Durant les dernières semaines, en réfléchissant à la manière d’aborder la musique de nos régions en prévision de plusieurs séances programmées en 2019 et 2020, je collectais de la documentation concernant la musique à Liège et m’émerveillais, une fois encore, de l’extraordinaire prestige de la Principauté de Liège, l’occasion aussi de réécouter quelques œuvres de musiciens largement oubliés par l’Histoire…
Léonard de Hodémont (1575-1636), Daniel Daniélis (1635-1696), que Musique en Wallonie et Alpha ont honoré en publiant de précieux enregistrements, Lambert Pietkin (1613-1696), Henry Du Mont (1610-1684), même si sa prestigieuse carrière s’est déroulée à Paris, ou encore, plus tardivement, Jean-Noël Hamal (1709-1778), dont la discographie est désormais inexistante, mériteraient plus d’attention.
Daniel Danélis (1635-1696) est né à Visé dans le pays de Liège en Belgique. Il aurait effectué ses études à Maastricht et est organiste à Saint-Lambert. Au service du duc de Mecklembourg-Güstrow, Gustave-Adolphe de Mecklembourg-Güstrow, il travaille jusqu’en 1683, date à laquelle il quitte l’Allemagne pour Paris. En 1684, il devient maître de musique à la cathédrale Saint-Pierre de Vannes où il sera actif jusqu’à sa mort en 1696. (Wikipédia)
Lambert Pietkin a reçu son éducation musicale d’ Henri de Remouchamps à la cathédrale Saint-Lambert à Liège. En 1632, il lui succède à l’orgue principal. À partir de 1633, il remplaça partiellement son parrain Léonard de Hodémont en tant que chef de musique. Il a joui, de son vivant, d’une grande réputation et, dit-on, porta la musique à la Cathédrale à un niveau jamais atteint avant lui. Merci à Fabien Moulaert d’avoir attiré mon attention sur ce superbe Alma redemptoris mater tiré du Grand Livre de chœur de la Cathédrale Saint-Lambert, 1645.
Après avoir fait son apprentissage avec son père, également compositeur, Jean-Noël Hamal (1709-1778) devint à six ans chantre de la maîtrise de la cathédrale Notre-Dame et Saint-Lambert sous Henri-Denis Dupont. C’était un ensemble musical de plus d’une trentaine de musiciens, qu’il dirigea de 1737 à 1770. Il a complété sa formation de 1728 à 1731 au Collège liégeois Darchis à Rome, Au cours d’un deuxième voyage en Italie, il rencontre le violoniste Niccolò Jommelli et Francesco Durante. De retour à Liège, il devient directeur de la musique de la cathédrale Saint-Lambert et, en 1745, chanoine impérial. Depuis 1738, les membres de la famille Hamal donnaient régulièrement de Grands concerts spirituels à l’Hôtel de ville de Liège. Après des conflits avec le chapitre, c’est son neveu et élève Henri Hamal (1744-1820) qui occupa à partir de 1770 le poste de maître de musique du chapitre jusqu’à la destruction de la cathédrale en 1793. (Wikipédia)
Mais c’était donc aussi l’occasion de revenir sur l’extraordinaire prestige qu’avait alors la Cathédrale Notre-Dame et Saint-Lambert. Elle avait été le vaisseau le plus vaste du Moyen-âge ! Quelques illustrations vous permettront de mesurer l’ampleur de l’édifice et quelques commentaires de base tirés de l’ouvrage de Françoise Clercx Léonard-Étienne, Liège en gravures, éd. GAMMA HALBART, 1979 et du site iconographique que vous pourrez consulter en suivant ce lien.
M. Cremetti, Ancienne Cathédrale Saint-Lambert à Liège, d’après un dessin de Jean Deneumoulin (né à Liège en 1783). Lithographie.
« À droite, les constructions de la seconde moitié du 13ème siècle : le chœur occidental ou vieux chœur, le transept orné d’une belle rose de pierre et l’un des trois portails. Par celui-ci, on pénétrait du Vieux Marché dans la cathédrale. Les deux tours « de sable » en tuffeau de Maëstricht édifiés à cette époque ont dû, à la suite d’un orage, recevoir d’importantes réparations à la fin du 14ème siècle. La nef compte six travées. Le chœur oriental commencé en 1246 fut inauguré en 1319. La grosse tour que rappelle l’actuel clocher de la cathédrale Saint-Paul fut construite entre 1392 et 1433. Cette belle cathédrale gothique où pouvaient se rassembler quatre mille fidèles, mesurait environ 176 mètres dans sa plus grande longueur, 92 mètres en largeur et s’élevait à une trentaine de mètres. La flèche de son clocher atteignait 176 mètres. À l’avant plan à gauche […] les maisons du Vieux Marché. À droite, l’hôtel de Stockhem où habitèrent plusieurs siècles les chanoines tréfonciers du même nom ».
