Un jour… Un chef-d’œuvre (135)

C’était inévitable: le piano finit par en avoir marre de l’homme!

Dieter Hildebrandt, Le Roman du piano, 2003.

Auguste Renoir (1841-1919), Jeunes filles au piano, 1892 (détail).

Ignaz Friedman (1882-1948) joue La Campanella de Franz Liszt (rouleau et piano mécanique Steinway Duoart Pianola)

 

Rouleaux pour piano mécaniques comprenant de grands compositeurs jouant leurs propres œuvres et de grand interprètes (Musées des Instruments mécaniques à Utrecht).

QUATRIÈME ÉPISODE

Cohen (le n ° 30) entre ; il se met au piano sans regarder le clavier, joue son concerto très bien, et, après le dernier accord, au moment où il se levait, ne voilà-t-il pas le piano qui se met à recommencer tout seul le concerto ! Le pauvre jeune homme avait fait le brave ! mais, après être resté comme pétrifié un instant, il a fini par se sauver à toutes jambes. A partir de ce moment, le piano dont le son augmente de minute en minute, va son train, fait des gammes, des trilles, des arpèges. Le public, ne voyant personne auprès de l’instrument et l’entendant sonner dix fois plus fort qu’ auparavant, s’agite dans toutes les parties de la salle ; les uns rient, les autres commencent à s’effrayer, tout le monde est dans un étonnement que vous pouvez comprendre. Un juré seulement, du fond de la loge ne voyant pas la scène, croyait que M. Cohen avait recommencé le concerto, et s’époumonait à crier : « Assez ! assez ! assez ! taisez-vous donc ! Faites venir le n° 31 et dernier. Nous avons été obligés de lui crier du théâtre : « Monsieur, personne ne joue ; c’est le piano qui a pris l’habitude du concerto de Mendelssohn et qui l’exécute tout seul à son idée. Voyez plutôt. – Ah ça, mais c’est indécent ; appelez M. Érard. Dépêchez-vous ; il viendra peut-être à bout de dompter cet affreux instrument. »

Nous cherchons M. Érard. Pendant ce temps-là, le brigand de piano, qui avait fini son concerto, n’a pas manqué de le recommencer encore, et tout de suite, sans perdre une minute, et toujours, toujours avec plus de tapage ; on eût dit de quatre douzaines de pianos à l’unisson. C’étaient des fusées, des tremolo, des traits en sixtes et tierces redoublées en octaves, des accords de dix notes, des triples trilles, une averse de sons, la grande pédale, le diable et son train. (… la fin dès demain!)

Hector Berlioz, Les Soirées de l’orchestre, 1852.

Plaque commémorative Liszt chez Érard au n° 11 de la rue du Mail, Paris 2e.