« C’est l’automne, notre pauvre jardin s’effeuille,
Les feuilles jaunies volent dans le vent… »
Alexis Konstantinovitch Tolstoï
Gustave Courbet (1819-1877), La Forêt en Automne (1841)
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), Les Saisons, 10. Octobre, Chanson d’automne, interprété par M. Pletnev.
« Il m’arrive bien souvent, en ces temps troublés, en cet automne flamboyant, foulant des pieds les innombrables feuilles mortes des Coteaux de la Citadelle à Liège, jouxtant l’hôpital où la tragédie actuelle sévit cruellement, de tenter d’imaginer qu’avant sa chute, la feuille était née au dernier printemps.
Elle avait vécu les saisons, pleine de force et de beauté, narguant le marcheur curieux de sa belle robe verte que longtemps elle avait conservée. Elle n’imaginait pas que ses jours étaient comptés, qu’au fil des mois, elle murirait et finalement se parerait de couleurs et de ces teintes inespérées qui ravissent le regard des hommes puis qui, dans un dernier geste de défi, résiste à l’adversité jusqu’à ce que vents et pluies aient raison de ses dernières forces.
Doucement alors, elle lâche prise et portée par la brise fraîche et légère, voltige quelques temps comme si la liberté soudain lui était donnée. Mais irrésistiblement elle approche du sol et s’y dépose… avec élégance parfois! La feuille a vécu.
Et moi, passant ému devant tant et tant de vies achevées, je me recueille quelques instants devant l’immense monceau rassemblé par les hommes, en une sombre nécropole, pour offrir aux passants un chemin propre où poser ses pas. Hélas, le vent nouveau surgit de plus belle et décime les feuilles d’automne qui avaient cru, jusque là, dans leur folle insouciance, échapper à la mauvaise fortune. Bientôt, l’hiver sera là. On oubliera les feuilles mortes et l’on aura hâte de guetter le bourgeon des premières lueurs du renouveau. Mais dans le cœur du promeneur, la fable de la feuille fait naitre de grosses larmes d’émotion. Un bref regard ému et presque gêné vers l’hôpital… Combien de feuilles derrière ces murs? »
JMO, Liège, le 29 octobre 2020.
Merci pour ces mots qui traduisent si bien mon ressenti! Merci pour vos partages si généreux!
Prenez bien soin de vous
Bonjour, Jean Marc !
Moi aussi, j’hésite souvent, depuis des années, entre la force à annoncée par les bourgeons du printemps, la beauté finissante des feuilles tombées de l’automne … et je me dis que le bonheur est qu’ils sont là, l’un et l’autre, sous nos yeux, quand nous savons les voir.
Merci pour la sagesse de votre méditation, illustrée par Courbe et Tchaïkowski.
Vous exprimez cela tellement bien par vos mots – votre langage – de ce texte.
Bien à vous … et à continuer à vous lire et à vous écouter
JCLBXL