« L’art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l’orchestre. » Herbert von Karajan
Je n’ai jamais été fétichiste ni amateur d’objets ayant appartenu à des célébrités ou des vedettes de la musique, mais quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’une de mes auditrices fidèles des cours de l’U3A vint me raconter une histoire extraordinaire et me montrer un objet… pour le moins inattendu.
Madame Greven commence son récit en me disant qu’elle habite à Boncelles, sur les hauteurs de Liège, et que sa voisine et amie avait épousé un allemand d’origine tchèque, un certain Siegfried Czeslik, un nom qui ne me disait absolument rien. Mais mon attention redoubla lorsqu’elle précisa que ce monsieur était le frère d’un manager qui faisait partie de l’équipe qui gérait la carrière de Herbert von Karajan.
Arrivé à la retraite, Monsieur Czeslik reçut du célèbre chef d’orchestre pour lequel il s’était dévoué corps et âme, une de ses baguettes de direction en guise de remerciement. Ayant conservé la dite baguette comme une véritable relique, l’épouse du manager en hérita à son décès. Puis ce fut elle qui rejoignit le royaume des morts et sa belle-sœur, celle de Boncelles, hérita des divers souvenirs de famille. Parmi ceux-ci, se trouvait la fameuse baguette qui, selon elle, est absolument authentique.
Montrant l’objet à ma fidèle auditrice, madame Czeslik l’autorisa à l’emprunter une matinée pour me la montrer. C’est ainsi que ce vendredi matin-là, je pus découvrir non sans une certaine émotion, soigneusement glissée dans une pochette, la prétendue baguette du maître. Je pus même la tenir en main et l’observer tout à mon aise. À première vue, il s’agissait bien d’une baguette usagée et je fus même surpris qu’elle était cassée à la pointe. Me disant que c’étaient-là les traces du temps qui n’avaient pas épargnées la baguette, je promis à Madame Greven de tenter de vérifier si son histoire était effectivement plausible avant de rédiger un billet sur mon blog.
Recherches vaines… ! Aucune trace des noms de l’équipe de management de Karajan, ni aucune trace de Monsieur Czeslik. N’ayant ni le temps, ni l’envie d’aller plus loin dans mes investigations, j’ai simplement recherché dans la littérature sur internet et dans les biographies du chef d’orchestre si une information pouvait accréditer ou pas une probable authenticité de l’objet… rien ! Demandant à Madame Greven de tenter d’en savoir plus, elle me confia que son amie n’était absolument pas mélomane et que sa mémoire, désormais défaillante, ne lui permettait pas de m’en dire plus.
Mais parmi mes lectures, je finis par tomber sur un indice. Une maigre information sur le site Opera Online, dans un billet très documenté concernant les baguettes des chefs d’orchestre au cours du temps dont je prends la liberté de publier deux images très intéressantes, disait à propos de Herbert von Karajan qu’il « utilisait toujours la même marque de baguettes mais en cassait le bout pour la raccourcir de quelques centimètres ». Immédiatement, je songeai que la baguette qu’on m’avait montrée était en effet cassée. En observant les images de Karajan dirigeant, on peut remarquer que sa baguette est bien plus courte que certaines autres, mais, surtout, qu’elle présente la même irrégularité que la baguette que j’ai pu tenir entre mes mains. C’était, semble-t-il, un rituel du maestro qui marquait sa patte ainsi sur la baguette, un objet fétiche et très personnel, pour lui donner une longueur plus efficace à ses yeux et nettement moins standardisée.
Conclusion de cet épisode, il se pourrait bien que cette baguette soit authentique… ou pas ! Peut-être que certains lecteurs de ce billet en savent plus sur l’équipe de Karajan et sur ses baguettes… Qu’ils n’hésitent pas à me communiquer d’autres informations et documentations qui avaliseraient ou discréditeraient cette étrange histoire… qui, pourtant, m’a fait rêver d’avoir un jour pu tenir une des prestigieuses baguettes d’Herbert von Karajan !