Trois concerts et puis s’en vont (Festival J+5)

 

Le dernier jour d’un festival a toujours quelque chose de particulier. Un soupçon de nostalgie, déjà, un sentiment de joie intense due au bonheur semé par les musiciens et un espoir d’encore, au cours de la dernière journée, vivre d’intenses émotions musicales, artistiques et humaines. Tout cela fut au rendez-vous… et de quelle manière !

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Et pour finir en beauté, j’avais désiré organisé trois concerts très différents, trois voyages encore, trois destinations. La première nous plongeait, avec Elena Lavrenov et Ashot Khachatourian, en plein dans le 19ème siècle de Beethoven et Franck. La seconde était thématique. Dominique Swinnen et Jean Schils parcouraient, à deux et quatre mains, le thème de la nuit, avec en prime, la création d’une œuvre de Marcel Cominotto. Quant à la dernière, je l’avais confiée à l’Orchestre à cordes de l’ULg (CIMI) dirigé par Sophie Pirard et avec Samuel Denis en soliste, elle avait un parfum baroque et festif. Nous avions dû, au préalable, démonter l’estrade trop exiguë pour nos 21 musiciens !

L’après-midi débutait donc avec un récital violon et piano. Elena Lavrenov (violon) est une habituée de notre scène et une valeur sûre. Elle s’y est produit avec grand succès à de nombreuses reprises. Par contre, nous ne l’avions jamais entendue en compagnie de celui qui sera bientôt son époux, le formidable pianiste Ashot Khachatourian.

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Photographie J. Cadet

C’est lui qui débutait seul le programme. Une très impressionnante Sonate n°28 op.101 de L. van Beethoven qu’on n’est pas prêts d’oublier. Ashot possède un jeu d’une incroyable clarté et d’une précision diabolique. Très puissants mais toujours nuancés, les sons qu’il déverse avec un exceptionnel sens de la structure font vivre avec passion le monument pianistique qu’est cet opus 101. L’œuvre sonne comme rarement et laisse le public pantois, ébouriffé par une prestation bouillante, passionnée et passionnante.

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Photographie J. Cadet

Quand Elena monte sur scène pour le rejoindre, c’est une tempétueuse et très tendue Sonate de C. Franck qu’ils nous offrent. Impossible d’échapper à la passion, cette fois doublée d’un violon précis, juste, lui aussi puissant et emporté dans les hautes sphères de la musique. Ayant entendu maintes fois cette sonate en concert et l’ayant bien souvent commentée, je ne l’avais jamais sentie si intensément tragique ! Là encore, les auditeurs semblent hallucinés par leur jeu et l’évidente complicité.

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Photographies J. Cadet

Car cette Sonate est tout sauf un simple solo de violon. Le piano y est très élaboré et formidablement virtuose. Les phrases, les harmonies et les rythmes de Franck, au service des thèmes générateurs et cycliques, donnent aux quatre mouvements une unité que nos musiciens ont pensé comme un fleuve unique, animé d’un puissant courant contre lequel il est illusoire de lutter. La trajectoire qu’ils tracent nous emporte et nous fait chavirer… et beaucoup de propos d’entracte le souligneront : l’intensité de l’émotion en a submergé plus d’un. On y oublie le violon et le piano, on accède à l’essence de la musique !

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Photographies J. Cadet

Après ce début en fanfare, nous recevions, là encore, de véritables amis et musiciens d’exception. Dominique Swinnen et Jean Schils nous avaient une nouvelle fois fait l’honneur de jouer pour nous. Ils avaient concocté un programme thématique, des Musiques de nuit. En alternant les formules, ils nous proposaient de superbes Mozart, Schumann, Debussy, Chopin, Moussorgski, Poulenc et Piazzolla. On sent, dans leur quatre mains, une complicité de longue date et une musicalité à toute épreuve. À les écouter, on croit que jouer du piano est simple comme bonjour. Aucun effort ne semble les troubler. Grand moment du festival, cette Nuit sur le Mont Chauve absolument stupéfiante… là encore hallucinée… diabolique et fantastique ! Outre la précision du jeu de Dominique et Jean, ce qui frappe c’est aussi le sens de la nuance. Ils parviennent à faire rugir le piano, à lui donner tous les accents d’une danse satanique et à retrouver, l’instant d’après, la transparence du lever du jour. Incroyable !

