Le récit qui termine La République de Cicéron, le Songe de Scipion, est consacré à la représentation de la clef de l’Univers. Il met en scène le petit-fils du héros Scipion l’Africain qui, engourdi dans un sommeil profond, rêve d’une conversation avec son grand-père qu’il n’a pas connu. Ce dernier lui explique alors l’essence de l’univers et… elle est musicale, en droite descendance des propos de Platon qui, lui-même, les tenait de Pythagore.
Cicéron
Le Rêveur : « Quel est ce grand et délicieux son qui m’emplit les oreilles ? »
Scipion l’Africain : « C’est une harmonie de tons séparés par des intervalles inégaux mais cependant soigneusement proportionnés, causée par le mouvement rapide des sphères elles-mêmes. Les sons aigus et graves mélangés ensemble produisent différentes harmonies. Bien entendu, des mouvements rapides de ce genre ne pouvaient pas être accomplis en silence et, comme le réclame la nature, les sphères produisent, à une extrémité les sons graves et à l’autre les sons aigus.
En conséquence, la sphère la plus à l’extérieur, celle qui porte les étoiles, avec son mouvement plus rapide émet un son haut perché, tandis que la sphère lunaire, la plus basse, a le son le plus grave. Bien entendu la Terre, la neuvième sphère, la stationnaire, s’accroche toujours à la même position au centre de l’univers. Les huit autres sphères, dont deux bougent à la même vitesse, produisent sept sons, ce nombre étant, pourrait-on presque dire, la clef de l’Univers.
Des hommes expérimentés en imitant cette harmonie sur des instruments à cordes et par le chant, ont conquis pour eux un retour à ce berceau, tout comme ceux qui ont cultivé leurs capacités exceptionnelles en les consacrant à la recherche des vérités divines.
Dessin montrant les rapports entre les sphères constituant l’univers et les proportions musicales les régissant en rapport avec le monocorde de Pythagfore
Les oreilles des mortels sont pleines de ce son, mais elles sont incapables de l’entendre. De fait, l’ouïe est le moins aiguisé de tous les sens : regardez le peuple qui demeure dans la région appelée Catadupa, où le Nil dévale des hautes montagnes ; ils ont perdu le sens de l’ouïe à cause du rugissement des flots. Mais le son venant des sphères célestes qui tournent à des vitesses très rapides est, bien sur, si grand que des oreilles humaines ne peuvent le saisir ; autant essayer de fixer directement le soleil, dont les rayons sont beaucoup trop forts pour nos yeux ».