Un jour… Un chef-d’œuvre! (95)

« Messieurs, le vieux Bach est arrivé»

Nikolaus Forkel, premier biographe de J.S. Bach (1802)

Adolph Menzel - Flötenkonzert Friedrichs des Großen in Sanssouci - Google Art Project.jpg

Adolph Menzel (1815-1905), Le Concert de Flûte de Frédéric II de Prusse au Palais de Sanssouci à Potsdam 1850-52.

« Offrande Musicale, Très humblement dédiée à Sa Majesté le Roi de Prusse etc.

Par Johann Sebastian Bach

Très-Grâcieux Roi,

Je présente à Votre Majesté, dans la plus profonde soumission, une Offrande Musicale dont la partie la plus noble est de la main de Votre Majesté. C’est avec un respectueux plaisir que je me souviens aujourd’hui encore de la grâce royale toute particulière qu’il y a quelques temps, lors de mon séjour à Potsdam, Votre Majesté me voulut bien faire en daignant me jouer un thème de fugue et me demandant très-gracieusement de le traiter derechef en présence de Votre Majesté. Obéir à l’ordre de Votre Majesté était mon très humble devoir, mais je remarquai bientôt que, en raison d’une préparation insuffisante, l’exécution ne pouvait être aussi réussie qu’un sujet aussi excellent le méritait. Je décidai alors de traiter de manière plus achevée ce thème vraiment royal et de le faire connaître ensuite au monde. J’ai maintenant accompli ce projet selon mon pouvoir, et je n’ai pas d’autre intention que le louable désir de magnifier, si peu que ce soit, la gloire d’un monarque dont chacun ne peut qu’admirer et vénérer la grandeur et la puissance, que ce soit dans les sciences de la guerre comme dans celles de la paix, c’est à dire aussi celles de la musique: Veuille votre Majesté recevoir de modeste travail d’un accueil gracieux et conserver Sa Grâce Royale à celui qui est,

de Votre Majesté,

Leipzig, le 7 juillet 1747

le très-humble et très obéissant serviteur,

l’auteur.»

[…] Mais au lieu de se faire traduire une belle dédicace en français, comme il l’avait fait un quart de siècle plus tôt à l’adresse du petit margrave de Brandebourg, le grand-oncle de Frédéric II, et de la calligraphier de sa propre main, Il la rédige en allemand, alors que la langue de la musique est l’italien et que Frédéric II je jure que par le français, la langue de la cour, et la fait graver, en caractères gothiques bien entendu, façon d’affirmer sa germanité. Aucune mention manuscrite, comme la signature, imprimée elle aussi, indiquant simplement « l’auteur ».

Gille Cantagrel, L’Œuvre instrumentale de J.-S. Bach, Paris, Buchet-Chastel, 2018, p. 347.

Vous en saurez plus bientôt sur cette œuvre géniale et testamentaire qu’est l’Offrande Musicale (Musikalisches Opfer) BWV 1079 de J.S. Bach avec la prochaine capsule vidéo des Jeudis du classique en confinement qui y sera consacrée…! 

 

Bach, Johann Sebastian (1685-1750), Musikalisches Opfer (L’Offrande Musicale) BWV 1079, Sonate en trio pour flûte, violon et basse continue, interprétée par Barthold Kuijken, flûte traversière, Sigiswald Kuijken, violon, Wieland Kuijken, viole de gambe et Robert Kohnen, clavecin.

Page de dédicace de l’Offrande Musicale au Roi Frédéric II de Prusse, édition originale du 7 juillet 1747.