Ne vous y trompez pas, en cette fin de semaine de l’opéra français à l’U3A, où nous avons examiné, entre autres chef-d’œuvres, le Faust de Gounod, je ne vous livre pas une réflexion sur le pouvoir de Méphistophélès sur l’Homme… et pourtant… En cette rentrée 2016 et au moment où Charleroi s’apprête à fêter ses 350 ans, j’ai été, comme beaucoup de wallons, particulièrement bouleversé ce matin en apprenant la catastrophe sociale qui s’abat, une fois encore sur nos régions et en particulier, cette fois, sur la région, déjà sinistrée économiquement parlant de Gosselies, là où les américains de Caterpillar avait déjà frappé et réinvesti. Loin de moi l’idée de mettre tout le monde dans le même panier et de considérer que les multinationales ne sont que néfastes, elles procurent de nombreux emplois dans le monde. Comme toujours, tout et son contraire existent dans ce monde.
Mais lorsque, sans prévenir, d’une heure à l’autre, quelques personnes à des milliers de kilomètres, loin des tracas journaliers des travailleurs plongés en pleine crise économique, décident de fermer boutique, sans autre forme de procès, et de faire, avec les dégâts collatéraux… des milliers de travailleurs sans emploi, je me dis que ces pratiques, dont la seule motivation est un profit plus grand encore en exploitant plus avidement d’autres peuples, que nous ne sommes pas loin des terribles effets du terrorisme.
Ah ! S’écrieront certains… le mot sacré, le blasphème ! Ici, on n’a tué personne, il n’y a pas mort d’homme ! Moi, je ne suis pas un spécialiste et je ne me mêle pas souvent de ce que je connais mal. Je réagis à fleur de peau avec mon tempérament… euh… artistique! Le terme semble en effet excessif, mais en observant bien le déroulement des choses, il me semble que les faits se banalisent vite et que les dégâts qui s’apparentent aux souffrances effroyables des peuples s’estompent rapidement. Dans les premiers temps, on réagit de toutes parts avec virulence, émotion. La presse s’empare du sujet, multiplie les éditions spéciales. Les réseaux sociaux surchauffent à cause des des déclarations de chacun… moi le premier, vous le lisez ! Les autorités vers qui on se tourne jurent, mais un peu tard qu’on ne les y reprendra plus… se scandalisent, promettent réparation et affirment qu’on fera tout pour tenter d’infléchir la décision de la direction de la multinationale. L’expérience nous montre, hélas, l’inefficacité de la démarche.
Nicolas Poussin, L’Adoration du Veau d’Or, 1633
Puis avec le temps qui passe inéluctable, la lenteur des procédures de nos sociétés sclérosées et un fatalisme inévitable qui profite au maître du jeu, l’opinion publique et politique s’apaise, oublie… et revient forcément à son quotidien… en espérant que personne d’autre ne viendra en prendre de la graine pour recommencer! Alors, nous vivons dans la peur que cela ne se reproduise, que ce soit nous, cette fois, qui soyons touchés. La terreur s’installe et nous sommes prêts à vendre notre âme au diable pour que cela ne se produise pas. La terreur est là. Le mot n’est pas usurpé car terrorisme désigne la génération d’un sentiment de peur, de terreur ! Exactement lorsqu’un attentat terroriste, au sens habituel, se produit ! La vie finit par reprendre après la peur et l’émotion. Quelques temps, on se méfie, puis, une autre actualité prend le pas et écarte la précédente… au bout d’un moment, ça recommence !
En fait, notre monde n’a pas abandonné ses divinités. Il les a juste métamorphosées. Elles ne s’appellent plus Dieu, mais Argent, Profit, Dividendes,… et elles sont tout autant pernicieuses et puissantes que les autres. Elles maintiennent l’Homme dans sa peur, dans sa soumission et dans sa condition de simple mortel sur lequel les dieux ont droit de vie ou de mort. Je force un peu le trait, certes, mais on n’est pas loin du compte car, voyez-vous, le dieu Argent est omnipotent et en son nom, on dirige le monde, on détient le pouvoir. Personne en ce monde n’a jamais vu ni Dieu, ni Allah, ni qui que ce soit… pas plus on ne voit le dieu Argent. On en voit, en revanche, ses grands prêtres, ceux qui manipulent les bourses du monde entier.
Ce sont eux les vrais décideurs. Ce sont eux qui ont le pouvoir, pas les politiques que le peuple, dont nous faisons tous partie, plébiscite lors de nos élections démocratiques. Les démocraties (en sont-elles ?) sont au service du dieu suprême. Nous vivons en dictature… celle de la haute finance. Comment expliquer autrement que les bourses fassent les beaux et les mauvais jours du monde ? Comment, autrement, admettre le cynisme de ces responsables d’entreprises qui, sans broncher, décident, sans états d’âme (peut-on être à ce point sans états d’âme et se revendiquer de l’Humanité ?), de l’avenir de milliers de familles et, d’un simple geste, de réduire en cendres des régions entières au nom de cette divinité omnipotente… la Rentabilité ?
Le veau d’or est toujours debout!
On encense sa puissance
D’un bout du monde à l’autre bout!
Pour fêter l’infâme idole,
Rois et peuples confondus,
Au bruit sombre des écus
Dansent une ronde folle
Autour de son piédestal!
Et Satan conduit le bal!
Le veau d’or est vainqueur des Dieux!
Dans sa gloire dérisoire
Le monstre abject insulte aux cieux!
Il contemple, ô race étrange!
A ses pieds le genre humain
Se ruant, le fer en main,
Dans le sang et dans la fange
Où brille l’ardent métal!
Et Satan conduit le bal!
Le veau d’or a beau écraser des pans entiers de notre humanité et nous voler la vie, nous sommes dans l’incapacité de l’arrêter, le modèle du monde que nous avons construit ne le peut pas… nous sommes à sa merci ! Mes sincères pensées et émotions aux victimes de cet aveuglement extrême et… de ce scandaleux terrorisme économique !