelles vers les libertés fondamentales, individuelles et politiques, qui s’expriment, entre autres, à travers la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Avec le temps, la commémoration du 14 juillet s’est estompée… Pour retrouver cette fête, il faut attendre la IIIème République et l’installation au pouvoir des Républicains devenus majoritaires. Ainsi, dans le but d’enraciner des institutions démocratiques qui traduiront l’héritage de la Révolution et de fonder une nouvelle culture politique, une loi datant de 1880 institue le 14 juillet comme fête nationale de la République française. Le caractère patriotique est essentiel, d’un point de vue politique et militaire.

Toutes les communes doivent célébrer cette fête. Une circulaire adressée aux préfets, émanant du ministre de l’Intérieur de l’époque, rappelle que le gouvernement désire que cette journée soit célébrée partout avec éclat. Il faut que les édifices publics soient illuminés. Les célébrations débutent par une retraite aux flambeaux le soir du 13 juillet. Le lendemain, ce sont les cloches des églises qui annoncent le défilé militaire, qui est suivi d’un grand banquet. L’après-midi, les festivités continuent à travers des spectacles et des jeux, puis la soirée se termine avec le traditionnel feu d’artifice accompagné d’un bal public… aux lampions, évidemment !

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Tavik Frantisek Simon (1877-1942), Soir de fête à Paris.

L’hypothèse qui semble dominer, chez les historiens, concernant l’origine de l’utilisation de ces lampions est que, spontanément, la population voulait célébrer le moment où la destruction de la Bastille a commencé. L’ancienne prison d’Etat, surmontée de canons dirigés vers les rues de Paris, était considérée comme un affront au peuple. La démolition de l’édifice a été immédiate, dans la nuit du 14 au 15 juillet 1789, alors que les Parisiens n’étaient éclairés qu’à la lueur de torches et de grands feux de joie … le lampion devenant alors un symbole festif populaire qui, en éclairant la nuit, marque aussi le triomphe de la lumière sur les ténèbres…, de la liberté sur l’oppression… permettant alors la liesse et la joie. (*)

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Voilà pourquoi le bal aux lampions est désormais naturellement associé aux fêtes populaires et, en particulier, à celles qui ont un caractère patriotique même si, avec le temps, les bals et les lampions s’associent en bien d’autres occasions… pour notre plus grande joie ! Bonne fête nationale à mes compatriotes… que vous participiez ou non à un bal aux lampions !

 

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