Giacomo Puccini

On connaît l’extraordinaire efflorescence de l’opéra en Italie dans les premières décennies du XIXème siècle. L’apogée du bel canto sous la plume de Rossini, Bellini et Donizetti avait permis non seulement l’éclosion d’un art du chant particulièrement original mais aussi un resserrement de l’action sur la scène au profit de la dramaturgie. L’ère des castrats ambitieux et capricieux se terminait laissant place aux divas, non moins capricieuses certes, mais désormais au service d’une action qu’il fallait rendre de plus en plus crédible. La pensée romantique, cherchant, dans la tragédie humaine, l’expression des passions ordonnait un travail de fond sur les structures opératiques censées les porter sur la scène.

Ainsi, la popularité de l’opéra amena l’Italie à faire vivre plus de mille maisons d’opéras dans les années 1840. Le nombre de représentations pour un théâtre de premier plan dépassait le nombre de 200. Rien qu’à Lucques, la ville de Puccini, deux théâtres fonctionnaient à plein régime proposant une centaine de représentations chaque saison. On y jouait certes les œuvres italiennes, mais certains français avaient les faveurs du public.

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Statue de Puccini à Lucques

Pourtant, dans la seconde moitié du siècle, dans la jeunesse de Puccini, les théâtres subirent une crise sans précédent. De nombreuses salles durent fermer, les impresarios étaient en faillite et les compositeurs devinrent plus rares. Même la fameuse Scala de Milan fut obligée de fermer durant une saison entière! Cependant, c’est l’époque où l’un des plus importants compositeurs italiens, Giuseppe Verdi, entra en activité pour rénover complètement l’opéra et le débarrasser de ses lourdeurs anciennes. C’est grâce à lui que la carrière de Puccini se décida.


Verdi, Aïda, début

En 1876, Giacomo Puccini a 18 ans. Il se rend à pied à Pise (25 km de Lucques) pour écouter Aïda de verdi qui avait été créé au Caire en 1871. Verdi était alors considéré par les italiens comme le plus grand compositeur vivant et si Aïda n’est pas son opéra le plus moderne, il montrait comment l’orchestre, un réseau serré de leitmotive et une exemplaire construction de l’argument pouvaient redonner du lustre aux tragédies mises en musique. Ce fut la révélation.

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Caruso dans La Fanciulla del West

Puccini, dont l’amour de l’orchestre lui avait fait envisager sérieusement une carrière de symphoniste, avait trouvé là l’alpha et l’oméga de la musique dans l’alliage particulier qu’en faisait maestro Verdi. Mais il put aussi découvrir la musique de Richard Wagner qui commençait tout doucement à être donnée en Italie après maintes et maintes péripéties et cabales de toutes sortes. Autant dire que la dimension orchestrale et le chant continu du compositeur allemand fut une confirmation et une nouvelle influence pour lui. Il en résulta sa première tentative, Le Willi, en 1884, œuvre certes inégale et peu appréciée de ses contemporains, mais déjà révélatrice du style puccinien et du nouveau rôle confié à l’orchestre, entre Verdi et Wagner.

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Puccini et Toscanini

Un seul homme, mais le bon, avait vu juste à travers cette première œuvre. Le tout puissant éditeur Giulio Ricordi convoqua Puccini, lui proposa un contrat alléchant, lui fit rencontrer les grands librettistes Illica et Giacosa et devint tout simplement un père et ami pour le jeune compositeur. Il en résulta Manon Lescaut, œuvre dans laquelle le style s’affirme et les personnages prennent des configurations typiques des œuvres de la maturité.

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Arturo Toscanini

Mais c’est entre 1892 et 1895 que Puccini et ses librettistes travaillent sur les Scènes de la vie de bohème de l’écrivain français Henry Mürger. C’est à l’occasion du travail sur La Bohème, sa première œuvre vraiment emblématique que Puccini rencontra Arturo Toscanini (1868- 1957) qui en assura la création à Turin en 1896. Le jeune chef d’orchestre faisait partie de la « giovane scuola », à la recherche des véritables émotions, de l’expression vraie. Très tôt, il avait assimilé toute l’œuvre de Verdi et connaissait très bien celle de Wagner. Il était cultivé et autoritaire. Il était donc le chef idéal pour mener à bien les nouvelles créations de Puccini qui ne dirigera jamais lui-même ses œuvres. Il devint donc l’homme de confiance du compositeur. Pourtant, leurs idéaux humains et politiques étaient très différents. Puccini était peu impliqué politiquement et assez peu patriote. C’était tout le contraire de Toscanini qui militait pour les causes italiennes. Il reprocha à Puccini son manque d’intérêt et ils se perdirent de vue plusieurs années avant de se retrouver au Metropolitain de New-York pour la création de La Fanciulla del West (La Fille du Far West) en 1910 avec Enrico Caruso.


Après La Bohème, tous les opéras de Puccini furent accueillis avec un succès considérable dans le monde entier (souvent plus qu’en Italie). Cette gloire internationale lui donna l’occasion de voyager beaucoup, de rencontrer ses nombreuses maîtresses et d’échapper à sa jalouse épouse… Tosca, Madama Butterfly, La Fanciulla del West, Il Trittico, La Rondine et Turandot, laissé inachevé à sa mort en 1824, témoignent, rien que par leur nom de l’importance de Puccini dans l’histoire de l’opéra.

À suivre…