Un jour… Un chef-d’œuvre (235)

Les origines de la musique remontent très loin. Elle nait de la mesure et prend racine dans le grand Un. Le grand Un engendre les deux pôles, les deux pôles engendrent les forces du sombre et du clair.

Lü Buwei (291-235 ACN), Annales du Printemps et de l’Automne.

Gustav Klimt (1862-1918), Musique, 1895.

Richard Strauss (1864-1949), Vier letzte Lieder, I. Frühling (Printemps) sur un poème de Hermann Hesse, interprété par Sandrine Piau et l’Orchestre Victor Hugo, dirigé par Jean-François Verdier.

Dans les tombes crépusculaires
J’ai longtemps rêvé
De tes arbres et de tes ciels bleus,
De ton parfum et de tes chants d’oiseaux.

Maintenant accessible tu es là,
Brillant et gracile,
Inondé de lumière
Comme une merveille devant moi.

Tu me reconnais,
Tu m’attires doucement,
Je frissonne de tous mes membres
De ta bienheureuse présence.

Hermann Hesse (1877-1962)

Les phrases de ce Chinois nous rappellent assez clairement les origines et le sens réel, à peu près oublié, de toute musique. Comme la danse et comme tout exercice artistique, la musique a été, dans les temps préhistoriques un art magique, une de vieux et légitimes moyens de la magie. En commençant par le rythme (battement des mains, frappement des pieds, heurt de castagnettes, tambours primitifs), elle était un procédé puissant et éprouvé pour « accorder » des groupes, des foules d’hommes, pour harmoniser leur respiration, les battements de leur cœur et leur état d’esprit, les encourager à implorer et évoquer les puissances éternelles, à entrer dans la danse, à marcher au combat sportif, à la guerre, célébrer un culte. Et cette nature originelle, antique et pure, cette nature magique, la musique l’a conservée bien plus longtemps que les autres arts. Que l’on se souvienne de ce qu’en ont dit les historiens, les poètes, les Grecs jusqu’à la Nouvelle de Goethe. En pratique, la marche et la dans n’ont jamais perdu leur signification.

Musique du grand Tout et musique des maîtres,
Nous allons t’écouter, servants respectueux,
À notre pure fête ils vont tous apparaître,
Ces esprits de temps plus heureux.

Ton mystère va nous porter vers les nuages,
Écriture magique aux signes convenus,
En qui l’illimité, la vie et ses orages,
En clairs symboles sont fondus.

Ils résonnent là-haut, étoiles cristallines,
Notre vie eut pour sens leur service adoré
Et nul ne peut tomber de leurs sphères divines
Sinon vers le centre sacré.

Hermann Hesse (1877-1962), Musique, traduit par Jean Malaplate, Paris, José Conti, 1999, pp. 87-89.

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