Détail du Chœur de la cathédrale Saint-Lambert (aujourd’hui discuté) dans la Vierge dans une église exposée au Staatliche Museen de Berlin, de Jan Van Eyck, vers 1425, un dessin postérieur se trouve au Grand Curtius.
La destruction de la cathédrale est relatée sur la notice Wikipédia qui illustre son histoire, la voici :
« Pour comprendre le sens d’un événement rare comme la destruction d’une cathédrale, il faut se replacer dans le contexte historique bien particulier qui est celui de la Révolution liégeoise de 1789 et sa rencontre inévitable avec la Révolution française et son expansion. Depuis 1684, la dégradation des rapports entre les évêques et les Liégeois est plus nette, dans la mesure où le règlement de Maximilien de Bavière modifie le système électoral liégeois renforçant son pouvoir et diminuant celui des laïcs. En somme, c’était s’attaquer à la sacro-sainte Paix de Fexhe, considérée comme la première grande charte constitutionnelle liégeoise. C’était là, l’ébauche d’une démocratie représentative, qui était à l’époque quasi unique en Europe, conférant à la cité mosane un statut particulier aux temps modernes.
Jean Deneumoulin, Ruines de la cathédrale Saint Lambert, 1802.
En 1794, sous le régime français, au lendemain de la révolution liégeoise, on entame la démolition du monument, décidée l’année précédente. Les révolutionnaires liégeois la considèrent comme le symbole du pouvoir du prince-évêque. On s’en prend d’abord aux plombs de la toiture, afin d’en faire des armes et des munitions, ainsi qu’à la charpente. On nomme en outre une « Commission destructive de la cathédrale ». La démolition de la grande tour est mise en adjudication en 1795. En 1803, on abat les tours occidentales. Le terrain est définitivement nivelé en 1827, à l’exception d’un pan de muraille de l’ancien passage entre le palais et la cathédrale, qui est encore debout en 1929.
Il fallut donc près de 15 ans pour évacuer les ruines. Sur ce qui devint la place impériale, on songea à élever un monument à la gloire de Napoléon.
Reliquaire de Charles le Téméraire commandé en 1467 à Gérard Loyet, orfèvre à Lille, pour la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert de Liège. Œuvre majeure du patrimoine national. Deux figurines d’or, rehaussées d’émaux, placées sur un piédestal de vermeil. À la manière de la Vierge au chanoine van der Paele de Jean van Eyck (ca. 1435) ou d’autres œuvres de l’époque, le duc Charles, agenouillé, est présenté par saint Georges, patron des chevaliers, reconnaissable à son attribut iconographique, le dragon, qui s’enroule à ses pieds. Tel un nouveau saint Georges, Charles, en armure, portant le collier de la Toison d’Or, tient en mains un reliquaire qui contient une relique de saint Lambert.Sur le socle, la devise du duc, JE L’AY EMPRI[NS] (Je l’ai entrepris), et les initiales C pour Charles et M pour Marguerite d’York, son épouse. Texte de Jonathan Dumont de l’ULiège.
L’énervement et le défoulement passé, il faut se résoudre à retrouver une cathédrale pour la ville et on choisit la collégiale Saint-Paul, la plus au centre de la ville. On la modernise sensiblement et on y transfère les trésors sauvés. Ceux-ci peuvent être visités aujourd’hui, dans le Cloître de la cathédrale Saint-Paul ; des pièces exceptionnelles d’après les spécialistes : orfèvreries, ivoires, manuscrits, sculptures et reliquaires… »
Ce document YouTube, réalisé par la RTBF, permet de faire une visite virtuelle de la Cathédrale Saint-Lambert… un magnifique voyage dans le passé. Le choix de musique accompagnant le document est malheureusement inadapté puisqu’il s’agit de la Liturgie orthodoxe de Saint Jean Chrysostome mise en musique par P.I. Tchaïkovski, superbe, certes, mais tout à fait hors propos!!! Mais ce petit film a, et ce n’est pas sa moindre qualité, le mérite de nous faire regretter la disparition d’un tel monument au cœur de notre belle Cité ardente. Bonne visite… et bonne écoute !