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Photographie A. Mafit

Jean Schils est un magicien. Il ne bronche pas quand il joue et tout passe comme naturellement par le son chaud et riche de son piano. La technique est oubliée et laisse ses deux Nocturnes de F. Chopin pénétrer l’âme tant le son possède de présence. On se dit que c’est ainsi qu’il faut jouer les Nocturnes… ceux de Poulenc aussi avec, en transparence, une formidable prosodie du discours. Fortement attentif de longue date à cet aspect de la musique, je retrouve, dans son jeu, tous les aspects que la définition du mot suggère (La prosodie est l’inflexion, le ton, la tonalité, l’intonation, l’accent, la modulation que nous donnons à notre langage oral en fonction de nos émotions et de l’influence que nous désirons avoir sur nos interlocuteurs. En outre, c’est l’étude des traits phoniques, c’est-à-dire l’étude du rythme (vitesse d’élocution), de l’accent et de l’intonation. Wikipédia). Si elle s’applique au discours oral (vous comprenez pourquoi cela m’intéresse au plus haut point), elle offre également à la musique une proximité expressive qui vous entraîne et qui rend le discours cohérent. Jean Schils possède cet aspect comme peu de musiciens actuels.

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Photographie A. Mafit

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Photographie J. Cadet

Dominique est une musicienne toujours très curieuse. On entend dans son Debussy (La terrasse des audiences du clair de lune) toute la recherche des timbres et des couleurs. Subtilités et transparence au service de la couleur ! Mais lorsqu’elle entre dans les tangos de Piazzolla, elle déchaîne un tempérament de feu et nous donne, dans les rythmes irrésistibles, l’envie folle de danser et dans les parties mélancoliques, l’envie de pleurer ! N’est-ce pas là la substance tragique et sensuelle du tango ?

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Photographie J. Cadet

Marcel Cominotto, compositeur et pianiste bien connu, avait composé pour Dominique et Jean une Pièce pour piano à quatre mains. D’un commun accord, ils avaient décidé de la créer dans le cadre de leur récital chez nous ! C’était un grand honneur et un geste magnifique d’amitié pour notre modeste festival. J’avais dès lors invité Marcel à venir présenter son œuvre et parler un peu de son approche de la composition musicale. Son discours est limpide. Il rappelle que le compositeur est un homme et que sa musique, en conséquence, raconte l’Homme. Naturellement, elle possède un sens que chacun, dans son for intérieur découvrira. Sa pièce, À l’aube du crépuscule, est directement liée à sa vie, à son âge et propose donc une réflexion sur le temps.

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Photographie A. Mafit

C’est une constante chez Marcel Cominotto. Dans toute son œuvres, la musique se ramifie au passé dont elle est héritière. Sans jamais sonner comme celle d’un de ses prédécesseurs ou collègues, on entend, ci et là, des réminiscences qui peuvent aller de Bach (dans certaines imitations polyphoniques) à Ligeti et qui contribuent à fixer le discours dans le patrimoine sonore de l’auditeur. Ce n’est sans doute pas pour rien que notre homme est aussi professeur d’écritures au Conservatoire royal de Liège.

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Photographie J. Cadet

Et lorsqu’on l’interroge sur la difficulté terrifiante de la pièce, il répond avec simplicité et… malice, qu’avec deux pianistes qui savent tout faire, il n’a aucune contrainte d’écriture. À l’aube du crépuscule demande de la part des interprètes, une véritable fusion où toutes les notes, toutes les phrases, les rythmes et les motifs ne forment qu’un discours d’une intense cohérence. Le public apprécie et applaudit à tout rompre ! Longue vie à une œuvre qu’on se réjouit d’entendre à nouveau !

