À la mémoire d’un héros…!

Pour les habitants du quartier Fond-des-Tawes à Liège, le meilleur côtoie le pire. Les (trop) nombreux automobilistes qui empruntent régulièrement cette voie de circulation qui relie l’hôpital de la Citadelle et le faubourg Sainte-Walburge au Pied du Thier à Liège en direction d’Herstal savent les dangers d’une rue trop étroite pour se croiser en toute sécurité et fréquentée, malgré les signaux répétés indiquant une zone 30 km/h, par des chauffards suicidaires et meurtriers. Riverain de la dite rue depuis 20 ans, j’ai pu constater, régulièrement des accidents dus à la trop grande vitesse des usagers, des rétroviseurs brisés par dizaines et une véritable difficulté pour les piétons qui rencontrent trop souvent sur leur parcours, des véhicules qui obstruent les trottoirs, les obligeant à passer sur la chaussée en multipliant ainsi les risques d’être renversés par un des automobilistes inconscients. Si on peste parfois sur les radars, dans la rue Fond-des-Tawes, on n’en a jamais vu !

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Mais le quartier est aussi un havre de paix grâce à sa généreuse nature. Ce sont, d’une part, les coteaux de la Citadelle, qui, dans leur versant moins connu, réservent de magnifiques promenades en pleine nature et, d’autre part, la colline de Vottem qui réserve, au promeneur, beaucoup de joie bucolique. Ceux qui me suivent depuis longtemps et qui prennent le temps de regarder mes photos sur le blog et sur Facebook, savent bien ma passion pour ce quartier vert, plusieurs fois menacé par des projets urbanistiques ahurissants… jamais aboutis pour l’instant… pourvu que ça dure ! J’aime m’y promener et me ressourcer le long et parfois en dehors de ces sentiers où l’on oublie vraiment la présence, à moins de quelques centaines de mètres, d’une ville importante.

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La rue Fond-des-Tawes vue de la Chapelle Dewé

Si vous passez parfois là-bas, vous aurez été surpris de voir une petite chapelle surplombant la rue, la Ville de Liège ayant aménagé un parcours pédestre permettant de la rejoindre. Construite en 1950, la dite chapelle est un mémorial au résistant liégeois Walthère Dewé, dont je copie, ci-dessous, la biographie établie pour Wikipédia. Les descendants directs du héros belge ont bien l’intention de rendre vie à l’endroit et de lui offrir un rôle culturel dans lequel je pourrais jouer un rôle prochainement, je vous en dirai plus lorsque le projet prendra vraiment corps.

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Lors de mes promenades du dimanche matin, je parcourais, une fois de plus le coteaux et en revenant à la maison, j’ai fait un petit détour vers le mémorial prenant quelques photographies que la superbe lumière du jour m’a décidé à vous montrer. Mais comme l’image et le contenu sont liés, voici qui était ce Walthère Dewé, cet homme dont le passant est vivement invité à se souvenir. Ce héros, parmi beaucoup d’autres, sans lequel nous ne serions pas libres. Le devoir de mémoire est essentiel et j’aimerais que ceux qui passent distraitement en contrebas de ce monument sachent ce qu’il signifie et l’importance qu’il revêt pour nous, liégeois, belges, européens d’ aujourd’hui ! Une civilisation, n’est-ce pas ce qui se souvient?

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Walthère-Joseph-Charles Dewé, dont le pseudonyme était Cleveland est un résistant belge, né à Liège le 16 juillet 1880 et mort à Bruxelles le 14 janvier 1944. Ingénieur de formation, il fonda et dirigea deux grands réseaux de renseignements clandestins au cours des deux guerres mondiales : La Dame blanche en 1916, qu’il créa avec son ami Herman Chauvin sur les cendres du réseau Lambrecht, et le réseau Cleveland puis Clarence en 1940. Walthère Dewé était le cousin du résistant belge de la Première Guerre mondiale Dieudonné Lambrecht, dont il avait pris la relève après l’exécution de celui-ci par les Allemands en 1916 au fort de la Chartreuse de Liège.

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Durant la Première Guerre mondiale, Walthère Dewé avait participé activement à la mise sur pied du réseau de renseignement Dame blanche. Le 3 septembre 1939, jour d’entrée en guerre de la France et de la Belgique, il est contacté par un agent du S.I.S. (Secret Intelligence Service) souhaitant savoir si Dewé serait toujours disposé à créer un réseau de renseignement. Il fonde alors un Corps d’Observation Belge (COB) constitué d’hommes d’affaires belges. Sous couvert de leur action commerciale avec l’Allemagne, ces agents réalisaient un espionnage industriel permettant de suivre le déploiement de l’effort de guerre allemand.

