Heitor Villa-Lobos

 

La tournée de l’OPL en Amérique du sud me rappelle, avec un brin de nostalgie, que j’ai beaucoup joué la musique des grands compositeurs pour guitare du continent. Plus que cela, ils faisaient vraiment partie de ma vie de tous les jours car ils constituent un répertoire bien plus vaste pour les guitaristes que celui de la musique espagnole somme toute (et paradoxalement) pas si étendu qu’on le croit. 

Que ce soient les préludes de l’uruguayen  Abel Carlevaro, les superbes sonates, préludes et thèmes variés du mexicain Manuel Maria Ponce ou les études et œuvres diverses du célèbre Heitor Villa-Lobos, cette musique respire la vitalité. Attention ! je ne veux pas dire par là que cette musique relève de l’optimisme naïf que l’on attribue (à tort souvent) aux musiques latines. Au contraire, elle fait une unique synthèse entre les styles occidentaux les plus modernes et les chants traditionnels souvent remplis de tendresse et de mélancolie. 

Heitor Villa-Lobos est né à Rio de Janeiro en 1887 et mort dans la même ville en 1959. Il est sans doute le compositeur brésilien le plus connu. Il apprend le piano, le violoncelle et la clarinette auprès de son père, un mélomane d’une vaste culture. Mais c’est auprès des musiciens de rue que le jeune homme découvre sa vocation artistique. Il fuit le domicile familial (sa mère le voyait plutôt médecin) pour entamer un long voyage d’aventurier dans les régions les plus reculées du Brésil. Les commentaires du compositeur sur son voyage sont le témoignage d’une personnalité démonstrative (il raconte entre autres des aventures face aux crocodiles ou aux tribus de cannibales… ! Pourquoi pas ?) Devenu musicien de tavernes et de restaurants, il exploite les innombrables mélodies recueillies tout au long de son périple.


Heitor Villa LobosHeitor Villa-Lobos


Bien qu’il finisse par étudier au très sérieux Institut National de Musique de Rio, son style ne ressemblera jamais à la norme académique :  « Je trouvais stupide d’imiter Beethoven…Ma musique est naturelle, comme une chute d’eau ». 

Au retour d’un nouveau voyage en 1912 en Amazonie, il commence à surprendre son entourage par sa musique toute particulière. Ce n’est pourtant qu’en 1923 qu’il obtient une bourse pour voyager en Europe, et s’installer pour trois ans à Paris. C’est alors le grand retour au pays. Il entame alors sa plus grande mission. Elle est pédagogique et politique. Il prend en charge la vie musicale de son pays en organisant l’enseignement musical dans les écoles dès le plus jeune âge. Il fonde de nouvelles institutions musicales mais continue à composer. Son art fut donc au service d’une pédagogie basée sur la culture brésilienne (composition de chants pour des chorales scolaires) faisant de ses compatriotes des musiciens dynamiques et confiants en leurs possibilités. C’est encore cet héritage là qui donne aujourd’hui ce dynamisme, cette fierté et cette efficacité soulignée par Jean-Pierre Rousseau sur le blog de la tournée.


 

 Villa-Lobos et VarèseVilla-Lobos et Varèse


Les années 1940 sont pour Villa-Lobos la décennie du succès. Glorifié dans son pays, il l’est aussi à l’étranger où il est invité à donner des concerts. Pour ses septante ans, les autorités brésiliennes décrètent une « Année Villa-Lobos ». Il est même sollicité à Hollywood. Il compose ma musique du film « Vertes demeures » en 1959. Il s’éteint à la fin de cette année en laissant derrière lui un millier d’œuvres de toutes sortes souvent imprégnées du folklore latin mais teintée des influences de Bach, son compositeur préféré, et des découvertes occidentales (harmonie de Debussy et Ravel) reçues lors de son voyage européen. Il a touché à tous les domaines de la production musicale et nous ne connaissons aujourd’hui qu’un nombre limité de ses œuvres. Les fameuses Bachianas Brasileiras pour diverses formations sont passées à la postérité grâce à la célèbre cinquième pour voix soprano) et huit violoncelles (son instrument préféré). Nous pouvons aussi écouter ses nombreux quatuors et ses douze symphonies. Son concerto pour guitare et orchestre est peut-être le plus beau jamais composé.


 Victoria de Los Angeles chante la Bachianas n°5

 

 


Les douze études pour guitare furent composées à Paris en 1929. Elles avaient été commandées par le célèbre guitariste Andrès Segovia. Le niveau g&eac
ute;néral des guitaristes du début du XXème siècle était loin d’égaler en virtuosité celui des autres instrumentistes et ceci à cause de la faible place accordée à l’instrument dans le petit cercle de la musique classique de la part des compositeurs du XIXème siècle. Villa-Lobos n’eut aucune peine à assimiler les particularités techniques de la guitare. Le génie développé dans ces études fut tel qu’elles comptent aujourd’hui parmi les œuvres les plus populaires du compositeur. Elles sont, comme les études de Chopin pour les pianistes, devenues incontournables pour les guitaristes actuels. Non seulement, elles constituent des exercices techniques de haute voltige, référence pour les musiciens, mais elles sont surtout de superbes miniatures représentatives du style si particulier de son compositeur.


   John Williams joue la première étude pour guitare