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Photographie A. Mafit

C’était ensuite l’heure de vérité pour tous ceux qui avaient acheté des billets de tombola et qui espéraient gagner les formidables quatre gros lots offerts par le maître Wenhai Zhang dont les élèves exposaient les merveilles de l’Orient. De l’avis unanime de tous ceux qui ont déambulé dans cette exposition de calligraphie et d’art chinois, chaque œuvre a rehaussé le festival d’un voyage onirique unique qui a plongé nombre de visiteurs dans la contemplation d’une Chine mystérieuse et fascinante. Bravo à tous !

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Photographie A. Mafit

Donc, après le tirage de la tombola réalisé par la main innocente de Pablo, le fils de Dominique et Jean, nous clôturions le festival par un feu d’artifice sonore. Nous recevions pour la circonstance l’Orchestre de chambre de l’Université de Liège. Constitué essentiellement d’amateurs, au sens le plus noble du terme, l’ensemble d’une vingtaine de musiciens, jeunes et moins jeunes, nous proposait sous la direction de Sophie Pirard, un superbe et délicat programme.

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Photographie A. Mafit

Dès les premières notes, l’orchestre montre toute sa cohésion. Il possède une véritable couleur, une identité. Trop souvent, les orchestres de ce type laissent voir leurs faiblesses dans les phrasés, dans la justesse des cordes, dans la précision des coups d’archet et dans l’équilibre des parties. Rien de cela ici ! Le travail est soigné et la direction de Sophie exemplaire. Ça respire, ça chante, la nuance est présente et la virtuosité de certains passages de Vivaldi et Haendel séduit et impressionne.

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Photographie A. Mafit

Clou du concert, l’Été de Vivaldi, périlleux s’il en est, est assuré de main de maître par le violoniste Samuel Denis. Son parcours est étonnant. Voici comment il se présente : « J’ai touché mon premier violon aux ‘Petits Violons de Huy’ sous la direction de Rémy Gramme.
J’ai poursuivi mon apprentissage de l’instrument d’abord au conservatoire de Huy avec Jean-Claude Kromenacker et par la suite au conservatoire de Liège avec Eric Mélon. Au sein de cette dernière institution, j’ai également eu l’occasion de recevoir les conseils de Cécile Evrard en musique de chambre.

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Photographies A. Mafit

Parmi mes expériences musicales marquantes : un stage en Israël sous le patronage de Shlomo Mintz. J’ai également suivi une formation complète au piano au conservatoire de Huy avec Anne Wéry. Diplômé ingénieur physicien et docteur en Sciences de l’Ingénieur de l’Université de Liège, je travaille dans un bureau de propriété intellectuelle en tant que mandataire agréé en brevets européens. »

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Photographies A. Mafit

Son jeu est sûr, virtuose et plein d’esprit. L’orchestre lui répond avec la même sûreté et parvient à garder sa cohésion dans l’orage final si difficile. Bravo ! Le concert s’achève sur l’étrange Capriol Suite de Peter Warlock, un ensemble de danses de la Renaissance et du Baroque orchestrées pour les cordes. Un moment fabuleux, devant une salle plus que comble qui applaudit à tout rompre ce superbe moment de musique… et le festival désormais terminé.

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Et quand les derniers sons s’évanouissent, que les projecteurs s’éteignent, il reste un parfum de trop peu ! Mais le bonheur triomphe, celui d’avoir mené tout ça à bien, d’avoir été entouré de tous ces passionnés qui aident, se dévouent, s’impliquent dans la bonne humeur et qui finissent pas se reconnaître amis. Le Festival Voyages d’été, chacun en conviendra, c’est un esprit qui fait la part belle à la convivialité et à la rencontre, en toute simplicité, entre les artistes et les spectateurs… Chacun a le sentiment qu’au-delà des concerts, plus loin que les sons et les images, c’est encore l’être humain qui est gagnant ! Et ça, c’est ma récompense suprême !

 

Un avis sur “Trois concerts et puis s’en vont (Festival J+5)

  1. Mon frère s’associe à moi pour vous remercier vivement de nous avoir proposer ce magnifique festival. Ces voyages d’été nous ont remplis d’émotions. Tout était parfait, l’organisation, les artistes d’une qualité exceptionnelle et le programme judicieusement choisi. Bravo et encore merci.

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