Si le peuple n’a pas de pain, il faut lui donner du gâteau.
Gérard de Nerval, Liège.
Léonard Defrance (1735-1805), Femmes buvant le café (1763), dessus de porte Musée d’Ansembourg, Liège.
Léonard Defrance, né à Liège le 5 novembre 1735 où il meurt le 22 février 1805 (à 69 ans), est un peintre liégeois. Formé par Jean-Baptiste Coclers, il séjourne à Rome, à Montpellier et à Toulouse puis en Hollande, avant de revenir à Liège.
Jean-Noël Hamal (1709-1778), Ouverture da Camera No.5, Op.1 (1743), interprétée par la Camerata Leodiensis, dirigée par Hubert Schoonbroodt.
Jean-Noël Hamal, né à Liège le 23 décembre 1709 où il meurt le 26 novembre 1778, est un compositeur liégeois. Après avoir fait son apprentissage avec son père Henri-Guillaume Hamal (élève de Lambert Pietkin), également compositeur, il devint à six ans chantre de la maîtrise de la cathédrale Notre-Dame et Saint-Lambert sous Henri-Denis Dupont. C’était un ensemble musical de plus d’une trentaine de musiciens, qu’il dirigea de 1737 à 1770. Il a complété sa formation de 1728 à 1731 au Collège liégeois Darchis à Rome, fondé en 1699 par le Chanoine Darchis, où il reçut des leçons de Giuseppe Amadori (1670-1730). Au cours d’un deuxième voyage en Italie, il rencontre le violoniste Niccolò Jommelli et Francesco Durante. De retour à Liège, il devient directeur de la musique de la cathédrale Saint-Lambert et, en 1745, chanoine impérial. Depuis 1738, les membres de la famille Hamal donnaient régulièrement de Grands concerts spirituels à l’Hôtel de ville de Liège. (Wikipédia)
Liège
Avertissement: La ville de Liège que visite G. de Nerval dans la première moitié du 19ème siècle n’est plus la même que celle qu’ont pu connaître Léonard Defrance et Jean-Noël Hamal. Entretemps, la Belgique est née… et le Siècle des Lumières a fait place au Romantisme… Le peintre et le musicien n’ont pas connu la destruction de la Cathédrale en 1794 et lorsque l’écrivain visite la ville, le terrain où elle s’élevait (devant le Palais de justice) est nivelé depuis 1827 à l’exception d’un pan de mur qui se trouvait dans le passage entre le Palais et la Cathédrale… le texte dont je vous propose le début a été rédigé comme un feuilleton et a d’abord été publié dans le journal La Presse en 1841. (JMO)
Allons vite au plus pressé, c’est à dire au plus beau.
La cour du Palais de justice de Liège est un vaste carré long, entouré de magnifiques galeries aux colonnes de granit sculpté; les voutes et les murs sont en brique rouge, sur laquelle se détache la colonnade noire et polie, ce qui rappelle certains palais de Venise. Des boutiques et des étalages garnissent partout les galeries à l’intérieur, comme dans tous les palais de justice du monde. L’extérieur du côté de la place, ne répond pas à ces magnificences: c’est l’aspect d’un hôpital ou d’une caserne, et pourtant, c’est le plus bel édifice de Liège. Il en est de même à peu près des églises, le dehors en est peu remarquable, et trois ou quatre d’entre-elles offrent des intérieurs merveilleux. Je ne me hasarderai pas à les décrire après tant d’autres voyageurs, après Dumas surtout, qui traversa Liège il y a quelques années.
Les habitants de cette bonne cité ne peuvent pardonner à Dumas d’avoir prétendu qu’on ne peut y trouver à dîner qu’à une certaine heure du milieu de la journée, où ces peuples ont l’habitude de prendre leur nourriture; secondement, que le pain y est inconnu, et qu’on n’y mange que du gâteau et du pain d’épices; ensuite que les Wallons, habitant de la province de Liège, ne peuvent souffrir leur compatriotes les Brabançons; enfin que les draps de lit sont étroits comme des serviettes, les couvertures à l’avenant, et qu’un Français ne peut demeurer couvert dix minutes dans un lit liégeois. Il y a pourtant beaucoup de vrai dans ces quatre remarques d’Alexandre Dumas.
Seulement, il aurait pu généraliser son observation pour une grande partie de la Belgique et ménager davantage ces braves Wallons, qui sont pour ainsi dire nos compatriotes, tandis que les Flamands se rapprochent beaucoup plus de la race des peuples du Nord. C’est une chose, en effet, qui frappe vivement le voyageur, qu’à sept lieues de la frontière prussienne on rencontre toute une province où le français se parle beaucoup mieux que dans la plupart des nôtres; le patois wallon n’est lui-même qu’un français corrompu qui ressemble au picard, tandis que le flamand est une langue de souche germanique.
La journée était superbe, et j’ai pu monter à la citadelle pour juger la ville d’un seul coup d’œil. Une longue rue de faubourg qui commence derrière le palais de justice, conduit jusqu’aux remparts d’où l’on découvre toute la vallée de la Meuse. Liège s’étale magnifiquement sur les deux rives avec ses quartiers neufs à droite et ses vieilles maisons aux toits dentelés à gauche de la citadelle et sur l’autre rive du fleuve […] La Meuse est large à peu près comme la Seine et se perd à l’horizon en détours lumineux; la forêt des Ardennes garnit le flanc des collines les plus éloignées, et la vue s’anime encore dans la campagne des vieilles ruines de tours et de châteaux, si fréquentes dans ce pays.
Quant à la citadelle, d’où l’on jouit de ce beau spectacle, elle appartient à ce genre de forteresses tellement imprenables, qu’elles sont invisibles. Aucun touriste n’a jamais su trouver la citadelle d’Anvers, à moins de s’y faire conduire; mais il faudrait du malheur pour ne pas rencontrer celle de Liège, située au sommet d’une montagne! Eh bien! du rempart où j’étais tout à l’heure, et qui présente l’aspect d’un simple coteau, il faut descendre encore par une foule de sentiers obliques pour arriver par une porte masquée dans l’intérieur de la place, enfoncée dans la montagne comme la gorge du Vésuve.
[…]
Gérard de Nerval (1808-1855), Liège. Impressions de voyage, cité par Patrick Corillon dans Le Voyage en Belgique, Paris, Éditions Robert Laffont, Coll. Bouquins, 2019, pp. 355-357.