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Walthère Dewé (1880-1944)

Dès avant la Seconde Guerre mondiale, il prépare la reprise de ses activités de renseignements et, en juin 1940, au début de l’occupation allemande de la Belgique, il commence son activité d’espionnage de la Wehrmacht avec l’aide de son plus proche collaborateur Hector Demarque dont le nom de guerre est « Clarence ». C’est ce nom que Dewé choisit pour baptiser le réseau. La première réunion du conseil de direction se tint à Ixelles, au 41 de l’Avenue de la couronne chez l’une des doyennes du réseau Dame-Blanche, Thérèse de Radiguès (75 ans). Le réseau se réorganise sur le modèle du réseau de la Dame blanche de la première guerre. Les débuts sont difficiles parce que la jonction avec Londres n’est pas aisée à établir (tant par voie terrestre que par radio). Mais, en janvier 1941, grâce à des parachutages de radios-émetteurs, la liaison sera définitivement établie avec les alliés en poste à Londres. Le réseau Clarence enverra 872 messages radios, 163 rapports comprenant des cartes, des croquis et des photos, 92 courriers qui étaient acheminés vers l’Angleterre via la France et l’Espagne.

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Le 22 juillet 1941, une première perquisition eut lieu au domicile des Dewé tandis que Walthère avait fui dans la clandestinité. La Gestapo opère à nouveau chez eux en septembre et en décembre. Stoïque, son épouse ne laisse rien paraître. Ils repartent bredouille. Les émissions par radio deviennent de plus en plus risquées et les allemands utilisent la Radiogoniométrie (détermination de la direction d’arrivée d’une onde électromagnétique ) pour repérer les lieux d’émission. Le 14 janvier 1943, l’épouse de Walthère Dewé est terrassée par une crise cardiaque.

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Claude Dansey, vice-directeur du S.I.S., dira à l’issue de la guerre que par la qualité et la quantité des messages et documents qu’il a fourni, « Clarence » a occupé la première place parmi les réseaux de renseignements militaire de toute l’Europe occupée.

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Le 14 janvier 1944, un an, jour pour jour, après le décès de son épouse et tandis que ses deux filles sont arrêtées depuis une semaine, Walthère Dewé, qui, bien qu’il se cache, a toujours des contacts à la Régie des Téléphones où il était ingénieur en chef, apprend, par un membre de son réseau qui travaille à la Régie (où s’activent des résistants) que l’écoute des communications allemandes révèle que la Gestapo a intercepté un message dévoilant l’identité de Thérèse de Radiguès, un des membres fondateurs du réseau Clarence. Il décide d’aller personnellement la prévenir pour lui demander de se mettre en sécurité. Mais lorsqu’il arrive chez elle à Ixelles, la Gestapo est déjà sur place. Face aux gestapistes qui surgissent dans le salon de Madame de Radiguès, Walthère Dewé parvient à les bousculer et à s’enfuir en courant. Au carrefour de l’avenue de la Couronne et de la rue de la Brasserie, il saute dans un tram qui s’arrête presqu’aussitôt à cause d’un feu rouge. Bondissant hors du tram immobilisé, Dewé se dirige alors vers la place Flagey. Mais il se trouve immédiatement en face d’un officier allemand de la Luftwaffe qui, par un pur hasard, montait la rue de la Brasserie à pied. Voyant un civil aux abois et refusant d’obtempérer à son ordre de s’arrêter, l’officier fait feu. Walter Dewé est tué. L’officier est alors pris à partie par les Gestapistes qui lui reprochent de les avoir privés de pouvoir interroger celui dont ils ignorent l’identité. Ils ignoreront d’ailleurs jusqu’à la fin de la guerre qu’il s’agit du dirigeant du plus important réseau belge de renseignement des deux guerres mondiales, la Dame Blanche puis Clarence. Privé de son chef, le réseau n’en continuera pas moins son action jusqu’en 1944.

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Photo prise en novembre 2011

Alors, si par hasard vous passez par-là, ayez une petite pensée pour cet homme qui plaçait la liberté des siens au-delà de tout. Nous le lui devons bien !