Je vous parlais récemment des mains qui disent tout de l’homme. Leur usage touche à toutes ses activités et révèlent toutes ses expressions. En lisant le bel ouvrage de Pierre Lemarquis intitulé Sérénade pour un cerveau musicien, je retrouve une idée qui m’est chère, à savoir que l’usage que nous faisons de nos mains dépend non seulement de qui nous sommes, mais encore de la manière dont notre cerveau fonctionne. C’est en effet ce dernier qui commande tout et qui tient compte, dans les ordres qu’il envoie aux organes, de nos particularités physiques, de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons devenir. Ces quelques exemples montrent avantageusement cette direction totale que le cerveau impose à notre corps pour une optimisation formidable de nos performances.
« Frédéric Chopin, d’après le professeur Renzo Mantero, spécialiste de la chirurgie de la main, s’est plaint dans une lettre sur la fin de sa courte vie d’avoir un gros nez et un quatrième doigt impotent: il nous montre des moulages des mains du pianiste qui permettent de constater effectivement la présence d’un quatrième doigt grêle et d’un index très développé. L’étude des partitions confirmerait la sous-utilisation du doigt paresseux.
Moulages de la main gauche de Chopin
Rachmaninov, lui, pouvait étendre sa main sur treize intervalles de notes. Paganini, atteint d’une maladie génétique qui augmentait l’élasticité de ses tissus, pouvait contrôler jusqu’à la courbure de ses phalanges et littéralement tordre ses doigts en Z.
Mains de Serge Rachmaninov
Django Reinhardt poursuivit sa carrière de guitariste virtuose après avoir perdu trois doigts dans l’incendie de sa roulotte. Liszt donna un concert éblouissant sans se servir d’un doigt qu’il venait de s’entailler en se rasant.
Django Reinhardt
Caricature de Franz Liszt
Quant à Mozart, certains pianistes sont parfois impressionnés par l’apparente simplicité de ses partitions, mais déchantent bien vite quand il s’aperçoivent qu’elles sont en fait écrites pour des mains possédant six doigts« .
W.A. Mozart
Pierre Lemarquis, Sérénade pour un cerveau musicien, Paris, Odie Jacob, 2009, p.52.