Un jour… Un chef-d’œuvre (225)

Une flamme bleue s’échappa de la terre et la place resta illuminée…

Nicolas Gogol (1809-1852)

Francisco de Goya (1746-1828), Le Sabbat des Sorcières (1797-98), détail.

Modeste Moussorgski (1839-1881), Une Nuit sur le mont Chauve, interprétée par l’Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Gustavo Dudamel.

Nicolas Vassiliévitch Gogol (1809-1852), La Nuit de la Saint-Jean (extrait)

[…]

Soudain, au lieu du chat, se montra une vieille femme au visage ridé comme une pomme cuite, et courbée en deux, le nez et le menton en casse-noisette.

— Une vraie belle, pensa Petro, et un frisson lui courut dans le dos.

La sorcière lui arracha la fleur, se baissa, et la tenant dans ses mains, l’arrosa d’une certaine eau en marmottant longuement. Des étincelles jaillirent de sa bouche, et l’écume monta à ses lèvres.

— Jette-la, dit-elle à Petre en lui rendant la fleur.

Petrus obéit, et, ô merveille ! la fleur ne tomba pas tout de suite, mais longtemps l’on vit comme une petite boule de feu qui voguait dans l’air ainsi qu’une petite barque au milieu de l’obscurité.

Enfin, tout doucement, elle commença à descendre, et tomba si loin qu’elle n’apparaissait plus que comme une petite étoile de la grosseur d’un grain de pavot.

— Ici ! fit la vieille d’une voix rauque et sourde, tandis que Basavriouk, remettant une pioche à Petre, lui dit :

— Creuse ici, Petre. Tu y trouveras plus d’or que toi et Korje n’en n’avez jamais vu, même en rêve.

Petrus cracha dans ses mains, prit la pioche, appuya de son pied, et retourna la terre, une première, une seconde, une troisième et encore une autre fois… il rencontra quelque chose de dur. La pioche résonna et n’alla pas plus loin. Alors il commença à distinguer une petite caisse cerclée de fer. Déjà il s’apprêtait à la retirer, mais la caisse s’enfonça dans la terre; plus il faisait d’efforts pour la saisir, plus profondément elle descendait. Derrière lui, se fit entendre un rire qui ressemblait plutôt à un sifflement de serpent.

— Non! tu n’auras pas l’or avant que tu ne te sois procuré du sang humain, dit la sorcière, en amenant devant lui un enfant de six ans recouvert d’un drap blanc; et, d’un signe, elle fit comprendre à Petre qu’il devait lui couper la tête.

Le jeune homme resta pétrifié. Non seulement il fallait couper la tête à un être humain, mais encore cet être était un enfant innocent !…

Furieux, il arracha le drap qui couvrait l’enfant et que vit-il ?… Ivas.

Le pauvre petit avait les mains jointes sur la poitrine et la tête baissée !… Hors de lui, Petrus s’élança avec un couteau sur la sorcière; déjà il levait la main…

— Et ta promesse pour posséder la jeune fille? — fit Basavriouk d’une voix tonnante qui tapa comme une balle le dos de Petre.

La sorcière frappa du pied. Une flamme bleue s’échappa de la terre et la place resta illuminée, le sol devint transparent comme du cristal et tout ce qui était au-dessous, devint aussi visible que sur la main. Des écus, des pierres précieuses étaient entassés dans des caisses, dans des chaudières, juste sous les pieds. Les yeux de Petrus flamboyaient, sa tête se troubla. Affolé, il saisit son couteau et le sang innocent jaillit sur sa figure.

Des rires diaboliques retentirent de tous côtés. Des monstres affreux sautèrent en bandes devant lui. La sorcière, enfonçant ses griffes dans le corps décapité, en but le sang comme une louve… Tout tourna dans la tête de Petre ; réunissant ses forces, il se mit à courir ; tout devant lui se couvrait d’une couleur rouge. Les arbres ensanglantés flambaient en gémissant ; le ciel embrasé tremblait… Des taches de feu passaient comme des éclairs devant les yeux de Petre. À bout de forces, il rentra en courant dans sa chaumière, et comme une gerbe, il tomba par terre. Un sommeil de mort l’envahit aussitôt.

[…]

Nicolas Vassiliévitch Gogol (1809-1852), La Nuit de la Saint-Jean, Histoire vraie racontée par le sacristain de l’église de ***, 1830.

Modeste Moussorgski (1839-1881)/ Walt Disney (1901-1966), Une Nuit sur le mont Chauve dans Fantasia, 1941.

Ce balai chamarré fut la propriété de la soi-disant sorcière Olga Hunt vivant à Maneton, village du Devon (Angleterre) au XXe siècle. Elle l’utilisait dit-on pour rôder autour de Dartmoor lors d’une pleine lune (évidemment), effrayant tous ceux qui croisaient son chemin. Étonnement, aucune preuve photographique n’a jamais pu être faite de ce prodige… Balai conservé au Museum of Witchcraft & Magic, Boscastle, Cornwall.