Incompréhension!

Heureusement que la musique est là pour nous consoler, pour détourner notre attention de ce qui se passe autour de nous. Pourtant, il est indispensable de rester connecté à cette réalité qu’on aimerait tant être toute autre.

D’abord ce drame humain, profondément tragique qui a vu tout récemment la disparition et la mort de deux enfants engloutis dans la Meuse. Qu’y a-til de plus douloureux que la perte d’un enfant? Leur seul crime ? Ils jouaient près du fleuve malgré l’interdiction que leur avait faite leurs parents. La cause ? La chute d’une petite fille attirée par un objet tombé dans l’eau et le geste fraternel et héroïque mais inconscient de sa sœur sautant dans l’eau glacée et agitée par un courant rapide  consécutif aux récentes crues pour la sauver. Tâche hélas impossible. Les services de pompiers et la protection civile les recherchent toujours… sans succès jusqu’à présent. Pire, la tragédie est encore augmentée par la mort d’un des plongeurs en plein travail. Quand la mort rôde… impossible de lui échapper!

Et on comprend, on ressent, on pleure face à cette inéluctable destinée. On pleure avec les parents, avec les frères et les sœurs des enfants victimes, avec l’épouse et l’enfant du plongeur. On aimerait leur dire quelque chose. On voudrait faire quelque chose pour eux… mais tout semble si vain face à l’éternelle douleur.

 

G. Mahler, Kindertotenlieder, sur des textes de F. Rückert

 


 

 


Quand ta petite mère
Arrive sur le pas de la porte
Et que je tourne ma tête
Pour la voir,
Mon regard ne tombe pas
D’abord sur son visage,
Mais sur l’endroit
Plus près du seuil,
Là où serait
Ton cher visage,
Quand rayonnante de joie
Tu rentrais avec elle,
Comme d’habitude, ma petite fille.

Quand ta petite mère
Arrive sur le pas de la porte,
Avec la lueur d’une bougie,
Il me semble toujours
Que tu arrives aussi
Te glissant derrière elle,
Juste comme tu entrais dans la chambre !
Ô toi, élément de ton père,
Hélas, trop vite
Éteinte, lumière de joie !


 

Douleur sans fin, c’est bien de cela qu’il s’agit. Jeudi, on commémorait le triste anniversaire de la terrible explosion de la rue Léopold à Liège. Sobre cérémonie, inauguration d’un monument tout aussi sobre, juste devant la plaie béante au cœur de Liège. Plaie encore bien ouverte. Là aussi, la mort était au rendez-vous. Décidément, les hivers liégeois drainent des drames humains insupportables. Les témoignages entendus ces derniers jours restent terribles un an après. Les plaies ne sont pas cicatrisées. Une jeune fille, les larmes dans les yeux se demandait encore pourquoi son « amoureux » avait disparu dans les décombres alors qu’elle vivait… ou plus exactement ne parvenait plus à vivre sans lui ! Une mère pleure sa fille, des parents pleurent leurs enfants. On dit que le temps efface les souffrances. Ce n’est pas vrai. Les êtres humains parviennent à vivre en supportant la douleur. Si on vous arrache un bras, vous n’oublierez jamais ce membre absent. Vous vivrez, vous supporterez ce handicap, mais jamais vous ne pourrez vivre comme si rien ne s’était passé. Et là aussi, les pompiers ont fait la démonstration de leur humanité… en accomplissant leur métier… en risquant et en perdant parfois leur vie pour sauver celle des citoyens. N’est-ce pas là, au-delà d’un métier, une vocation, un sens du devoir, un respect de la vie et de l’être extraordinaire. Ce n’est pas pour rien si ces pompiers ont été désignés comme les liégeois de l’année par la population elle-même. Ils le sont. On ne pouvait pas ne pas leur accorder cet honneur, symbole ultime du service à la collectivité.

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Stèle commémorative à Liège

Plus loin de chez nous, certes, l’Afrique du nord semble s’embraser. La Tunisie, l’Algérie, l’Égypte, le Yémen ? Qui sera le prochain ? Les régimes tyranniques ont vécu. Le peuple a besoin d’autre chose, de manger d’abord, de vivre ensuite, tout simplement. Insupportables ces dictateurs qui dont l’indécente richesse contraste et va de pair avec l’immense pauvreté du peuple. Et là aussi, certains sont prêts à mourir pour que les autres vivent. Ils sont les héros du peuple, les martyrs de la révolution. Mais attention, le retour de manivelle n’est pas loin. Les islamistes radicaux veillent et attendent leur heure pour mettre le grappin sur ces peuples sous le couvert de la foi, et les amener à une nouvelle servitude. S’ils s’en défendent, si le peuple semble déterminé à conquérir la liberté, tout peut basculer très vite. Ce qui est en train de se passer là-bas est déterminant pour l’avenir du monde dans les dix prochaines années.

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Je suis bien conscient que toutes ces phrases sont banales, qu’elles ont été dites par des dizaines de commentateurs et qu’elles n’apportent rien de nouveau. Et je ne les dis que parce qu’elles me touchent profondément. Elles me bouleversent dans mon état d’être humain. Comment rester indifférent ? Le faut-il ? Impossible ! Alors, de temps en temps, quand l’envie me tenaille, j’en parle, j’écris ce ressenti avec toute ma sincérité.

Cette vérité de la souffrance humaine, c’est bien autre chose que la débilité de notre situation politique. Les phrases des uns et des autres, les provocations, la langue de bois, l’incompétence des uns et des autres, l’ignorance totale des besoins de la population, l’exposition du pays aux dangers économiques, financiers et autres, la sourde oreille et/ou la récupération des messages des manifestants plongent le pays dans l’incertitude. SHAME ! Si nous, dans votre métier, nous montrions la même incompétence et incurie vis à vis l’entreprise ou l’organisme pour lequel nous œuvrons, nous serions virés sur le champ pour faute grave… ! Les conséquences, nous les verrons d’ici quelques mois. Pour l’instant, il règne une curieuse ambiance d’indifférence, de fatalisme et même d’insouciance !

Alors oui, décidément oui, honte à tous ceux qui, pour des raisons qui ne sont même pas claires pour le commun des belges (alors pour les autres… vous imaginez !), dévalorisent notre pays. Honte à tous ceux, qu’ils soient francophones, néerlandophones, wallons, bruxellois, flamands, ou tout à la fois, n’ont pas encore compris qu’à l’heure où le monde change, les gens n’ont que faire de vos querelles de clocher. Ils attendent un signal fort, un travail efficace, un traitement des problèmes essentiels, et, s’il reste encore un peu de temps et de force, un peu d’humanité, un peu d’unité pour conserver la richesse de notre diversité. Quand un homme meurt ou souffre tragiquement, qu’il soit wallon, flamand, tunisien, russe ou camerounais, quelles que soient ses opinions politiques, spirituelles ou sexuelles, c’est un échec qui doit nous toucher au plus profond de nous-mêmes. Quand on aura compris, …euh…senti cela, le monde tournera peut-être un peu plus rond ! Cela commence par chez nous… ! … Allez, bon, je retourne à la musique… conférence à Wavre sur le Bel Canto ce soir à 17H … Voilà le plaisir à l’état pur !